Explorar los documents (1 total)

Capture batelier.JPG
Marcel Tayrac, batelièr d'Òlt
Chahuneau, Yves

Ce film documentaire noir et blanc de 24 min env., en occitan, a été réalisé en 1988-1989 pour le Musée du Rouergue et l’association CALER par Yves Chahuneau.

On y découvre toutes les étapes de la construction artisanale d’une barque traditionnelle dans la vallée du Lot (Òlt en occitan), de la sélection des matériaux à la mise à l’eau festive. Marcel Tayrac, le batelièr ou constructeur, y dévoile son savoir-faire : joignant le geste à la parole, il commente les techniques qu’il emploie et se remémore ce grand-père qui les lui a transmises, évoquant la place essentielle occupée par la navigation dans la vie des riverains du Lot.



Savoir-faire et point de langue !

Parmi les conseillers techniques du film, on note la présence de Zéfir Bosc, majoral du Félibrige, auteur de plusieurs ouvrages sur les territoires et populations du Quercy et du Rouergue.

Il décrit dans Les Gabarriers de la Haute Vallée d’Òlt le processus de construction des anciennes gabarres marchandes, qui correspond point par point au protocole suivi par Marcel Tayrac pour la construction de sa barque.


- ‘De longues planches de chêne, d’une ou deux pièces au maximum, aussi larges que possible, formaient le fond plat (“sòla”) et les côtés (“espondièrs”).’ [Voir film à 01:09]

- ‘Elles étaient réunis par des corbeaux (“corbas” dits aussi “pèds de melet”) provenant de grosses branches appropriées de châtaignier.' [8:30]

- ‘L’avant (“musèl” ou “morre”) et l’arrière (“cachor”) étaient confectionnés avec deux épaisses pièces de bois (“tabòts”) où se rejoignaient les pièces du fond et des côtés.’ [13:50]

- ‘Le tout était assemblé par des chevilles et grosses pointes en fer forgées (“tachas”).' [16:30]

- ‘Les jointures étaient calfatées avec de la filasse de chanvre, parfois graissée, mélangée à de la mousse et recouverte de baguettes de saule refendues (“latas”) dénommées “jumberlats”. L’ensemble du bâtiment recevait une couche, éventuelle, de bitume saupoudré de sable fin.’ [20:00]




Repères contextuels : les Tayrac, la batellerie et la navigation fluviale en vallée du Lot

Pareis que lo darrier que partiguèt amb las gabarras, aquò se tròba lo grand-paire de Tairac de Sent-Chaupice”, “Il paraît que le dernier à être parti avec les gabarres, c’était le grand-père de Tayrac de Saint-Sulpice”. (Emile Combettes, propos recueillis pour l’ouvrage Conques / Al canton, Christian-Pierre Bedel, 1993).

Du Moyen Âge au XIXe siècle, la voie d’eau constitue un axe majeur de circulation de matériaux et de denrées dans le Quercy et le Rouergue, comme en témoigne le vieux proverbe occitan cité par Zéfir Bosc dans Les Gabarriers de la Haute Vallée d’Òlt : “De la Sant Marin a la Sant Jòrdi, l’aiga es merchanda.”

Les échanges fluviaux connaîtront des bonheurs divers au cours de ces huit siècles. Si, en 1669, l’intendant Claude Pellot écrit à Colbert :“Il est peu de rivières dont la navigation soit plus intéressante pour le commerce que celle du Lot ; c’est la seule voye par laquelle les provinces du Rouergue et du Haut Quercy puissent envoyer leurs productions à Bordeaux et se procurer en retour sels, épiceries et autres marchandises du commerce maritime”, l’interdiction par le Parlement de Bordeaux d’affréter dans son port les vins de Cahors et du Fel lui avait déjà nui au XVIe siècle.

Avec le développement de nouvelles techniques et moyens de transport, au milieu du XIXe siècle, c’est l’importation des bois étrangers qui sonnera le glas de ce commerce fluvial en concurrençant le merrain (bois de construction) devenu la principale marchandise transportée sur le Lot.


En 1927, le fleuve est déclassé comme voie navigable mais il continue à faire partie intégrante de la vie de ses riverains. Les embarcations encore largement utilisées dans la première moitié du XXe siècle pour la navigation locale descendent en droite ligne de celles construites pour les échanges commerciaux : “Les dernières barques de passage et de pêche, de 6 à 7 mètres, construites par Tayrac [...] sont les modèles en réduction de ces imposantes nefs, dénommées gabarres.” (Z. Bosc, Les Gabarriers de la Haute Vallée d’Òlt)


La batellerie est principalement une affaire de famille. Les Tayrac, Tairac en occitan, n’y font pas exception. “Les pus gròsses batelièrs qu’ai vistes, les Tairac, aquelses d’aquí, acquò’s totjorn estat de paire en enfant.” “Les plus gros bateliers que j’aie vus, les Tayrac, ceux-là, ça a toujours été de père en fils.” (Albert Valette, propos collectés pour l’ouvrage Entraygues / Al canton, Christian-Pierre Bedel, 1995)

Une barque construite par Marcel Tayrac est conservée au musée du Rouergue de Salles-la-Source.

Éléments bibliographiques

BOSC, Zefir, Les Gabarriers de la Haute Vallée d’Òlt, 1989 - Cote CIRDOC CAD 322.

BEDEL, Christian-Pierre, Entraygues, Enguialès-Le Fel, Espeyrac, Golinhac, Saint-Hippolyte / Al canton,  Mission départementale de la Culture, 1995 - Cote CIRDOC 392.482.9 BED.

BEDEL, Christian-Pierre, Conques, Grand-Vabre, Noailhac, Saint-Cyprien-sur-Dourdou, Saint-Félix-de-Lunel, Sénergues / Al canton, Mission départementale de la Culture, 1993 - Cote CIRDOC 392.482.9 BED.

BOMBAL, Eusèbe, La Haute Dordogne et ses gabariers, éditions Les Monédières, 1991 - Cote CIRDOC CAC 5894.

BOSC, Zefir, Cançonièr de la ribieira d’Òlt, 1995 - Cote CIRDOC 789.489 BOS.

BEAUDOUIN, François, Bateaux des fleuves de France, Editions de l’Estran, 1985 - Cote CIRDOC CAD 1047.