La vie de sainte Énimie, en vers provençaux, par Bertrand de Marseille, XIVe siècle, parchemin en provençal, 58 feuillets, 156 × 117 mm, Reliure en parchemin vert, BnF, Arsenal, Ms-6355
Écriture du XIVe siècle. La place des initiales est restée blanche ; des places blanches en tête des chapitres étaient sans doute destinées à recevoir des miniatures
Publié, d'après le présent manuscrit, 1o par Karl Bartsch, Denkmaeler der provenzalischen Literatur (Stuttgart, 1856), p. 215 et suiv. ; et 2o par C. Sachs, La vie de sainte Énimie, von Bertran von Marseille, in provenzalischer Sprache zum ersten Male vollständig herausgegeben von C. Sachs (Berlin, 1857).
« Conventus Sancti Joseph Parisiensis Carmelitarum discalceatorum. » — Au fol. 58, on lit : « P. Flochat, curé du lict Scte Eye (?). »
Microfilm : . Cote de consultation en salle de lecture de la Bibliothèque national de France : MICROFILM ARS R-35337. Cote de la matrice (pour commander une reproduction) : MICROFILM ARS R-35337.
Les Contes del Drac paraissent pour la première fois en 1975 grâce à l’I.E.O. de Toulouse.
Boudou considère le conte comme une oeuvre d’art. Invité à se définir devant une caméra il répondit avec un conte : celui de l’homme ordinaire qui, la nuit venue, se transforme en loup et se nourrit de chair fraîche à l’image des Dracs.
Il a mis en forme et publié les récits traditionnels qu’il avait entendu raconter dans sa famille, sa mère était conteuse, et dans son pays natal, le Rouergue.
En réécrivant ces contes, il pensait pouvoir donner à son lecteur “ de quoi comprendre ce qui ne change pas dans notre nature ?”
Il se présente modestement comme un simple passeur :
"Demain il faudra rebâtir. Mais au nom de quelle foi bénira-t-on les murs ? [...] Vous le mépriserez ce livre : s'il vous déplait vous le brûlerez. Peut-être que vous le laisserez languir au grenier avec les araignées. Pourtant, si un fils de ma terre le lit à la veillée, je serai payé de ma peine, je serai content, moi ça me suffit" (J. Boudou, Contes del meu ostal).
Et pourtant, "il y a un abîme entre la matière brute assemblée par Boudou et ce qu'il en a tiré par son écriture" écrit Georg Kremnitz.
C’est certainement dans ce travail qu’il trouva son style propre : rapide, dépouillé, précis et allusif à la fois.
Selon lui, le Drac est considéré comme étant le fils du diable qui vivait dans l'imaginaire de Bodon entre Tarn et Aveyron : “dins lo país de jos la tèrra que i se dintra dins los travèrses del Porcassés”.
De son épouse, nommée en occitan draquessa, il eut une multitude de descendants, les dracous, qui ne cessent de jouer des tours plus ou moins pendables aux humains.
C’est ce que nous raconte les Contes del Drac.
Souvent les Contes del Drac sont réunis dans un recueil avec : «Los contes dels Balssas» qui est une évocation de la famille d'Honoré de Balzac qui a vécu du côté de Cannesac, «Los contes del meu ostal» (1951) et «Los contes de Viaur» (1952). Mais au-delà de ce dernier recueil, ce sont quasiment tous les contes de Bodon qui auraient pu être qualifiés de contes du Viaur.
Investigations plastiques de Didier Mir
Fin connaisseur de l'œuvre de Bodon, Didier Mir découvre sur le tard ses Contes del Drac, dont la lecture suscite en lui l'envie de créer une version bilingue et illustrée du recueil.
Pour mener à bien son projet, il débute alors un véritable travail d'enquête sur les pas de Bodon et de ses contes, profondément ancrés géographiquement entre Rouergue et Albigeois.
Il entame par ailleurs un voyage immobile, porté par la parole universelle du conteur Bodon, qui livre dans les onze pièces du recueil, le reflet d'un monde occitan qui peu à peu disparaît sous ses yeux.
Passant d'une langue à l'autre pour les besoins de la traduction, inspectant chaque mot, chaque idée, chaque parabole... Didier Mir obtient la matière d'une ample exposition, où les différentes techniques et supports (photographies, sculptures, collages, peinture à l'huile) nous accompagnent dans la (re)découverte de l'une des œuvres centrales de Bodon.
Interview sur la Fresque INA “50 ans de Borbolh occitan”
Film documentaire d'Amic Bedel
Mémoires universitaires :
Les Statuts de Forcalquier, est l'un des tous premiers livres de l'imprimerie aixoise. Cet ouvrage est le troisième connu à être imprimé en provençal : en effet, les statuts de la commune sont rédigés en langue « vulgaire » et les commentaires, destinés à un public de juriste, eux, sont en latin.
Les Statuts de Forcalquier sont une source importante pour la connaissance de la vie quotidienne et matérielle dans une ville de Haute-Provence. On y trouve des descriptions de moulins à farine ou à olives, des jeux, du charivari, de la pelote, de la tenue des livres de raison, etc. Une seconde partie, contient la généalogie des Comtes de Provence.
La Provence est annexée au domaine royal depuis 1487 seulement. Mis à part les zones échappant à l’autorité royale française (Béarn-Navarre, pays niçois, etc.), la Provence est sans doute le « pays » qui résiste le mieux au cours du XVIe siècle à la francisation de l’écrit administratif.
CIRDOC-Mediatèca occitana, CR-A 4007
Auteur majeur de la période « baroque »1, Louis Bellaud a marqué l’univers des Lettres d’Oc à la fin du XVIe siècle. Il représente, pour la Provence d’alors (mais ensuite, aussi, à travers les époques), un véritable renouveau et ouvre un espace de création poétique, abreuvé aux sources antiques, nourri de pétrarquisme, influencé par la Pléiade française tout en demeurant profondément original.
L’expérience carcérale, comme nombre de poètes du XVIème siècle tels que Villon ou Marot, est une thématique récurrente de l’oeuvre de Bellaud de la Bellaudière. Le poète, emprisonné 19 mois dans une tour de Moulins, puis ensuite, à deux reprises dans les geôles aixoises, n’a cessé de dire, d’écrire et de fuir l’enfermement. Son écriture est tout autant un témoignage, une traversée des enfers, une satire de la justice corrompue, qu’un chant des plaisirs de vivre incarné par la musique d’une langue.
Bellaud fut un poète reconnu, en provençal. Il côtoya François de Malherbe et Louis Galaup de Chasteuil, entre autres, à la cour du gouverneur de Provence. Il sut accéder de son vivant (fait rare pour les auteurs en occitan de ce temps) à une première impression2, avec son DON-DON Infernal constitué de 91 stances3 composés de sizains en décasyllabes, décrivant les tourments d’un prisonnier.
Une première impression, aujourd’hui perdue, est attestée en 1584 (ou début de l’an 1585). Cet ouvrage fut réédité à plusieurs reprises, notamment en 1588 (l’année de sa mort), en 15954 (au sein de l’édition posthume qui compile également deux recueils de sonnets) et plus tard, en 1602.
Le Musée-Bibliothèque Paul Arbaud d’Aix-en-Provence possède l’unique exemplaire de l’édition de 1588 (Aix, Michel Goyzot) ainsi qu’un exemplaire de celle de 1602 (Aix, Jean Tholosan). Un autre exemplaire de 1602 est conservé à la bibliothèque royale des Pays-Bas à La Haye.
Grâce au partenariat engagé entre le CIRDOC - Institut occitan de cultura et le Musée-Bibliothèque Paul Arbaud, la numérisation de ces livres rares a pu être menée à bien.
Nous vous présentons ci-dessous la numérisation de l’exemplaire de 1602 imprimé à Aix par Jean Tholosan.
Vous trouverez en cliquant ici celle imprimée en 1588.
Pour en savoir + : voir l'exposition sur Louis Bellaud
Notes de bas de page :
Auteur majeur de la période « baroque »1, Louis Bellaud a marqué l’univers des Lettres d’Oc à la fin du XVIe siècle. Il représente, pour la Provence d’alors (mais ensuite, aussi, à travers les époques), un véritable renouveau et ouvre un espace de création poétique, abreuvé aux sources antiques, nourri de pétrarquisme, influencé par la Pléiade française tout en demeurant profondément original.
L’expérience carcérale, comme nombre de poètes du XVIème siècle tels que Villon ou Marot, est une thématique récurrente de l’oeuvre de Bellaud de la Bellaudière. Le poète, emprisonné 19 mois dans une tour de Moulins, puis ensuite, à deux reprises dans les geôles aixoises, n’a cessé de dire, d’écrire et de fuir l’enfermement. Son écriture est tout autant un témoignage, une traversée des enfers, une satire de la justice corrompue, qu’un chant des plaisirs de vivre incarné par la musique d’une langue.
Bellaud fut un poète reconnu, en provençal. Il côtoya François de Malherbe et Louis Galaup de Chasteuil, entre autres, à la cour du gouverneur de Provence. Il sut accéder de son vivant (fait rare pour les auteurs en occitan de ce temps) à une première impression2, avec son DON-DON Infernal constitué de 91 stances3 composés de sizains en décasyllabes, décrivant les tourments d’un prisonnier.
Une première impression, aujourd’hui perdue, est attestée en 1584 (ou début de l’an 1585). Cet ouvrage fut réédité à plusieurs reprises, notamment en 1588 (l’année de sa mort), en 15954 (au sein de l’édition posthume qui compile également deux recueils de sonnets) et plus tard, en 1602.
Le Musée-Bibliothèque Paul Arbaud d’Aix-en-Provence possède l’unique exemplaire de l’édition de 1588 (Aix, Michel Goyzot) ainsi qu’un exemplaire de celle de 1602 (Aix, Jean Tholosan). Un autre exemplaire de 1602 est conservé à la bibliothèque royale des Pays-Bas à La Haye.
Grâce au partenariat engagé entre le CIRDOC - Institut occitan de cultura et le Musée-Bibliothèque Paul Arbaud, la numérisation de ces livres rares a pu être menée à bien.
Nous vous présentons ci-dessous la numérisation de l’exemplaire de 1588 imprimé à Aix et vendu par le marchand-libraire Michel Goyzot.
Vous trouverez en cliquant ici celle imprimée en 1602 par Jean Tholosan.
Pour en savoir + : voir l'exposition sur Louis Bellaud
Notes de bas de page :
Le chant de la Sibylle est un chant annonciateur de la fin des temps, dont la plus ancienne version connue remonte au Xe siècle. Une version occitane du texte est conservée aux archives départementales de l’Hérault.
Son appellation « Sibylle » fait référence à la portée divinatoire du texte, Sibylle étant le nom donné depuis l’Antiquité aux prophétesses qui pouvaient occasionnellement faire œuvre de divination.
Très populaire en Castille, en Catalogne, en Italie, et en France durant tout le Moyen Âge, il est aujourd’hui surtout interprété dans les églises de Majorque, Catalogne et Sardaigne au cours des Matines de Noël, la nuit du 24 décembre.
La version majorquine du chant de la Sibylle a été inscrite en 2010 par l'UNESCO sur la liste représentative du patrimoine culturel immatériel.
Il existe de nombreuses variations du texte, souvent accompagné d’un acrostiche (strophe où les initiales de chaque vers, lues dans le sens vertical, composent un nom ou un mot-clé), parfois de sa musique et plus rarement encore d’un titre. [imatge id=21092]
< « Version romane du chant de la sibylle » (ancienne appellation)
< « Ell iorn del iuzizi » (incipit de la version occitane)
< « Canto de la Sibila » (version castillane du titre)
< « Cant de la Sibil·la » (version catalane du titre)
1 exemplaire connu :
Le manuscrit qui comprend la version occitane du chant de la Sibylle est connu sous le nom de « Lectionnaire de l’office » et date du XIIe siècle.
Il est conservé aux Archives départementales de l’Hérault sous la cote 10 F 120.
Il se présente sous la forme d’un registre parchemin de 294 folios (37 × 26 cm).
Lien vers la numérisation
La version occitane du chant de la Sibylle est connue grâce au travail de Joseph Berthelé (1858-1926), archiviste, qui a recueilli, aux environs d’une ancienne abbaye d'Aniane dans l’Hérault, un lectionnaire (livre liturgique contenant les passages des textes religieux lus à l'occasion des cérémonies religieuses) copié à la fin du XIIe siècle et l’a transporté aux archives départementales de Montpellier. Ce lectionnaire comprend, outre dont la fameuse version occitane du chant, de nombreux autres textes comme des sermons, des Actes des Martyrs et des homélies.
Le texte de la version occitane du chant de la Sibylle est accompagné d’un unique feuillet de musique notée dans le mode de Ré qui pourrait être une transition entre le Mineur antique et le Majeur moderne de l’air de la chanson.
Le texte de la chanson est une adaptation en occitan d’une version latine et apparaît comme l’une des plus anciennes versions en langue non latine du texte. Cette adaptation est réalisée en vers rimés rythmés, groupés quatre par quatre qui s'adaptent à la mélodie. Elle permet ainsi de passer de la version latine à la version occitane entre chaque couplet, peut être à des fins de réappropriation par une population occitanophone.
La version occitane du texte ne comprend pas l'acrostiche présente dans la plupart des autres versions connues du texte.
Le contenu de la version occitane du chant de la Sibylle ne diffère pas fondamentalement des autres versions connues. Le chant narre les visions d’une prophétesse qui n’est pas présentée et dont les visions sont liées au jugement dernier de Dieu et donc à la fin de temps. En cela la chant de la Sibylle peut être qualifié d’eschatologique (dont le propos est lié à la fin des temps).
Ces visions font références à divers éléments et évènements bibliques (conséquences de la mort de Jésus-Christ sur Terre, ouverture des portes de l’Enfer pour les pécheurs…) et concernent autant les fizel (fidèles) que les descrezen (mécréants). Elles ont donc une valeur de mise en garde et d’avertissement auprès des fidèles.
Il faut probablement voir dans ce chant de la Sibylle et son succès le reflet de l’angoisse du passage vers l’an Mil dans la société occidentale du Haut Moyen Âge.
La version occitane de l’œuvre a fait l’objet d’un travail de réinterprétation en 2019 par l’artiste Clément Gauthier autour d’un projet collectif intitulé “Le chant de la Sibylle”.
Le Bon soir des moundis est un texte de poésie burlesque en occitan, assez énigmatique, construit en vers irrégulier comme un inventaire des insultes et vœux de malheur. Il est daté du milieu du XVIIIe siècle, imprimé en feuillet et connu par un seul exemplaire conservé à la Bibliothèque universitaire de l’Arsenal (Toulouse-1).
Ce type de document à diffusion populaire est assez rare dans les collections publiques. Il appartient cependant à un corpus foisonnant de textes burlesques et carnavalesques qui composent une grande part de la littérature occitane de l’époque moderne (XVIe-fin XVIIIe siècle) dont Toulouse est un des principaux foyers autour du très célèbre poète Godolin (1580-1649).
Peu connu, décrit par le savant Jean-Baptiste Noulet dans son Essai sur l’histoire littéraire des patois du midi de la France au XVIIIe siècle (Paris : J. Techener, 1859, p.172) come contenant un « tissu d’ordures et d’injures dégoûtantes, en usage, ce semble, parmi le bas peuple, à la fin du XVIIIe siècle » on le percevra aujourd’hui au contraire comme un témoignage précieux de la langue populaire des Toulousains, de leurs divertissements et de leur humour dans une culture collective fortement imprégnée de carnavalesque.
Le feuillet contient au dos un autre texte en français intitulé « Pour les femmes » (et non “Contre” comme le prétend Noulet) qui est un argumentaire de défense des femmes, arguant leur nature égale voire supérieure à l’homme.
Le bon soir des moundis. Tust, Tust, quié-là ? [Toulouse] : [s.n.], [17..]
Ce feuillet contenant deux textes imprimés au recto et au verso est connu par un seul exemplaire relié avec d’autres brochures en occitan dans un recueil provenant de la collection de l’érudit et bibliophile occitaniste Frix Taillade (1819-1901) dont la bibliothèque a été acquise en 1906 par la bibliothèque de l’université de Toulouse. Il est aujourd’hui conservé dans le fonds ancien de l’université de Toulouse. (Bibliothèque universitaire de l’Arsenal - SCD Toulouse-1 ; cote : Resp 35341-3/26)
Ce document occitan toulousain est imprimé sur un feuillet recto-verso de format moyen (390 × 185 mm) pouvant s’apparenter à de la production populaire de colportage qui proposait à la vente ambulante des ouvrages imprimés à faible prix. Cette pratique a grandement œuvré à la bonne diffusion de nombreuses œuvres entre le Moyen ge et le XXe siècle. Les œuvres de Pèire Godolin, Jasmin, Mesté Verdié et certains almanachs félibréens ont notamment été assez largement diffusés grâce au colportage.
Sans date ni nom d’auteur ou d’imprimeur, il a été daté postérieur aux années 1720-1730 du fait de la mention du « pape de Hollande ». Il est possible de voir dans ce terme une allusion au schisme provoqué aux Provinces-Unies (actuels Pays-Bas) par le prélat catholique Dominique-Marie Varlet (1678-1742), évêque in partibus de Babylon, excommunié en 1725 pour avoir administré des sacrements aux Provinces-Unies alors qu’il était relevé de ses fonctions, et en opposition aux ordres du pape. Refusant de se soumettre au Saint-Siège, Varlet fonde alors une église catholique schismatique à Utrecht, qui sera plus tard connue sous le nom d’Église vieille-catholique ou Union d’Utrecht.
Le recto contient « Le bon soir des moundis » (le bonsoir des Toulousains), suivi du sous-titre « Tust, Tust, quié-là ? » (toc, toc qui est là ?). Le verso contient un autre texte, en français celui-là, intitulé « Pour les femmes ».
Le bon soir des moundis se compose de deux parties. La première est une liste d’injures populaires en occitan. Plusieurs d’entre elles ne manquent pas de verve, certaines relève presque de l’absurde : Capèl de ressegaire, que le mèstre non val gaire (Chapeau de scieur, dont le maître ne vaut pas grand-chose), Visatge de pautrada, fisionomia mancada (Visage d’étron, physionomie manquée), Frut d’espital, enfant de còr de Marselha (Fruit d’hôpital, enfant de chœur de Marseille), Visatge de cuèr bolhit, visatge de trenta-sièis faiçons (Visage de cuir bouilli, visage de trente-six façons)...
La seconde est intitulée « Passen as souhaits » (passons aux souhaits) et énumère des souhaits absurdes et burlesques. Là encore, les souhaits en question ne souffrent pas de la comparaison avec les insultes qui les précèdent, au niveau de la richesse imaginative, loufoque et fantaisiste : Te soèti las perpelhas coma una bòta de rafes (Je te souhaite les paupières comme une botte de radis), Te soèti las dents e la machoara rengadas coma las nòtas de musica (Je te souhaite les dents et la mâchoire rangées comme les notes de musique). Nous nous rapprochons parfois quasiment de l’ambiance d’un tableau de Jérôme Bosch : Te soèti que tas costèlas serviscan de cabana al diable per se metre a l’abric del solelh (Je te souhaite que tes côtes servent de cabane au diable pour se mettre à l’abri du soleil), Te soèti que quand te mocas, te mocas la cervèla (Je te souhaite que quand tu te mouches, tu te mouches la cervelle), Te soèti que Lucifèr te trigosse per de vinhas podadas de frèsc, juscas que siás en brotons (Je te souhaite que Lucifer te trimballe à travers des vignes taillées de frais jusqu’à ce que tu sois en boutons). Le cauchemar n’est pas loin derrière le bouffon, et l’œuvre s’enrichit d’une dimension presque inquiétante de par la fantaisie absurde et débridée de l’imagination dont elle fait preuve. Même le décor familier de Toulouse devient fantasmagorique : Te soèti que le dòma dels Carmes e des Recolets te serviscan de pendents d’aurelhas (Je te souhaite que le dôme des Carmes et des Récollets te servent de boucles d’oreilles), Te soèti quatre caissals coma le Pilièr d’Orleans (Je te souhaite quatre molaires comme le Pilier d’Orléans).
Au terme de trente-six souhaits se trouve une Respounso (réponse), qui se limite, en une dizaine de lignes, à d’autres insultes ainsi qu’à une série de bon soir dans le même esprit. Le tout se clôture par la sentence amix eron, amix sion (ils étaient amis, qu’ils soient amis).
Nous n’en savons pas plus sur l’identité des deux interlocuteurs ni sur leur querelle.
Le texte français imprimé au verso du feuillet porte le titre Sur les femmes, sans davantage de précisions. S’il serait quelque-peu exagéré et anachronique de le qualifier de féministe, c’est néanmoins un texte qui plaide - en apparence - l’égalité entre hommes et femmes, voire même la supériorité de celles-ci sur la gent masculine : “De plus l’origine et le nom de la femme, selon l’Écriture sainte, est plus noble que celui de l’homme”. Le moins que l’on puisse dire est qu’il est en rupture totale de ton et d’atmosphère avec la partie occitane du recto. Faut-il y voir un éloge carnavalesque ? L’inversion des valeurs étant une des bases de Carnaval, il est possible que le plaidoyer en faveur de la prise de pouvoir des femmes dans la société relève en réalité du même esprit subversif et provocateur que la partie occitane.Il s’agirait alors de ce qu’on appelle en rhétorique une antiphrase.
Si ce type de documents est rare aujourd’hui dans les collections publiques, cela ne veut pas dire qu’ils n’étaient pas nombreux dans la production imprimée de diffusion populaire, en particulier à Toulouse, qui fut depuis la fin du XVIe siècle un foyer de littérature burlesque, satirique et populaire d’expression occitane.
Il est malheureusement difficile de reconstituer le rôle et la « vie » que pouvait avoir un tel texte dans le Toulouse du XVIIIe siècle. Son format, son support et son contenu invitent à penser qu’il ne s’agit pas d’écrits pour êtres lus mais sans doute dits ou joués. S’agit-il d’un texte carnavalesque ? On sait l’importance du carnaval dans l’ancienne Toulouse, connu par de nombreux écrits, depuis Godolin au XVIIe siècle. Plusieurs passages semblent directement inspirés du grand poète populaire toulousain Godolin, des noms sont tirés de ses œuvres, comme Ramonet l’Asclaire (Raymond le fendeur de bûches) à moins qu’il ne s’agisse de folklore toulousain qu’avait exploité Godolin dans ses œuvres. Nous savons que Godolin a repris plusieurs personnages de l’imaginaire local, comme Tòcasòm.
[imatge id=21065]
Plusieurs lieux emblématiques de Toulouse sont cités dans le Bon soir des moundis, comme le couvent des Carmes, celui des Recollets et celui des Cordeliers, ou encore l’église de la Dalbade, le quartier Arnaud-Bernard (la Naubernat), le « pont » et ses « lunes », comprendre le Pont-Neuf (les « lunes » étant sans doute les six dégueuloirs dont il est percé), ou encore le Pilier d’Orléans, célèbre pilier de la cathédrale Saint-Étienne au pied duquel est enterré Pierre-Paul de Riquet.
Certaines de ces insultes seront reprises par le farceur bordelais Meste Verdié (1779-1820) dans sa farce Cadichoune e Mayan (1819) indiquant une certaine diffusion de ce texte, par voie écrite ou orale.