1907-1914 : image du soldat méridional

L’ampleur du mouvement viticole qui embrase le Bas-Languedoc et le Roussillon en 1907, l’affirmation régionaliste et surtout l’épisode de la mutinerie du 17e RI - au final anecdotique mais ô combien spectaculaire dans la France militariste de la revanche - ont surpris l’opinion française et le gouvernement. Georges Clémenceau choisit l’inflexibilité. Il ne cessa de décrédibiliser ces méridionaux agités et sécessionnistes, qu’il prétend aux mains de la Réaction antirépublicaine. Pourtant, les historiens ont montré l’attachement des révoltés de 1907 à la République, dans une région où la population s’était élevée contre le coup d’Etat de 1851, et qui montrera encore son attachement républicain en participant à l’Union sacrée de 1914. Pourtant, les soldats méridionaux seront à nouveau victimes d’une image largement préparée par la littérature et les discours anti-méridionaux qui se multiplient tout au long du XIXe siècle, et facilement accusés de lâcheté lors de l’affaire du XVe Corps en août 1914.

La crise française : faits, causes, solutions. 1912.

André Chéradame (1871-1948), journaliste, publie en 1912 un essai politique sur la “crise française”, réédité après la guerre en 1921. Parmi les causes du mal français, Chéradame pointe l’influence néfaste des hommes politiques méridionaux, en raison de leur nature :

« Cet empire que les mots et les phrases sonores exercent sur la masse française a contribué à établir chez nous, en raison de la faconde méridionale, l’étrange prépondérance politique du Midi qui atteint des proportions inouïes. (...) En présence de ces chiffres écrasants, peut-on nier que la france soit gouvernée par le Midi, c’est-à-dire par des hommes au verbe sonore et facile qui prennent volontiers les mots pour des actes et dont trop souvent la faconde tient lieu de compétence ? »
De la caricature tartarinesque aux discours confinant au racisme et à l’antisémitisme qui se multiplient à la fin du XIXe siècle, le méridional devient en août 1914, le bouc-émissaire de la propagande officielle pour justifier les défaites militaires françaises. Ce sera “l’affaire du XVe Corps”, pilotée par le Ministre de la Guerre avec la complicité de nombreuses élites.

La crise française : faits, causes, solutions. 1912.

Juin 1907, des soldats languedociens se mutinent

En se mutinant, le 20 juin 1907 au soir, le 17e régiment d’infanterie accomplit, à Agde, un acte rarissime dans l’histoire militaire de la France. Face à l’ampleur des mouvements et des manifestations qui embrasent le Languedoc viticole et le Roussillon au printemps 1907, Georges Clémenceau, alors président du Conseil, envoie des troupes militaires. Le 17e RI, comme tous ceux dont le recrutement est méridional, partage les émotions de la population en révolte. Les officiers signalent des cas d’indiscipline de plus en plus fréquents, L’Internationale retentit parfois dans les casernes. Le 17e RI doit être transféré au camp du Larzac malgré le refus de la population du biterrois. Arrivés à Agde, les soldats apprennent les événements de Narbonne ainsi que des rumeurs de tués à Béziers. Dans la soirée du 20 juin des centaines de civils rejoignent les différents lieux de cantonnement du régiment et exhortent les soldats à mettre “la crosse en l’air”. Peu avant minuit, plus de 500 soldats mutinés se mettent en marche vers Béziers. Ils pénètrent dans la ville au matin du 21 au son de L’Internationale.
Au final tout rentrera dans l’ordre dans la journée. Clémenceau tirera parti de la mutinerie pour ressouder à la Chambre une majorité plus que chancelante face à l’ampleur du mouvement en Languedoc et en Roussillon. Il fut accusé d’avoir provoqué la mutinerie à des fins politiques. Si aucun document ne l’a jamais prouvé, certains historiens ont noté que le procédé avait déjà été utilisé par Clémenceau, en particulier en plaçant un agent provocateur lors de la sanglante affaire de Draveil-Villeneuve-Saint-Georges.