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CIRDÒC-Mediatèca occitana

Né en 1071, Guillaume IX de Poitiers hérite à l'âge de quinze ans d'un vaste domaine. Les possessions familiales comptent de nombreux titres dont les importants duché d'Aquitaine et comté de Poitiers. Seigneur puissant, Guillaume IX de Poitiers mène durant son existence un grand nombre de luttes pour affermir et accroître ses possessions, luttes aux résultats toutefois inégaux. Ayant épousé en secondes noces Mathilde, fille et héritière du comte Guilhem IV de Toulouse, il lance notamment de nombreuses incursions sur les terres des Saint-Gilles, conduisant à leur occupation temporaire. A sa mort cependant, la plupart de ses conquêtes méridionales étaient depuis quelques années déjà, perdues.

 

Important seigneur aux charges et occupations multiples inhérentes à son rang, Guillaume IX de Poitiers fut également troubadour, composant dans la langue d'oc poèmes, satires et ballades. Il se vit d'ailleurs attribué le surnom du Troubadour, et demeure aujourd'hui encore le premier poète du tròbar identifié.

 

A l'instar d'une grande partie de ces poètes et poétesses du Haut Moyen âge, une Vida(court texte biographique expliquant les raisons pour laquelle les poèmes ont été écrits), bien que brève et postérieure de cent-cinquante années aux faits qu'elle relate, propose divers éléments biographiques sur le comte, nous dressant le portrait d'un homme complexe. Guillaume IX de Poitiers figure d'ailleurs parmi les rares troubadours sur lesquels nous possédons tant de détails biographiques. Son rang de comte semble avoir donné lieu à une plus ample documentation, tant de ses contemporains que des générations qui suivirent, celle-ci demeurant cependant davantage focalisée sur l'étude du seigneur bien plus que sur celle du troubadour.

 

Le premier des troubadours ?

 

Guillaume IX de Poitiers est-il le premier des troubadours, inventeur de l'art du tròbar ? La qualité de ses productions, l'affirmation déjà marquée des codes troubadouresques que l'on y trouve, témoignent d'une grande maîtrise de l'écriture qui pour certains historiens, semble davantage s'inscrire dans une continuité que dans une invention pure. Toutefois, la proximité du Val de Loire, alors marqué par un renouveau de la poésie d'amour en latin, l'influence limousine, foyer de création musicale par la présence des abbayes de Saint-Léonard et Saint-Martial, ainsi que la présence durant son enfance, de chanteurs arabes à la cour de son père, ont pu être autant de sources et de modèles pour le duc-troubadour. Guillaume IX n'en demeure pas moins l'exemple le plus ancien connu à ce jour de poésie lyrique en occitan s'inscrivant dans le courant troubadouresque.

 

Onze pièces de la main de Guillaume IX de Poitiers sont parvenues jusqu'à nous. Il est fort probable que bien d'autres, aujourd'hui disparues, aient été rédigées par celui-ci. Elles constituent une importante source de renseignements, tant pour les linguistes, du fait de leur ancienneté et des influences du poitevin, que pour les historiens de la littérature. S'y retrouvent ainsi les situations et lieux communs propres au genre sur les relations femme aimée/amant. La langue employée par Guillaume IX de Poitiers dans ces pièces, est celle qu’emploieront les troubadours successifs, y compris gascons, une langue commune, sorte de koinè troubadouresque, ne laissant transparaître que quelques influences dialectales.

 

L'art du tròbar en Aquitaine

 

L'art du tròbar, initié en Aquitaine par Guillaume de Poitiers, fut promis à un bel avenir dans ces contrées. Par la suite, Cercamon, probablement originaire de Gascogne, Marcabrun, son disciple, présent à la Cour de Guillaume X de Poitiers, Jaufré Rudel prince de Blaye ou Guiraut de Calanson, perpétuèrent l'art du tròbar sur les territoires qui composent l'Aquitaine actuelle .

 

A l'instar de Guillaume IX de Poitiers, seigneur qui marqua la mémoire de ses contemporains par son incursion dans le domaine des lettres et des arts, d'autres seigneurs et non des moindres prirent en leur temps la plume. Richard Cœur de Lion (1157-1199), duc d'Aquitaine puis roi d'Angleterre, fils d'Aliénor d'Aquitaine et par elle, descendant de Guillaume le Troubadour, composa ainsi en occitan des pièces de poésie. Deux cents ans plus tard, Gaston Fébus (1331-1391), vicomte de Béarn, prenait à son tour la plume pour rédiger des poèmes. S'il est difficile de certifier sa paternité concernant le Se canta (l'un des hymnes pan-occitan actuel), une autre de ses Cansos (chansons) fut récompensée de son temps par le Consistori del Gay Saber, aujourd'hui Académie des Jeux Floraux de Toulouse.  

Guilhem de Peiteus : prince des troubadours
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Guilhem de Peiteus : prince des troubadours


Le comte Guilhem de Peiteus, qui fut aussi Guilhem IX duc d'Aquitaine, a vécu à la fin du XIe siècle. Il est l'un des plus grands seigneurs de l'Europe médiévale, maître d’un immense domaine qui s’étend de la Gascogne aux marches de l’Auvergne, et de l'Anjou aux Pyrénées. Mais ce ne sont ni ses actions politiques ni ses hauts-faits d'armes qui font de Guilhem un des princes les plus brillants du Moyen Âge. Sa légende est artistique, initiant par ses chansons d'un genre nouveau deux siècles de création brillante en langue occitane, âge d'or littéraire célébré de Dante à Aragon en passant par Ezra Pound. Guilhem de Peiteus est le plus ancien troubadour dont on ait la trace. À l'image des jongleurs-musiciens du Moyen Âge, il chante et divertit, mais ajoute à ses compositions la finesse esthétique et l'audace intellectuelle d'un grand seigneur lettré. Guilhem a laissé l'image d'un seigneur libertin, excommunié deux fois, qui installa sa maîtresse la vicomtesse de Châtellerault à sa cour. Il chante une nouvelle conception du désir, de l'amour et de la femme aimée. Certaines de ses poésies sont très crues voire obscènes, destinées à un auditoire d'hommes, où la femme est une proie érotique. Mais Guilhem chante tout autant l'amour chevaleresque posant les fondements de tout l'art du 'trobar'. En quelques années, cette nouvelle façon de chanter l'amour en occitan fait de nombreux émules. Si nous connaissons seulement onze chansons de Guilhem, elles ne s'illustrent pas seulement comme l’œuvre d'un initiateur, il est déjà un des poètes les plus accomplis de l'art du trobar. Ses chansons contiennent déjà tous les ferments de la révolution artistique qui saisit les cours d'Occitanie pour près de deux-cents ans : « Companho, farai un vers [pauc] convinen et aura-i mais de foudatz no-i a de sen et er totz masclatz d'amor et de joi e de joven. » « Compagnons, je ferai un vers peu convenable et il y aura plus de folie que de bon sens et il sera tout mêlé d'amour, de joie et de jeunesse ! »