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Lo viatge de Joana - Saison 2 / Épisode 10
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
Alranq, Perrine. Interprète
François, Isabelle. Interprète
Vidal, Alain. Interprète
Texte de l'épisode : 

- Allo ! L’association Paysans d’ici et d’ailleurs de l’Hérault ? Bonjour ! Je me présente : Jeanne Belcaire, retraitée près de Béziers. Est-ce que je pourrais avoir un rendez-vous avec quelqu’un de l’association ?

- Bien sûr mais pourquoi ? Nous n’avons pas beaucoup de temps ni de gens pour des rendez-vous.

- Voilà. J’ai reçu en héritage une ferme et 30 hectares de vignes. Je voudrais trouver un paysan intéressé par un fermage, la location serait petite.

- C’est une bonne idée de nous appeler. Ce serait peut-être mieux que le rendez-vous soit chez vous pour voir les terres. Je vais en parler aux autres et je vous rappelle la semaine prochaine. Au revoir et encore merci Madame Belcaire.

Pour le moment on fera comme ça. Mathilde a une maison et un homme qui a du travail. Et si elle veut travailler pour faire un Bed and Breakfast dans la maison de Vincent, le maire a dit qu’il était possible de trouver de l’argent pour le faire. Il est temps pour elle d’être adulte, je ne veux plus donner d’argent. Temps d’être « égoïste » et d’être aimée pour moi et pas pour mon argent. Et si tout se passe bien on parlera d’adoption.

Et maintenant le meilleur arrive : mon homme Rémy lundi à Fréjorgues. La dernière fois qu’il est venu au village et peut-être en France, je ne sais pas, c’était chez sa cousine qui venait chaque mois d’Août se reposer dans le Languedoc. Rémy aimait ce pays et chaque été nous nous retrouvions pour marcher, danser et nager.
Un jour il m’a demandé :

- Ça te plairait de venir me voir à Baltimore ? Je n’ai pas d’argent pour payer le voyage. Je commence à travailler à La Poste l’année prochaine ! De toutes façons ça me ferait peur de venir dans ce pays. Dans les films il ne me plait pas. Sauvage!

- Ce ne sont que des films ! C’est la dernière fois que je viens. Mes parents sont retraités et n’ont plus d’argent et comme je fais des études je dois garder tout l’argent pour payer l’université.

- Je serai triste de ne plus te voir !

- Et moi aussi !

Ce soir-là nous sommes allés danser, il m’a serré dans ses bras, m’a fait un léger baiser sur la bouche et l’histoire s’est achevée.
Est-ce qu’un professeur d’université peut aimer une femme de la campagne qui travaille à La Poste ? Chaque année j’ai reçu une carte pour Noël et je lui ai envoyé une carte pour le jour de l’an. Quarante ans !
Après il y a eu René et puis plus rien dans ma vie de femme... Mais j’ai aimé la vie avec les gens du village.

Pour tout dire j’ai peur, nous n’avons pas la même façon de vivre avec Rémy ni de penser… Je me suis habituée à la vie américaine, mais qu’est-ce qu’il fera lui ici ? Et moi qu’est-ce que je veux faire de ma vie maintenant ? Le rêve d’avoir une fille est mort.

La pluie tombe tranquille comme un soir d’automne - la saison où on n’a plus le courage de se battre pour un idéal, alors qu’on aurait tout le temps de le faire. Mais peut-être qu’avec Rémy d’autres portes pourraient s’ouvrir. La honte de ne pas aider ceux qui n’ont rien pour vivre, les migrants, les femmes battues, les enfants abandonnées dans la rue...
Madame Jeanne c’est un peu tard, il faut aller dormir, votre prince arrive demain...

Encore une fois je suis devant la sortie « Arrivée » de l’aéroport, une heure avant l’heure. J’ai envie de rire, de pleurer, de fuir, de rester.

« L’avion Air France en provenance de Paris Charles de Gaule… »

Il est arrivé ! Il me faut aller aux WC, je ne peux plus attendre. Mais ce n’est pas à côté, je cours, attention de ne pas tomber ! Quand je reviens je le vois avec ses bagages planté au milieu de l’aérogare. Il cherche partout mais pas de mon côté.

Je viens doucement, j’arrive derrière son dos :

- Rémy !

- Jeanne !

Encore une fois et peut-être pour longtemps je suis prisonnière dans ses bras. Je ne sais pas combien de temps on est restés collés l’un contre l’autre.

- Tu es sûre cette fois ? Je peux croire que nous allons être heureux ensembles ? Si non il y a un avion pour Paris dans deux heures.

- Si tu veux on peut partir ensemble. Mais avant j’ai acheté un lit tout neuf, il faudrait l’essayer.

La porte de la maison que j’avais fermé à clé est ouverte. Nous entrons.

- Rémy quel plaisir de te revoir surtout ici. Vous vous êtes bien retrouvés ?

- Bonjour Mathilde ! Je croyais que tu avais ta maison ?

- Oui !

- Alors qu’est-ce que tu fais là ?

- Ça me plaisait de te voir. Après la mère, le père !

- Et Jacques n’est pas avec toi ?

- Il y a un problème !

- Déjà ! Après une semaine !

- Je lui ai dit la couleur de l’enfant que j’ai dans le ventre. Alors il n’est plus sûr d’être amoureux de moi ! Et moi je ne veux pas vivre seule et encore plus quand il y aura le petit !

- Mais Rémy et moi nous voulons être un peu seuls. Alors tu vas retourner chez toi et tu reviendras pour le dîner ce soir.

Mathilde pleure et s’en va en claquant la porte.

Rémy me regarde, je regarde Rémy et nous commençons à rire sans pouvoir nous arrêter. Nous avions la fille et maintenant c’est sûr que ce serait mieux d’être deux pour s’en occuper.
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Lo viatge de Joana - Saison 2 / Épisode 9
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
Alranq, Perrine. Interprète
Hébrard, Jean. Interprète
François, Isabelle. Interprète
Vidal, Alain. Interprète
Texte de l'épisode : 

Les enfants ont couru partout, les jeunes ont chanté, les vieux ont raconté des histoires, les joueurs de Hautbois languedociens ont fait danser et puis tout le monde a sauté le feu. Il faut faire attention avec les enfants qui quelques fois se rencontrent au milieu du feu, tombent et se brûlent les pieds si pas plus !

À un moment ils m’ont demandé de chanter une chanson qu’on avait apprise avec Claire à la Chorale occitane : À la Saint Jean d’été.

À la Saint Jean d’été la nuit est si petite (bis)
Si petite est la nuit que l’ombre mensongère
Ombre sous la terre ombre sous le feu.
Et tournent tournent les sorcières autour du cyprès
et cric cric dit le grillon et chocho la chouette...


Angèle assise à côté de moi a commencé à raconter « La sorcière de Narbonne ». Mathilde se régalait. Je n’avais jamais fêté la Saint Jean, c’est tellement beau ! L’année prochaine je viendrai avec le petit !

Tout le village était enchanté de la voir et surtout son ventre :

- Eh bien Jeanne ta filleule est revenue mais pas toute seule, comme disait ma grand-mère « elle a un polichinelle dans le tiroir ! »

- Mais toujours jolie et gentille ! Est-ce qu’elle a un métier de l’autre côté ?

- Il faut lui demander : moi je ne sais pas tout !

Mathilde se lève et va discuter avec un jeune homme que je ne connais pas. Elle me le présente :

- Jeanne, c’est Jacques l’ami avec qui je suis arrivée dans ce village l’année dernière. Je t’avais raconté l’histoire ! Nous avons étudié ensemble la diététique.

- Ah ! maintenant je me souviens. Bonjour Monsieur ! C’est bien de vous retrouver ! Vous êtes toujours à l’université ?

- Et oui, je n’ai pas encore fini, mais tout va bien. Dans un an j’ai un travail qui m’attend chez mon père qui a un restaurant à Montpellier. Je ferai un menu spécial pour les diabétiques et les végétariens.

Il est minuit quand j’arrive à la maison. Mathilde est restée avec son ami. Encore une fois je me sens à côté de la vie. Elle m’aime cette petite mais elle pense qu’il n’y a qu’une chose importante pour moi : son bonheur ! Elle pense que c’est une chance pour moi de l’avoir trouvée pour remplir le vide d’un avenir sens autre but que la mort. C’est comme ça que les jeunes voient les vieux. Je suis triste, déçue : j’avais tant attendu ce moment après la fête pour parler de la suite.
Assise sur le terrasse je me dis qu’encore une fois je me suis trompée, l’adoption n’est pas une bonne idée. C’est à elle de trouver son chemin toute seule. Et moi de trouver le mien : j’ai cru me faire aimer pour ma générosité. Pour gagner l’amour de Mathilde, la fille que je n’avais pas eu, je lui aurais tout donné. Et ce jour de la Saint Jean tout s’arrête. Aimer l’autre ce n’est pas se faire manger par lui. Ouf ! C’est l’heure de faire une bise à Rémy et d’aller dormir un peu.

- Alors madame comment va votre fille avec son ventre rond ?

- Je suis en train de me réveiller. Le rêve est tombé au fond du puits. Mathilde ne sera jamais ma fille et je ne suis pas sa mère.

- Jeanne enfin raisonnable ! Ça me fait très plaisir et tout cet amour nous le garderons pour notre avenir. N’oublie pas de venir me chercher à Fréjorgues dans une semaine.

- Dons tu seras là le 1er juillet ! Bravo ! Il me faut acheter un lit pour deux : le mien ne fait que 90 centimètres, il n’est pas pour deux.

- Je te laisse choisir. l’important c’est d’être un près de l’autre. Bises !

- Bises !

J’entends Mathilde rentrer à deux heures du matin.

Nous nous retrouvons pour le café à 10 heures.

- Je pense qu’il te faudrait aller voir le docteur du village. C’est pour quand l’accouchement ?

- Le 15 juillet si tout se passe bien. Je voudrais accoucher à la maison, je ne veux pas aller à l’hôpital.

- Je ne sais pas si c’est possible. S’il y a un problème ça peut être dangereux, on ne sait jamais… En plus je ne suis pas ta mère ni quelqu’un de ta famille. Donc j’aimerais que ce ne soit pas dans ma maison.

- Comme tu voudras. Je suis heureuse d’avoir retrouvé Jacques. Nous avons décidé de sortir ensemble ce soir.

- C’est bien pour toi, il a l’air gentil ce garçon.

- Il est toujours amoureux de moi, il ne m’a pas oubliée. C’est une bonne chose d’avoir dans le village une mère et un homme !

- La semaine prochaine Rémy arrive et nous voulons être un peu tranquilles tous les deux. Nous allons aller visiter la maison de l’Oncle Vincent et ce sera une bonne maison pour vivre avec ton petit et ton ami si tu veux. Chacune fera sa vie de son côté et je pense que c’est mieux. Puis nous irons à la ville acheter tout ce qu’il faut pour le petit. Ça te va ?

- Merci beaucoup Jeanne. Je ne trouverai jamais les mots pour te remercier. Allons voir la maison !

Évidemment la maison de l’Oncle Vincent a besoin d’être nettoyée et la cuisine ressemble à celle de ma grand-mère. Mais il y a tout ce qu’il faut pour vivre. Il faut acheter des draps, des éponges. Il faudra laver les rideaux, et le linge de cuisine et de toutes façons toute la maison. La voiture au retour de Béziers est plus que pleine. Pour le lit ils l'apporteront dans la semaine. Jacques est venu aider et les deux oiseaux ont l’air très heureux. Maintenant c’est leur maison.
Je ne comprends pas tout mais je pense à la chanson de Carmen : « L’amour est un oiseau rebelle que nul ne peut apprivoiser… ». Mais peuchère, il y en a un ou une dans le ventre de Mathilde qui n’a rien demandé...

La mère de Jacques est venue aussi pour visiter et tout le monde est invité Vendredi pour l’apéritif. Après Mathilde veut rester dans la maison.

- Et Jacques ? Je sais, ce n’est pas mon affaire.

- Jacques va vivre avec moi comme ça tu seras plus tranquille. Il m’emmènera à l’hôpital.

Encore une fois je me sens mise sur le côté mais je serai libre de vivre comme je veux avec Rémy. Et le Vendredi nous sommes tous sous la treille de la maison de Mathilde et Jacques sert le pastis et le vin blanc. La mère et le père de Jacques, les Martino, sont contents et pour finir moi aussi.

Maintenant je vais aller nettoyer ma maison pour mon Rémy. Je retourne seule à la maison et je ne sais plus où j’en suis. De toutes façons pour lui donner la maison il faudra l’adopter, il n’y aura pas d’autre possibilité. Mais comme peut-être elle va se marier avec Jacques elle ne s’appellera jamais Mathilde Belcaire. Mais il y a encore les vignes de Vincent et la maison et les terres de René. On verra tout ça avec Rémy, je suis fatiguée.
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Lo viatge de Joana - Saison 2 / Épisode 7
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
Capron, Michel. Interprète
Hébrard, Jean. Interprète
Vidal, Alain. Interprète
François, Isabelle. Interprète
Texte de l'épisode : 

La doctoresse me fait un sourire plein de bonté, cela fait des années qu’elle a suivi tout mon chemin de femme et surtout la ménopause ce changement dans la vie des femmes qui est la plus grande injustice (il y en a qui disent que pour les hommes il y a l’andropause mais personne n’en parle jamais) :

- Ma chère Jeanne quel plaisir de vous voir. Mais il vous  faut faire attention les vingt ans sont passés et il ne faut pas trop remplir la coupe car le corps ne peut pas suivre.

- Qu’est-ce qui s’est passé ?

- Eh bien : vous étiez chez le notaire et une lettre du regretté René vous a effrayée et votre corps a crié : assez ! et vous êtes partie dormir un peu de l’autre côté. Mais tout va bien vous êtes revenue dans la vraie vie.

- Ah je me souviens ! Le René ne veut pas me laisser vivre en paix, la jalousie n’a pas de frontière.

- Vous allez prendre un peu d’herbe de la Saint Jean - le millepertuis car c’est la saison. Et n’oubliez pas de manger des protéines et de boire un verre de vin à chaque repas.

- Ne vous inquiétez pas, ça je sais le faire.

- Et s’il y a un problème appelez-moi, ce sera un plaisir pour moi de vous aider à reprendre tranquillement votre place dans le village. N’ayez pas peur : personne n’est allé crier dans les rues que vous aviez tué le pauvre René ! Cela faisait longtemps qu’il n’avait plus envie de traîner son malheur sur cette terre. A bientôt !

Trois heures après le déjeuner : il est temps de sortir du lit, de prendre une douche et de changer de robe… Dans l’entrée de la maison un petit papier sous la porte : « Si vous avez besoin d’aide je suis là ! Josette Soulages, votre voisine. » Je ne veux pas être une femme toute cassée, mais de toute façon elle est bien gentille cette voisine. Elle n’était pas là l’année dernière et la maison était à vendre : elle est peut-être venue pour la retraite. Je ne sais pas si elle est mariée…
Qu’est-ce que je vais faire avec la maison et les terres de René ? Peut-être que ce serait bon pour des logements sociaux parce que si je me souviens bien elle est très grande la maison de René. On pourrait faire 4 F2. Et pour les vignes j’ai une idée : on pourrait faire des jardins ouvriers pour ceux qui n’ont pas de terre. Ce serait très intéressant pour le village.

Je vais à la mairie peut-être que je trouverai le maire. Justement il est là :

- Bonjour Monsieur Bonelli, comment allez-vous ?

- Bonjour Mademoiselle Belcaire, quel plaisir de vous voir ! Heureuse d’être rentrée au pays ? Quel est le problème ?

- Voilà : René Delrieu m’a laissé sa maison et ses vignes.

- Très intéressant !

- Mais je n’en ai pas besoin. Je voudrais faire quelque chose pour le village. Je peux vendre la maison pour un euro symbolique à la mairie. Je pense qu’avec cette maison ce serait possible de faire des logements sociaux pour ceux qui en ont besoin. Qu’en pensez-vous ?

- C’est très généreux mais le problème c’est qu’au conseil municipal les élus ont peur que dans les logements sociaux, comme ils sont pour les pauvres, il n’y ait que de la « racaille ». Nous sommes une petite commune et la loi nous laisse libres pour ce qui est des logements sociaux. Nous n’avons pas d’obligation.

- Et moi qui croyais que les élus étaient généreux surtout avec les gens qui n’ont pas assez pour vivre.

- Mais ils ont peur qu’il y ait des étrangers venus d’on ne sait où pour s’installer ici. Vous avez vu les dernières élections ! Vous pourriez faire un « bed and breakfast » pour les touristes, ce serait bon pour le village et vous pourriez avoir des aides pour le faire.

- On verra. Pour les terres - il y a 10 hectares - peut-être que ce serait bien de faire un espace pour les jardins. Chacun pourrait avoir gratuitement un jardin et la commune donnerait l’eau.

- C’est une bonne idée. J’en parlerai au prochain conseil municipal. Mais peut-être que ceux qui vendent des légumes sur le marché ne seront pas contents. Evidemment tout cela est très généreux pour la commune mais les intérêts de chacun et les intérêts collectifs sont deux choses différentes.

- Merci Monsieur le maire. Appelez-moi quand vous aurez décidé sinon je vendrai tout et c’est sûr qu’il y aura des étrangers pour acheter les terres et la maison. A bientôt !

- Au revoir !

Et crac ! Un rêve de plus écrasé ! Tout d’un coup je me souviens de ce que me disait un ami : il y a des jeunes paysans qui ont fait des études et qui ne trouvent pas de terres pour travailler. Les retraités qui n’ont que de petites pensions aiment mieux vendre : c’est plus intéressant pour l’argent ! Sûr que faire un petit fermage pour un jeune serait une bonne chose.  Il y a une association : « paysans d’ici et d’ailleurs ». Il me faut rencontrer l’association et tout ira tout seul. Ouf !

C’est l’heure d’appeler Rémy pour savoir comment ça s’est passé avec Mathilde.

- Allo, Rémy ?

- Comment vas-tu ma belle ? J’ai envoyé le billet à Mathilde. Elle sera dans ton pays lundi prochain.

- Tout va bien, le jour de la Saint Jean : on ira danser autour du feu.

- Attention de ne pas faire tomber le petit ou la petite on ne sait pas encore !

- Et toi Rémy tu arrives quand ? J’ai tellement  besoin de te voir, d’être dans tes bras !

- Ça me fait plaisir, c’est la même chose pour moi ! Vilaine fille ! Quand tu es partie d’ici je pensais que peut-être c’était pour toujours et que j’avais perdu le soleil de ma vie !

- Arrête de raconter des bêtises ! Bon ! Ici j’ai eu des problèmes dans le village mais je pense que bientôt tout ira bien. Je ne peux rien te dire maintenant c’est trop compliqué. Ne te fais pas de souci je reviendrai avec toi à Baltimore pour t’aider avec ta maison.

- Tout va bien. Si c’est possible nous viendrons ici après les vendanges et repartirons pour le vin nouveau !

- Est-ce que tu as rencontré Mathilde et son homme ?

- Pas encore ! Ça ne semble pas possible de ne pas rester avec elle pour l’arrivée de l’enfant ! Je ne comprends pas ce qui se passe, on verra bien !

- À la prochaine et n’oublie pas de m’appeler demain !

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Lo viatge de Joana - Saison 2 / Épisode 5
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Vidal, Alain. Interprète
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
François, Isabelle. Interprète
Alranq, Perrine. Interprète
Capron, Michel. Interprète
Duplan, Josette. Interprète
Texte de l'épisode : 

Quelqu’un tape à la porte en criant :

- Jeanne, Jeanne !

Sur l’escalier de l’entrée de la maison maigre, vieille et toute en pleurs la voisine de René, l’Angèle :

- Jeanne au secours ! René s’est pendu dans son garage et si je viens te voir c’est qu’il a laissé une lettre.

- Et alors ? C’est terrible mais je n’y peux rien, il est venu hier et je l’ai fichu à la porte. Je ne voulais plus entendre les histoires sur notre jeunesse qui m’ont fait tant mal.

- Lis cette lettre !

- Si tu veux mais maintenant c’est un peu tard pour faire quelque chose.

À mon village tant aimé,

Toute ma vie depuis l’école primaire j’ai été amoureux de Jeanne. Sûr que je l’ai abandonnée pour la Rosetta à 20 ans. Mais aujourd’hui la Rosetta est partie et je pensais que le rêve pouvait devenir réalité... Je viens d’apprendre qu’elle est amoureuse et qu’elle va se marier avec un américain. Donc je ne veux plus continuer à vivre. Quand les rêves sont morts il n’y a plus de raison de vivre.


Adieu à vous tous votre ami René le malheureux.

- Encore une fois je ne peux rien faire, ce n’est pas de ma faute. Il est venu me voir hier et il était furieux.

- Tout le monde va dire que c’est de ta faute !

Et l’Angèle furieuse s’en va. Huit heures du soir. Temps de téléphoner à Rémy.

- Allo ! Rémy !

- Comment vas-tu amour de ma vie ?

- Je n’ai pas trop le temps de parler. Mathilde m’a appelée. Mathilde est enceinte et veut venir faire son petit chez moi. Le problème c’est qu’elle n’a pas un sou pour payer le billet d’avion. Est-ce que tu peux lui envoyer l’argent ou mieux prendre le billet et le lui envoyer à Philadelphie ou par internet ? L’adresse : Mathilde Delbas chez Fred Tiafran 23 45 Hillwiew Avenue Philadelphia. Et le téléphone: 410 587 90 87.

- Je vais le faire. Ne te fais pas de souci. Mais est-ce que tu es sûre de ce que tu fais ? Tu n’as jamais eu d’enfant et tout d’un coup tu vas te retrouver mère et grand-mère, ce n’est pas simple.

- Mais tu seras avec moi et je ne serais plus seule. Tu m’aideras. Et en plus le père du petit est noir, chanteur ou musicien, je n’ai pas compris. Je t’appelle bientôt. Et d’un autre côté il y a des problèmes au village. Je te raconterai tout ça la prochaine fois. Adieu et bises mon Rémy !

- Adieu ma belle !

Tout va bien. C’est bon de ne plus être toute seule. Et encore le téléphone. Qui peut appeler maintenant ?

- Mademoiselle Belcaire ?

- Oui c’est elle ! Que voulez-vous ?

- Ici la gendarmerie du village. Je sais qu’il est tard mais nous voudrions vous voir. Monsieur René Delrieu s’est pendu et a laissé une lettre qui parle de vous. Et en plus une voisine Madame Soulages a entendu une dispute entre vous, hier à deux heures.

- Et que puis-je faire ? Ce n’est pas moi qui l’ai pendu !

- Madame, si vous voulez nous pouvons venir vous voir chez vous.

- Demain matin ?

- Non maintenant. Avant de donner le permis d’inhumer il serait bon de parler avec la dernière personne qui l’a vu.

- Eh bien je vous attends !

Mais avant il me faut manger un petit bout et surtout boire un petit coup de vin. Un peu de jambon, de fromage avec une tranche de pain et une pomme reinette du Vigan. Ils sont déjà là avec la voiture de police.
Je commence à me demander si j’ai bien fait de revenir au village. Evidemment la mort de René n’est pas un plaisir pour moi. J’ouvre la porte. Une femme et un homme entrent. La femme je l’ai déjà vue : Madame Blanquet. L’autre, l’homme je ne l’ai jamais vu.

- Est-ce que nous pouvons nous asseoir ?

- Je vous en prie. Venez par ici sur la terrasse.

Ils se mettent chacun dans un fauteuil de jardin. Je vais chercher de l’eau et des verres à la cuisine.

- Vous avez une jolie maison Mademoiselle Belcaire ! Ne vous faîtes pas de souci nous aurons vite fait. Ce n’est que de la routine.

Je leur raconte notre histoire avec René depuis le début jusqu’à notre dispute d’hier sur le devant de la maison. Ils écrivent tout ce que je dis et s'en vont.
Je suis allée me coucher et j’ai dormi toute la nuit sans me réveiller. Aujourd’hui est un autre jour. Hier c’est le passé.

Bonjour tout le monde, adieu les souvenirs. Ma vie commence maintenant ! Le soleil brille sur mon toit tout neuf !

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Lo viatge de Joana - Saison 2 / Épisode 4
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Vidal, Alain. Interprète
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
François, Isabelle. Interprète
Alranq, Perrine. Interprète
Texte de l'épisode : 

Donc il me faut appeler Mathilde. Je dois attendre six heures. Midi de l’autre côté. Peut-être que le matin elle a besoin de dormir un peu si elle est enceinte. Je ne veux pas décider avant ce que je vais faire avec elle.
De toute façon j’ai du travail dans la maison : il faut vider les valises. Surtout téléphoner au notaire pour savoir ce qui s’est passé avec le toit.

- Maître Bardot ?

- Bonjour. Madame?

- Jeanne Belcaire. Vous ne me reconnaissez pas? Quand même je ne pense pas que j’ai pris l’accent américain!

- Excusez-moi ! Sûr que je savais que vous étiez revenue : tout le village le sait : « l’américaine est revenue sans sa filleule! »

- Merci pour tout votre travail : le toit, les papiers, les impôts. Je voudrais savoir ce qui s’est passé avec le toit.

- Il y a eu un gros orage et le dessus du toit de votre maison s’est retrouvé dans le jardin. Mon maçon a bien travaillé. Il a changé les tuiles et tout réparé. Il a nettoyé votre jardin et j’ai tout payé.

- Donc je vous dois de l’argent. Quand vous voulez je peux venir au bureau.

- Il y a aussi d’autres choses dont nous devons discuter ensemble : qu’allez-vous faire de la maison de votre oncle et de ses vignes ? 20 hectares c’est beaucoup de terres dans un pays de bon vin ! Le Sud de France est de plus en plus connu. Peut-être que j’ai trouvé quelque chose qui serait bien pour vous et le village. Nous en parlerons tous les deux. Quand pourriez-vous venir ?

- Je voudrais attendre un peu. Il y a tant de choses à venir dans les jours qui arrivent ! Je vous appellerai en fin de semaine.

- N’attendez pas trop : on ne sait jamais… A bientôt Jeanne !

- Au revoir Maître Bardot !

Et maintenant un petit thé à l’orange, celui qu’aime mon homme américain si lointain ! Quel plaisir d’être sur la terrasse sur une chaise de jardin en toile rouge sous le soleil pas encore trop chaud ! Avec un petit brin de vent qui court dans les arbres du jardin : le chêne toujours vert été comme hiver et le pin aussi.
Ce n’est pas l’heure d’appeler Rémy qui doit toujours être à l’université. Tout d’un coup je me réveille : le « jet lag », le décalage horaire ! J’ai dormi deux heures !
Je vais chercher le téléphone, le numéro, j’ai peur. Il faut que je sache que maintenant ma vie est avec Rémy. De toutes façons il faut choisir : Mathilde ne sera jamais ma fille mais demain Rémy sera mon mari !

- Allo ! Mathilde ?

- Jeanne ! Quelle merveille d’entendre ta voix ! Comment vas-tu ? Ça fait longtemps que tu es retournée au village ?

- Et toi Mathilde, qu’est-ce que tu fais? Tu dois tout me dire car je me fais du souci. Qu’as-tu fait pendant tout ce temps ?

- Si tu veux tout savoir : je suis heureuse mais toujours perdue. Encore une fois je ne sais plus où j’en suis.

- Mais qui est le père de ce petit que tu attends ? 

- C’est compliqué. Peut-être que c’est mieux d’attendre de se voir pour te raconter l’histoire. Est-ce que je peux venir chez toi ?

- Qui est le père de l’enfant ?  

- Un musicien.

- De musique classique ?

- Non : de jazz africain si tu veux tout savoir ! Noir ! Fred Tiafran.

- Et tu veux venir avec lui au village ? Je ne sais pas si tu le sais mais au village pour les dernières élections la droite/droite et la gauche étaient à 49/51% !

- Et alors ?

- Je pense que ce serait mieux que tu viennes toute seule.

- Ça tombe bien : il a du travail et ne peut pas venir. Mais moi je veux venir.

- Et quand l’enfant arrivera sûr qu’il ne sera pas blanc !

- Jeanne, tu me déçois. Je te croyais plus ouverte au monde moderne ! Tu le sais bien que la terre est de plus en plus petite.

- Moi je le sais mais dans le village ils ne le savent pas encore. Donc si tu venais seule tout serait bien. Quand est-ce que tu arrives ?

- Il y a un problème : je n’ai pas un sou pour acheter le billet d’avion.

- Et ton homme il n’a pas d’argent pour toi, la mère de son enfant ?

- Un jour peut-être quand il sera connu comme musicien. Mais on n’y est pas encore. Dans ce pays les artistes n’ont pas d’aide pour vivre. Pas « d’intermittent du spectacle » !

- Donc où est-ce que je dois envoyer l’argent pour le billet ?

- Sur la banque de Fred, un virement.

- Je pense que le mieux est de demander à Rémy qu’il prenne ton billet pour te l’envoyer. Donne-moi ton adresse. Je viendrai te chercher à Montpellier.

- Alors : Mathilde Delbas chez Fred Tiafran 23 45 Hillview Avenue. Philadelphia US.

- Trop compliqué ! Je demanderai à Rémy de t’appeler demain matin. A bientôt.

- Bises !

- Dis-moi c’est un garçon ou une fille ?

- Je n’ai pas voulu savoir : on découvrira ensemble ! Ciao !

Peut-être que je suis trop vieille mais je n’ai pas pu dire non ! Temps d’appeler Rémy….

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Lo viatge de Joana - Saison 2 / Épisode 3
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Vidal, Alain. Interprète
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
François, Isabelle. Interprète
Alranq, Perrine. Interprète
Capron, Michel. Interprète
Duplan, Josette. Interprète
Texte de l'épisode : 

Je prends l’enveloppe, le tampon est américain. Je pose la lettre sur la table du salon.
Pour commencer il faut que j’ouvre les fenêtres, les volets pour laisser entrer l’air du mois de Juin dans la maison. Je fais le tour de la maison, ça ne sent pas la rose après un an de fermeture.

Il est midi. Je sors pour aller acheter quelque chose à manger. Quand j’entre dans l’épicerie c’est la révolution :

- Jeanne tu es rentrée ? Tout le monde croyait que t’étais envolée pour ne plus jamais revenir ! Mais que tu es belle ! Elégante ! Où as-tu trouvé ces jeans ? Et ce tee-shirt ? Tout le monde a fantasmé : il y en a qui ont dit que tu étais mariée, d’autres que tu avais décidé de vivre en Amérique avec Mathilde... De toutes façons ça nous fait plaisir de te revoir et surtout si jolie ! Sûr que le bonheur est arrivé dans ta vie. Et un jour il faudra nous dire la vérité ! Et la petite, je ne sais plus comment elle s’appelle, qu’est-ce que tu en as fait ? Tu l’as vendue ?  

- Elle arrivera bientôt. Moi aussi je suis heureuse d’être rentrée et de vous voir. J’ai faim donc je voudrais...

- Est-ce qu’ils mangent comme nous de l’autre côté?

- Pas toujours. Donc du pain, du jambon, de la salade...

Mon panier plein je rentre à la maison. Ce n’est pas très agréable de manger tout seule quand on n’y est plus habituée. Le téléphone sonne :

- Allo Jeanne, comment vas-tu ? Et le toit il n’est pas au milieu du jardin ?

- Et toi Rémy que fais-tu? J’espère que tu es malheureux tout seul dans ta belle maison sans ta Jeanne!

- Et toi est-ce que tu es malheureuse sans ton Rémy?

- Je ne sais pas encore, je viens d’arriver et je vais manger un peu. Les gens sont heureux de me voir.

- Bon c’est l’heure de partir à l’université car j’ai du travail ! Sept heures. Je t‘appellerai quand tu auras mangé. Bises !

- Bises !

Je rentre dans la cuisine, rien n’a changé... Le temps de brancher l’électricité, d’allumer le frigo. Ensuite je mange, je trouve une bouteille de vin, je bois un coup. C’est bon le vin pour ma tête et surtout mon cœur pour chasser le « blues ».
Et maintenant la lettre avec le café. Je savais bien qu’elle m’écrirait un jour. Mais je ne suis pas sûre que ce soit le bon moment.

Quelqu’un frappe à la porte. C’est le René, l’amoureux de mes 20 ans qui m’a laissée pour une autre. Il a un bouquet de roses rouges dans la main.

- Bonjour ma belle américaine ! On m’a dit que tu étais revenue au village. Je croyais ne plus jamais te revoir.

Il me donne les fleurs.

- Ces fleurs pour te dire tout mon amour, à toi qui resteras toujours la fleur de ma jeunesse !

- Entre René. Tu veux du café ?

- Avec plaisir !

- Assieds-toi. Je vais le réchauffer.

- Est-ce qu’on t’a dit la nouvelle?

Je ne réponds pas. Maintenant je sers le café.

- Alors on ne t’a rien dit?

Silence.

- Maintenant tu sais je suis riche. Ma tante est morte et m’a tout laissé. Comme pour toi avec ton oncle Vincent. Trop d’argent pour un homme tout seul. Alors si tu voulais, on pourrait vivre ensemble. Avec Rosetta nous n’avons pas eu d’enfant.

- René, l’an dernier je te l’ai déjà dit : toi et moi ça fait 40 ans que c’est fini. Tu ne te souviens plus de ce que tu m’as fait à 20 ans ? Et maintenant en plus je suis fiancée. Bientôt il y aura un mariage au village. Tu seras invité. Et maintenant j’ai des choses à faire et je suis fatiguée. Bois ton café et dehors !

René se lève et commence à pleurer.

- Je t’ai aimé toute ma vie. Quand la Rosetta était malade chaque matin je priais pour la voir partir au cimetière. Pour vivre avec toi ! Les femmes vous êtes toutes les mêmes : vous ne comprenez rien à l’amour. Est-ce que tu te souviens que quand tu n’avais pas un sou je t’ai prêté 1000 francs pour enterrer ta mère ?

- Sors de chez moi ! Je ne veux plus parler du passé et ce qui est fait est fait !

J’ai ouvert la porte, j’ai jeté les roses au milieu de la rue.

- Ton chien, le petit Poubelle, c’est moi qui l’ai tué. Adieu la vieille fille !

Eh bien ! joli retour ! Et maintenant la lettre de Mathilde :

Ma chère Jeanne,

J’ai rêvé de toi chaque jour depuis neuf mois : je savais bien que j’avais été méchante de m’en aller sans te dire au revoir. Après tout l’amour que tu m’avais donné! J’ai besoin de toi. Dans deux mois le petit arrive et je ne veux pas le faire dans ce pays. J’ai peur ! Et quand je pense à ma mère et à la grand- mère de mon enfant c’est toi que je vois. Est-ce que je peux venir chez toi pour accoucher ? Fred mon homme viendra me rejoindre dans deux mois. Maintenant il ne peut pas. Appelle moi quand tu pourras. Ne me laisse pas seule. Je t’aime.

Ta fille Mathilde.

En PS il y a le numéro: 410 687 90 87.De toute façon je n’ai pas le choix : il me faut appeler !

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Lo viatge de Joana - Saison 2 / Épisode 2
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Vidal, Alain. Interprète
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
François, Isabelle. Interprète
Texte de l'épisode : 

Évidemment tout a changé pour moi. Je me suis habituée à ma vie de femme avec un homme et le sourire de l'amour sur ma tête. Je n'avais jamais imaginé qu'une chose pareille arriverait un jour dans ma vie de vieille fille : faire la cuisine, aller faire toute seule les courses dans un supermarché américain, commencer à comprendre et à parler un peu cette langue. Rémy me laissait sa voiture et je conduisais une voiture sans changement de vitesse.

Il m'a emmené visiter les musées de Baltimore : le BAM (Baltimore Art Museum) et le Walters Museum. Il y avait tellement de peintures françaises que je me sentais à la maison. Heureusement que Rémy était avec moi car peuchère la peinture n'a jamais été une chose importante pour moi. Une fois à Paris j'étais allée au Louvre mais ça faisait si longtemps.
Donc j'ai découvert au BMA Matisse, Van Gogh, Picasso, et ce qui m’a beaucoup émue Andy Warhol. Et au musée Walters j’ai aimé les paysages de Monet, Manet, Sysley, l'art du Japon, de l'Egypte, de la Grèce...

Tout ça me semblait un autre monde : pas évident d'imaginer des gens faisant des peintures et des sculptures toute la sainte journée. Quand on n'a pas appris à découvrir l'art enfant ce n'est pas simple de le découvrir et de le comprendre à la fin de sa vie.

Je ne sais pas ce qu’aurait dit l'oncle Vincent de me voir visiter les musées avec son argent !
Ce qui me plaisait le plus c'était d'aller me promener sur la Baie du Chesapeake où sont arrivés les Pilgrim Fathers d'Angleterre au début du 17ème siècle. Et aussi les soldats de la guerre de sécession près du Patamac. Rémy était heureux de me voir étonnée par tant de merveilles comme un enfant devant un nouveau jouet.

- Un jour nous irons à Washington. En face du Congrès il y a de très beaux musées de toutes sortes. Et tu découvriras un peu plus la peinture française et celle de toute l'Europe. Et les sculptures de Malhol qui vient de ton pays, Banyuls sur mer. Et nous irons passer une semaine à New York où il y a aussi des musées et surtout celui du Moyen Age, le Musée des Cloîtres. Et tu ne seras pas contente de voir qu'ils ont volé le cloître de Saint Guilhem le Désert et tant d'autres. Surtout celui de Saint Michel de Cuxa dans les Pyrénées Orientales. Tout en marbre rose. Mais ils ne l'ont pas volé, ils l'ont acheté donc il y a des gens du pays qui l'ont vendu !

Je faisais la touriste, l'amoureuse et la femme au foyer. Un jour je me suis réveillée. Il fallait que je retourne au village :

- Allo ! Jeanne Belcaire ? Monsieur Bardot, le notaire !

- Bonjour Maître ! Quel plaisir de vous entendre !

- Jeanne, rien qu'un petit problème...

- C'est grave ?

- Non : hier il y a eu un gros orage et le toit de votre maison est tombé au milieu de votre jardin. Ne vous faîtes pas de souci, j'ai demandé au maçon de venir et demain tout ira bien.

- Merci beaucoup. Et à bientôt. Demain je rentre au village.

- Bon voyage !

Rémy n'était pas content mais moi ça me faisait plaisir. Surtout que maintenant je savais que l'homme que j'aimais me suivrait.

- Ce n’est pas toi qui va réparer ton toit.

- Je veux voir ce qui est arrivé et suivre le travail, c'est ma maison !

- Dans un mois j'ai fini à l'université pour de bon, la retraite est arrivée…Si tu attendais on pourrait partir ensemble.

Pour la première fois nous n'étions pas d'accord. Rémy était tout blanc, sa voix tremblait et ses mains aussi. Les larmes n'étaient pas loin. Et moi je voulais partir, rentrer au village. J'étais sèche : la vieille fille était revenue.
Quand il a commencé à pleurer je me suis arrêtée. J'avais gagné ! C'est sûr que dans un mois il viendrait me rejoindre.

- Rien qu'un mois et puis tu viendras.

- Mais ce n'est pas possible pour moi de tout laisser ici, il faudra du temps. Je ne veux pas garder cette maison après la retraite. Je n'ai pas d'enfant et je ne sais pas ce que je vais faire des meubles et de tout le reste.

- Ne t'en fais pas je reviendrai avec toi à la fin de l'été...

- Peut-être. Mais moi je ne veux pas te quitter. Je veux vivre avec toi. Tu dois savoir que je t'aime. Je le savais déjà quand on était jeunes mais j'ai eu peur : tu étais tellement pleine de ton pays. Ce n'était pas possible d'imaginer Jeanne vivant dans un autre pays, si loin de son Occitanie.

Il m'a prise dans ses bras et puis il est allé acheter un « crab cake » avec un coup de vin rouge pour me faire plaisir. J'étais devenue une enfant gâtée.
Ensuite on a pris les billets et allez! : je partirai demain et lui dans un mois.

Quand nous nous sommes quittés à l'aéroport il m'a donné une petite boîte. Dedans une bague avec une pierre bleue : un saphir... J'étais fiancée et lui pleurait de bonheur et de tristesse de me laisser.

Une fois assise dans l'avion je commençais à réaliser tout ce qui avait changé dans ma vie depuis une année. Le souvenir de Mathilde était loin mais je pensais souvent à elle, au plaisir que nous avions eu à vivre ensemble, à faire le voyage pour l'Amérique toutes les deux. Ça m'aurait fait tellement plaisir si elle était venue avec moi dans les musées. Une étoile filante dans ma vie ! Mais j'étais sûre de l'avoir aidée à faire son chemin de femme. Mais quel était l'homme qu'elle avait choisi : un homme bien ou une racaille !

Paris, Montpellier, mon amie Claire m'attendait à l'aéroport.

- Alors Madame l'américaine, qu'est-ce que ça fait de revenir au village? Est-ce que tu parles la langue après une année dans le pays ?

- Je commence à me débrouiller et je peux sortir seule.

- Et l'amour est enfin arrivé dans ta vie ? Ce Rémy était tellement beau quand il avait 20 ans. Evidemment c'est un peu tard d'être amoureuse dans l'automne de sa vie ! Le plus important c'est que ça existe et que tu sois heureuse. Pour cela il n'y a pas d'âge.

Quel plaisir de la revoir, nous sommes amies depuis l'école primaire. Elle est mariée, elle a deux enfants et elle a travaillé toute sa vie à la mairie, secrétaire. Maintenant elle est retraitée et avec Jacques son mari qui était instituteur, ils font des voyages organisés un peu partout dans le monde et chaque fois qu'ils reviennent ils font une soirée avec des films sur le dernier pays découvert.
J'aurais pu faire ça avec Baltimore. Une prochaine fois ! Mais quand Rémy sera ici nous ferons une soirée sur l'histoire du Maryland, ce sera très intéressant... et différent.

Maintenant je suis devant ma porte. Je rentre et sur la table un tas de courrier. Sur le dessus une lettre dont je reconnais l'écriture et mon cœur se met à battre…

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Lo viatge de Joana - Saison 2 / Épisode 1
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Vidal, Alain. Interprète
Huang, Edda. Interprète
Benichou, Daphné. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
Texte de l'épisode : 

Pour vous dire où j'en suis : je m'appelle Jeanne, je suis retraitée et avec une fille Mathilde, qui est venue me demander de l'aide, je suis venue me promener à Baltimore. Là j'ai un ami de jeunesse, Rémy, professeur de Langues Romanes à l'université. Mais cette fille Mathilde – la fille que je n'avais pas eue dans ma vie solitaire – pendant que j'étais à l'université avec Rémy est partie. Elle a trouvé un amoureux sur Internet. Quelle histoire !

Ce n'était pas possible pour moi de penser que Mathilde m'avait abandonnée. C'est sûr que je n'étais qu'une vieille femme et que les jeunes ont besoin de jeunesse... Mais j'avais l'impression d'avoir tout donné pour rien. Je commençai à pleurer doucement. Rémy ne savait que faire pour me consoler.

- Elle t'a demandé de l'aide. Ce que tu as fait c'est très bien. Maintenant elle est devenue adulte grâce à toi. Ne te fais pas de mauvais sang, elle reviendra. Peut-être pas demain mais un jour, c'est sûr ! Maintenant elle a besoin de se sentir libre.

- J'avais imaginé tellement de choses : je croyais avoir enfin une fille et ne plus être seule. Et je ne sais pas si l'homme qu'elle a pris est un bon choix.

- N'oublie pas que maintenant je suis là, je veux dire à côté de toi...

Il avait posé sa main sur mon épaule, mais ce n'était pas le moment. Je fis deux pas et je pris mon sac.

- Je veux aller me promener.
 
- Comme tu veux. Et où ?

- Sur le port pour voir les bateaux.

- Tu veux retourner à Fellspoint ? Je sais que tu aimes les bateaux mais aussi les gâteaux du café Bonaparte !

Et nous sommes partis. Nous avons marché, nous sommes allés boire du thé, manger un « muffin ». Plus de larmes mais de toutes façons la joie n'était plus de la partie. Nous sommes allés marcher dans un parc où des enfants jouaient. Je voyais Mathilde partout, dans les arbres, dans les voitures. Elle ne m'avait pas laissé le numéro de son portable. Et maintenant qu'est-ce que j'allais faire toute seule ?
Rémy travaillait et je ne parlais pas la langue. Il n'y avait qu'une seule issue : rentrer à la maison. Mais enfin j'étais venue pour voir Rémy. Est-ce que je serais venue sans Mathilde ?
Pendant des années j'avais rêvé de ce voyage. Je n'avais pas d'argent pour venir. Puis grâce à l'oncle Vincent j'en avais eu. Et maintenant que j'étais là je ne voulais plus rester.
Et tout d'un coup tout devint clair : j'avais peur de me retrouver seule dans une maison avec un homme. Ça faisait tellement de temps, peut-être trente cinq ans que personne n'avait caressé ma peau, que je ne savais plus ce qu'était un baiser sur la bouche sans aller plus loin...

Les feuilles commençaient à faire un tapis sur l'herbe et avec le soir l'humidité montait de la terre. Ma tête tournait, je ne voyais plus rien. Tout d'un coup Rémy prit ma main et la serra dans la sienne. Ce fut comme un éclair dans tout mon corps. Je n'osais pas le regarder mais un sourire s'épanouit sur mes lèvres comme une délivrance. Une porte s'était ouverte dans ma solitude. Nous avons marché comme deux petits revenant à la maison après l'école. Quand nous sommes rentrés il n'y avait toujours rien : Mathilde n'avait pas appelé.

- Ne te fais pas de souci, si elle a un problème elle saura où te trouver.

- Pas simple d'être calme et raisonnable pour une femme qui n'a pas fait autre chose dans sa vie et qui est tout d'un coup sortie de son chemin.

- Si tu veux, tu en trouveras un autre chemin....

- Il me faut acheter un mobile.

- Pas de problème, demain. Ce soir je veux te faire découvrir une spécialité de Baltimore : le gâteau de crabe, « crab cake ».Tu veux manger ici ou au restaurant ?

- Peut-être ici avec un verre de vin.

- Je vais acheter tout ça, attends-moi comme une petite fille. Ce sera vite fait.

Assise devant la fenêtre de la cuisine j'ai attendu. Les arbres dans ce pays sont si grands. C'est bon pour l'été ! La nuit arrivait. Puis je suis allée chercher mon billet d'avion. Le retour en France était prévu pour le 15 Décembre : deux mois ici : qu'est-ce que j'allais faire ?

C'était important de découvrir la cuisine. J'ai trouvé une salade, elle était déjà prête. Un peu de vinaigre, d'huile et de sel dans un saladier et tout allait bien...
Le temps passait : ça ne faisait pas loin d'une heure que Rémy était parti. Et s'il avait eu un accident ? Peut-être qu'à cette heure il était à l'hôpital à moitié mort ? Il ne manquerait plus que ça : me retrouver toute seule dans cette maison, dans un pays étranger où je ne connaissais personne.
Et Rémy avait pris ma main, l'avait laissée et rien de plus. Je commençais à me ronger les ongles comme quand j'étais petite fille. Est-ce que je l'aimais ? Et lui qu'est-ce qu'il voulait ? C'est moi qui l'avait appelé pour venir le voir de l'autre côté de la mer.

- Jeanne, je suis là ! C'était un peu long car ils ont dû préparer le « crab cake ». Il n'y en avait plus. C'est samedi et tout le monde en veut !

- Ah bon !

- Eh bien, qu'est-ce qui se passe ? Tu as pleuré ?

- Mais non ! J'ai préparé la salade et je t'attendais. Je suis heureuse de te voir.

- Et pour commencer, un bon coup de vin !

Et après tout s'est bien passé. Le vin dans mes veines a fait son chemin. Le « crab cake » était plus que bon. Il me faut trouver la recette : au village ils seront très heureux de manger ça.

Et le lendemain matin c'était dimanche et après 35 ans de solitude dans mon lit je me suis réveillée dans les bras d'un Rémy plein de sourires. Une vie nouvelle commençait peut-être...
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Lo viatge de Joana - Saison 1 / Épisode 10
Clément, Anne. Auteur, interprète
Benichou, Julien. Compositeur
Benichou, Daphné. Interprète
Alranq, Perrine. Interprète
Vidal, Alain. Interprète
Zinner, Lucas. Interprète
Huang, Edda. Interprète

Texte de l'épisode 10 : 

La nuit fut courte et le réveil plus que difficile avec le décalage horaire. La pauvre Jeanne buvait son thé sans savoir où elle était : heureusement elle voyait de l'autre côté de la rue,dans le jardin où se promenaient les écureuils, un drapeau planté qui n'était pas un drapeaufrançais, ni un drapeau occitan mais celui du plus grand pays du monde occidental, les Etats-Unis d'Amérique.

- « Bon dieu, c'est étrange, est-ce qu'ici ils plantent les drapeaux dans les jardins parce qu'ils font des fruits ? »

- « Non, c'est un moyen de dire de quel côté on est : les républicains avec le drapeau US ont une pancarte où on peut lire « Support our troups » et, si tu regarde dans l'autre jardin, tu peux voir qu'ils sont démocrates parce qu'ils ont une pancarte où il y a écrit : « War is not an answer », « Obama president ».

- « Comme ça chacun sait ce que vote vote son voisin ! C'est plus simple, pas d'embrouille  ! »

- « Jeanne, nous aurons le temps de discuter dans la voiture, va t'habiller. Dépêche-toi. Je commence à 11 heures : c'est une leçon sur la trobairitz La comtessa de Dia ».

On était encore dans la chaleur de l'été, j'avais mis une robe jaune et rouge. on partit et je me retournai : Mathilde avait mis sa tête à la fenêtre, mais je ne pense pas qu'elle me voyait.

Elle semblait être ailleurs. C'était la première fois que je la laissais pour une journée entière. Je lui avais laissé 100 dollars, si elle voulait s'acheter quelque chose, on ne sait jamais !

Rémy était heureux ; il sifflait le « Se Canta ».

- « Madame est vêtue comme un drapeau occitan, pour un cours de langue romane c'est une bonne idée : ça fait folklorique. Il y en a qui ont le drapeau dans le jardin et d'autres qui le mettent sur eux ! »

- «  Toi, tu es habillé comme un professeur : à chacun son métier. »

Rémy me prit la main :

- « Ça me fait plaisir d'être avec toi! »

- « Moi aussi mais je suis inquiète d'avoir laissé Mathilde seule ! »

- « Mathilde est majeure, elle peut vivre sans une mère à ses côtés. »

Nous étions sur une autoroute, puis nous avons tourné vers UMBC c'est à dire : University of Maryland Baltimore County. Une université publique.

Moi qui avais passé toute ma vie dans la poste de mon village, je me sentais comme une enfant à côté de ces grands buildings avec des étudiants qui courraient partout, de toutes les couleurs et surtout qui ne parlaient que l'anglais. Pas tous : j'entendais parler espagnol aussi. A chaque fois que Rémy rencontrait quelqu'un qu'il connaissait il me présentait : « Jeanne Belcaire, une amie d'enfance venue du midi de la France et qui parle la langue occitane que j'enseigne dans mes cours. »

Je ne comprenais pas tout mais j'essayais de faire celle qui... en faisant beaucoup de sourires et de Hello !

Peut-être que dans peu de temps j'oserai dire : How are you ?

Nous étions enfin arrivés dans la classe où les étudiants de Rémy nous attendaient.

- « Today we will leave la Contessa de Dia and speak occitan. Jeanne does not understand a word of English. She came especially from her country to meet you and as you are all very polite you must talk with her. »

Tout le monde commença à rire. C'était trop difficile pour eux de maîtriser la langue occitane. Donc Rémy fit les traductions de l'anglais à l'occitan et de l'occitan à l'anglais. Mais il y en avait qui essayaient de me comprendre et disaient que c'était plus simple que le français parce que c'était proche de l'espagnol.

Les questions tournaient autour de la langue, du vin, des taureaux :

-« Do people still speak occitan in the street ? »

-« Do you drink wine every day ? »

- « Do you like to see bullfights ? »

Puis Rémy me demanda de chanter une chanson : je choisis la chansin de Claire d'Anduze « en greu esmai ». Peut-être qu'une chanson de « Moussu T e lei Jovents » comme « Lo gabian » aurait été plus belle pour ces jeunes, mais je ne connaissais pas les paroles.

Après le repas il y avait encore un cours.

Je me régalais : Mathilde était loin. J'étais tellement heureuse d'être avec tous ces jeunes et Rémy semblait se régaler aussi.

En rentrant à la maison il me dit :

 - « C'est la première fois que je fais ça et c'est un plaisir. Dommage que la retraite est si proche.... nous aurions pu faire tant de choses ensemble ».

- « Quand t'arrêtera-tu ? »

- «  L'année prochaine et je ne sais pas ce que je vais faire... Allons au supermarché près de la maison : Giant. » 

- « Je veux du poisson, de la salade verte, du roquefort et du sorbet. C'est moi qui régale aujourd'hui ! »

- « Ma Dame, c'est comme vous voulez ! »

Quand je payais avec la carte Visa la caissière me demanda :

- « Cash ? »

- « Que veut-elle dire ? »

- « Le supermarché est comme une banque. Si tu veux cette dame peut te donner de l'argent. »

- « No, thank you ! »

- « Hourra ! Tu commence à parler ! »

Nous arrivâmes à la maison, c'était le soir mais la maison était complètement obscure, pas une lumière.

- « Que se passe-t'il, Mathilde n'est pas rentrée ? »

- «  Ne te fais pas de mauvais sang : elle est allée se promener, s'il s'était passé quoi que ce soit elle m'aurait appelé sur mon portable ! »

Rémy ouvrit la porte d'entrée, nous avons porté les courses dans la cuisine. Sur la table il y avait une lettre.

Je commençai à frissonner : la tête de Mathilde à la fenêtre ce matin si lointaine !

Je m'assis, maintenant c'était le moment de lire :

« Jeanne,

 Je sais que tu pleureras ce soir, mais tu ne seras pas seule : Rémy sera à côté de toi. Merci pour tout. Je n'ai pas voulu te le dire mais j'ai rencontré un amoureux par Internet, et il est venu me chercher depuis Philadelphie. Si tout se passe bien avec lui je te rapellerai et quand nous viendrons en France ce sera chez toi. Je veux être libre de choisir ma vie et être indépendante. Il y avait trop d'amour entre nous : tout l'amour que tu n'as pas eu dans ta vie sans mari et sans enfant, tout l'amour que je n'ai jamais eu avec ma famille. Ça me faisait peur.

Adieu et peut être à un jour, je ne sais pas quand. 

Ta fille qui t'aime 

Mathilde

P.S. : Merci à Rémy pour son hospitalité »

C'était la fin d'un rêve. Tout tournait autour de moi.

Je pleurai et nous avons parlé toute la nuit avec Rémy : quand on est vieux, un avenir est-il possible ? Quand on est jeune peut-on être heureux tout seul ?

Et maintenant que faire : rester, rentrer à la maison... ou changer complètement de vie ?

FIN

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Lo viatge de Joana - Saison 1 / Épisode 9
Clément, Anne. Auteur, interprète

Benichou, Julien. Compositeur
Benichou, Daphné. Interprète


Zinner, Lucas. Interprète
Huang, Edda. Interprète
Alranq, Perrine. Interprète
Vidal, Alain. Interprète

Texte de l'épisode 9 : 

Après l'autoroute, nous sommes entrés dans la ville. Rémy était heureux de faire le guide. Pour commencer le quartier de la mer avec le gigantesque aquarium.

Baltimore au bord de la baie du Cheasepeake, est un peu le pendant de Marseille sur le bord de la mer Méditerranée : deux villes qui étaient à une époque deux grands ports.

Évidemment, il y en a une avec ses gratte-ciels américains qui est plus grande que l'autre avec la Bonne Mère. En se promenant sur l'ancien port de Baltimore Fellspoint, on pense au vieux port de Marseille ! Mais ici pas de bouillabaisse : que des crabes : c'est l'animal totémique de la ville !

Nous avons fait un petit tour dans le centre ville avec ses très grandes avenues et les sirènes des voitures de police qui n'arrêtaient pas de hurler. Et Rémy dit :

« J'ai besoin d'aller dans une épicerie italienne si je veux vous faire un peu de bonne cuisine. On y trouvera tout ce qu'il faut. »

« Mais c'est trop tard ! Les boutiques doivent être fermées, il est onze heures du soir ! »

« Tu n'es plus en France, petite, ici tu peux trouver tout ce que tu veux quand tu le veux ! »

« The new world ! »

Nous avons garé la voiture et sommes entrés dans la « Sicilienne ».

Mathilde était ébahie de voir tout ce qu'il y avait sur les rayonnages de la boutique : olives, tomates, huile d'olive, pâtes, parmesan, comme dans un village de Toscane.

Tout d'un coup Rémy cria :

 « Attention ! Tout le monde au fond de la boutique».

Un bruit de fusillade dans la rue où il n'y avait plus de voitures. On entendit des cris, une balle transperça la vitrine, on vit deux hommes qui courraient. Dans la boutique pas un mot. Puis le silence dehors et pour finir la sirène des voitures de police.

Mathilde pleurait :

« Mais que se passe-t-il ? C'est la première fois de ma vie que j'ai aussi peur. C'est un mauvais rêve : je veux rentrer à Montpellier. Jeanne partons ! Ce new world ne me plaît pas ! »

Elle ressemblait à une enfant et j'avais envie de rire à m'exploser les côtes : c'était mieux qu'au cinéma ! Rémy était sérieux et pas très content de cette aventure. Sa voix était celle d'un professeur :

« Baltimore est une ville où les fusils sont rois : 300 personnes sont tuées chaque année par balles. Ne te fais pas de mauvais sang petite, nous allons à Catonsville, c'est une ville calme. Ça fait trente cinq ans que je vis dans ce pays et c'est la première fois que je me trouve au milieu d'une telle affaire ! »

« Il nous faut terminer les courses ! Mathilde, quand on racontera ça au village, personne ne nous croira ! »

« J'aimerais goûter une pizza américaine ! »

C'était un peu comme un bizutage ! Quelle chance !

Nous sommes arrivés à Catonsville : il était minuit passé.

Une jolie maison avec un étage, au milieu d'un jardin, toute en bois:

« Elle est ancienne, elle a été bâtie en 1920 ».

Nous sommes entrés dans la maison :

« Allez poser vos valises. En haut de l'escalier à droite Mathilde et de l'autre côté Jeanne ! Je commence à préparer le dîner. »

« Je peux prendre une douche ? »

« Bien sûr petite ! Tant que tu veux ! ».

Je montai dans la chambre. Elle était petite mais jolie : un lit, une table, une armoire. Je me sentais timide et un peu nigaude. J'essayai de me faire jolie, pecaire, qu'à mon âge ce n'est pas simple.

Rémy était dans la cuisine : une cuisine américaine moderne qui n'avait rien à voir avec la mienne au village.

Je ne savais pas que faire pour l'aider.

« Je suis heureuse d'être ici, merci de nous recevoir. »

« C'est un plaisir pour moi. Depuis la mort de Lise je me sens seul comme un vieux. Heureusement qu'il y a l'université et les collègues. »

« Est-ce que tu rentreras quand tu seras à la retraite ? »

« Pour quoi faire ? Je ne connais plus personne au pays et je pense que changer de mode de vie doit être difficile à mon âge ! »

« Mais peut-être que tu pourrais venir plus souvent : il y a toujours la maison de ta mère ? »

« C'est ma soeur qui l'a prise pour sa retraite. »

« Maintenant j'ai deux maisons. J'ai fait un bel héritage ! »

« Un héritage ? Comment ? Tu te moques de moi ?! Ta famille n'avait pas un sou ! »

« Mon oncle Vincent m'a tout laissé. C'est pour ça que je suis ici : j'ai de l'argent ! »

« Et cette Mathilde, où l'as tu trouvée ? Jeanne aurait eu une fille sans rien dire à personne ? Tu me feras toujours rire ! »

« Si je te racontais comment ça s'est passé tu me croirais pas ! »

« Essaie, on verra bien ! »

« Le jour de la mort de l'oncle Vincent, quelqu'un a sonné à ma porte et... c'était Mathilde ! Depuis elle est restée avec moi et je suis heureuse. Je n'ai pas pu résister à son sourire et au plaisir d'avoir enfin une fille, mon vieux rêve... »

« Il faudra lui trouver un travail... »

« Non... une école de diététique... je paierai pour elle ! »

« J'ai faim ! Est-ce que nous pouvons manger ? »

« Ne t'en fais pas ma fille, pour commencer nous allons boire un peu de vin de l'Hérault, un Faugères ! Et demain vous viendrez avec moi au cours de langue romane... »

« Vous ferez comme vous voudrez, mais demain, je veux rester seule à la maison pour dormir et découvrir Catonsville. »

« Quelle idée ! Comme tu veux ! Tu es grande et tu sais ce que tu fais ! Mais ça ne me plaît pas trop te laisser seule, même si Catonsville n'est pas Baltimore ! »

« Hourra ! Santé ! ».

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