Yulien de Caseboune (1897-1978)

Julien Casebonne, félibre béarnais, issu d’une famille de paysans de la Vallée d’Ossau, rejoint en 1923 l’Escole Gastoû Febus et commence dès 1927 à publier des romans (Esprabes d’Amou) salués par la critique de l’ensemble des revues gasconnes. Devenu Mèste en Gai Sabé, il est mobilisé en 1916 et est envoyé, dès le mois d’août, au Front. Il participera aux combats jusqu’à la fin de la guerre. Ce n’est qu’en 1968 que paraîtra en feuilletons, dans la revue Reclams de Biarn e Gascougne( n°3-4 1968 à n°7-8 1969 ; n° 3-4 à n°9-10 1970), son journal de guerre, tenu au jour le jour, au plus près des combats. Il y raconte dans sa langue maternelle, depuis son départ du village d’Escou en 1916 à son retour à Pau en 1919, le quotidien d’un jeune soldat béarnais dans les tranchées.

Doutze dies endaban, dou coustat de Tahure, cheys dies endarré, atau qu’ey l’abitude per aquesté quartiè. A Sommes-Suippe oun passam lous cheys dies, qu’em cantounats en bordes ou maysoûs boeytes, lou mòunde d’aqueste loc be soun partits, bèt tems a, quàsi touts. Ta nous auts qu’ey gnaute bite que d’esta bèrmis de tèrre., que-s pudem ayrera, cambia e laba ; que poudem croumpa de que minya e bebe ou causotes qui-ns pòden ha gay. Que y a tabé ue sale oun s’y hè cinema, oun y a û empoun ta cansouàyres qui essayen des ha drin arrìde... U cop, à la fî d’ue reunioû lou yenerau Paquette qui coumande la 36e que s’ey lhebat e que-ns a dit :

Adare, que bam canta touts amasse la cante de la dibisioû !

E touts d’abourri de boû co Aquerres mountagnes. Au poste de coumandamen, que y a û cartoû penut a l’entrade dap û exriut : (36e D.I. Division Basque). Qu’at sabem, Bàscous ou Gascoûs, tau moùnde de Paris, qu’èm lou medich pùple.

Douze jours en pemière ligne, du côté de Tahure, six jours à l’arrière, tel est l’usage dans cette zone. A Somme-Suippe où nous passons les six jours, nous sommes cantonnés dans des granges ou des maisons désertes, les gens du coin sont partis, voilà bien longtemps, quasiment en totalité. Pour nous c’est une autre vie que celle de ver de terre, nous pouvons prendre l’air, nous changer et nous laver ; nous pouvons acheter à manger ou à boire ou des petites choses qui peuvent nous faire plaisir. Il y a aussi une salle où l’on fait le cinéma, où il y a une estrade pour les chansonniers qui essaient de nous faire rire un peu... Un jour, à la fin d’une réunion, le général Paquette qui commande la 36e s’est levé et nous a déclaré :

Maintenant, nous allons chanter tous ensemble le chant de la division !

Et tout le monde d’entonner de bon coeur "Aquerres mountagnes". Au poste de commandement, il y a, suspendu à l’entrée un écriteau, 36e D.I. (Division Basque). Nous le savons bien, Basques ou Gascons, pour les gens de Paris, c’est le même peuple.
Yulien de Caseboune (1897-1978)