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Entraînement à la Dictada - Extrait 1: "Lo pissalach" de Florian Vernet.
Vernet, Florian

"Lo pissalach"


Extrach tirat de l'òbra originala : "Lo pissalach" de Florian Vernet. 


Un còp èra un reiaume, dins las montanhas. Lo reiaume aviá un rei e una reina, pro braves totes dos, mas lo reiaume èra trist e miserable ça que la. Perqué donc trist e miserable ? 


Perque, un an abans, los tres enfants del rei e de la reina, los tres princes, avián desaparegut. Èran partits ensems un jorn de prima, a caval, e degun los aviá pas jamai pus tornats veire. 


Despuèi aqueste jorn, tot lo país èra trist, d'ont mai que l'annada d'aprèp aquesta disparicion èra estada una annada de catastròfas : un aigat a la prima, la secada en estiu, un aigat encara en auton... Las recòltas èran plan magras e lo paure mond avián pas grand causa a manjar. 

 


Fa que totes trevavan lo campèstre en bosca de quicòm per melhorar l'ordinari.


E vaquí que, al vilatge, i aviá, dins una bòria pichona, una veusa qu'aviá tres filhas : Adèla, qu'èra la màger, Maria qu'èra la segonda e Faneta, la darrièra. Èran totas tres polidas coma tot, mas Faneta èra encara mai polida que sas sòrres, e mai escarrabilhada, s'aquò se pòt ! Cada jorn, las tres joves ajudavan la maire a faire lo recapte, a trabalhar dins l'ortet, e puèi anavan, elas tanben, amb lor doas cabras, pel campèstre e aquí recampavan çò que trobavan...

 

Extrach de "Lo Pissalach", Florian Vernet, dins La princessa Valentina,  éd. Scérén - C.R.D.P de l'académie de Montpellier, Montpellier, 2007. 


Site internet : ICI. 

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Feux de Noël en Gascogne
Lo CIRDOC-Mediatèca occitana

S'inscrivant dans le cycle des festivités hivernales, les halhas et socas de Nadau constituent deux pratiques traditionnelles de feux rituels. Autrefois particulièrement répandues en Gascogne, il en demeure aujourd'hui encore traces et pratiques.

 

Halhas de Nadau

Du latin facula,halha en dialecte gascon, haille en français, est un rituel de protection des récoltes. Bien que la tradition soit moins répandue aujourd'hui, ce rite agraire était autrefois particulièrement respecté, alliant bûchers ou brandons (ensembles de petites branches sèches surmontées d'un bouchon de paille ou d'enveloppes de maïs imbibés de résine), échanges intergénérationnels et chants à vertu incantatoire.

 

Ces feux de Noëls, feux fixes ou feux mobiles, parfois combinaison de ces deux formes selon les régions concernées, sont attestés dans différents espaces d'Aquitaine. Au cours des époques, différents auteurs et chercheurs se sont penchés sur la question des halhas, proposant définitions et témoignages de la pratique.

 

L'abbé Césaire Daugé dans Le mariage et la famille en Gascogne d'après les proverbes et les chansons (trois volumes, 1916-1930), l'ethnologue Arnold van Gennep (Le folklore français. 3, Cycle des douze jours, de Noël aux Rois ), puis René Cuzacq (Noël, Premier de l'An et carnaval au pays landais, Mont-de-Marsan, [s.d] ) entre autres auteurs, apportèrent tour à tour dans leurs ouvrages des clés de compréhension de cette pratique dans l'espace gascon. Ces écrits furent plus récemment complétés par les travaux menés par Patrick Lavaud dans les années 1980 (1), particulièrement sur la pratique des halhas en Bazadais. L'ensemble de ces ouvrages ainsi que les diverses enquêtes ont permis de discerner peu à peu les contours de l'espace concerné par cette pratique et le réseau de signification l'entourant.

 

On distingue généralement deux types de feux de noël en Gascogne, les feux mobiles d'une part, souvent pratique à caractère familial ; les feux fixes d'autre part, regroupant généralement la communauté autour d'un rituel collectif (2). Ce dernier type fut identifié pour la zone de la Chalosse. Nous trouvons trace de ces feux également en Béarn, dans les environs de la ville d'Orthez, ainsi que dans certaines zones du proche Pays Basque. Des halhas sont également attestées dans la Grande Lande, grâce aux témoignages apportés à ce sujet par Félix Arnaudin - malheureusement non édités - tout comme dans le Bordelais, selon les Macariennes de l'Abbé Girardeau (XVIIIe siècle)(3).

 

Allumées lors de la veillée de Noël, à l'occasion de la Saint-Jean d'hiver, les halhas constituent un rituel agraire dont la signification et les origines ont fait l'objet de débats entre ethnologues et chercheurs, soutenant ou rejetant la dimension solsticiale de cette pratique. Traditionnellement faites de ronces et de branchages dans leur version fixe, les halhas s'accompagnent parfois de brandons, qui entrent dans la pratique des feux mobiles. Dans le cas de ces derniers, une personne, le plus souvent le patriarche du foyer, est en charge de la cérémonie. Muni de brandons, celui-ci fait le tour de la propriété, assurant par ce biais sa protection et le succès des récoltes à venir.

 

Rituel agraire, le feu lui-même s'accompagne le plus souvent de chants à vertu incantatoire, entrant dans le processus de protection des récoltes. Sur une base commune, ces chansons présentent des variations d'une région à l'autre.

En voici un exemple recueilli par l'abbé Césaire Daugé (4):

"Halhe Nadau,/ Halha Nadau / Haille de Noël

Lou trip au pau/ Lo trip au pau/ La saucisse sur le pieu

Lou gat ou hum/ Lo gat au hum/ Le chat dans la fumée

Pum !/ Pum !/ Pum !

(version originale et version présentée dans une graphie normalisée, ainsi que traduction française).

 

D'autres versions proposent pour leur part : "La poule au toupin/ Couradje vesin (la poule au pot/ Courage voisin)" ou selon la version elle aussi rapportée par l'abbé Césaire : "Lous escuts a la paret/Bé t'ous couelhe".

 

La première version ici présentée, faisant évocation du chat là où d'autres se concentrent sur la question des champs, fait apparaître un autre pan des rites et des légendes alors en cours en Gascogne. Rite agraire, il est également possible que les feux de Noël aient été considérés comme des sorts visant la protection des foyers et de la communauté contre les sorcières et loups-garous. Ceux-ci étaient en effet réputés particulièrement actifs durant la nuit du 24 au 25 décembre selon les croyances populaires (5). Symboliquement, le chat se rattache à ces croyances et de nombreux textes et récits rapportent, en Gascogne comme ailleurs, des scènes de chats envoyés dans les flammes. Le cri de Pum parfois ahum voire hoü figure d'ailleurs comme un contre-sort, identifié d'ailleurs comme tel par Simin Palay dans son Dictionnaire du Béarnais et du Gascon modernes (6), qui y voit le cheminement du terme hum (fumée en gascon) à hum : courir comme le vent. Un cri, Hum, également poussé du côté du Gave d'oloron pour faire peur et chasser les sorcières, précisément la veille de Noël.

 

Les feux de Noëls, dont la pratique était en recul jusque dans ces dernières années, perdurent malgré tout dans cette région. Certains foyers, comme du côté de Bazas, retrouvant d'ailleurs une nouvelle vigueur suite aux travails menés à la fin du XXe siècle sur ces questions, et se réinventant sans cesse.

 

 

 

La soca de Nadau

 

A la pratique des halhas en extérieur, fait pendant celle de la bûche de Noël, portant en gascon des noms différents : soca,catsau,capdau,lo soc... selon le lieu où cette coutume était pratiquée.

 

Une enquête menée au XIXe siècle par Dieudonné Dergny (7), donne quelques informations sur les zones gasconnes concernées par cette pratique : Pays de Born, Marensin, Chalosse, Bigorre, Astarac, Comminges, Nébouzan et Lomagne, ainsi que quelques localisations dans le Gers et les Hautes-Pyrénées.

 

Les informations fournies sur le sujet par les auteurs et chercheurs successifs, Dieudonné Dergny, l'abbé Laborde en Béarn, le landais René Cuzacq ou l'ethnologue français Arnold van Gennep, témoignent d'une certaine diversité de pratique, tant sur la nature du bois utilisé (chêne, pin, mais également bois d'arbres fruitiers à lente combustion) et la durée de combustion espérée. Celle-ci peut ainsi varier d'une nuit en Béarn selon l'abbé Laborde, à neuf journées consécutives dans les Landes aux dires de René Cuzacq (8). La coutume de la bûche de Noël, mise dans l'âtre la veille de Noël, a cependant partout en commun la volonté d'assurer la protection du foyer, le respect du délai de combustion faisant office de bon augure pour l'année à venir.

 

Cette coutume de la bûche de Noël que l'on retrouve également dans d'autres espaces occitans, ne semble pas s'être accompagnée en Gascogne d'un chant ou d'une incantation particuliers. Ce rite inscrit dans le Cycle des douze jours séparant Noël du jour des Rois, s'entoure toutefois d'un certain nombre de proverbes et supersititions, lié à ses vertus propitiatoires.

 

 

Notes:

  1. Lavaud,Patrick,"La halha de Nadau dans le Bazadais" in Les Cahiers du Bazadais, n° 81, 2ème trimestre 1988, pp. 45-52.

  2. Lavaud,Patrick, "Halhas de Nadau en Vasadés" in Son d'Aquí, site du patrimoine oral et festif en Aquitaine (www.sondaqui.com).

  3. A ce sujet consulter VAN GENNEP, Arnold, Le folklore : croyances et coutumes populaires en France, Paris, Stock, 1924, Tome I, volume 8.

  4. DAUGÉ, Césaire, Le mariage et la famille en Gascogne d'après les proverbes et les chansons, Paris : A. Picard ; Bordeaux : Féret et fils ; Duhort-Bachen : C. Daugé, 1916-1930. p.286.

  5. TRAIMOND, Bernard, Sur des rituels de protection en Gascogne, communication faite dans le cadre du Groupement de Recherches en Ethnologie Landaise (G.R.E.L.), article non publié. Cité dans Halhas de Nadau en Vasadés, Son d'Aquí.

  6. PALAY, Simin, Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes (Bassin Aquitain), Paris : Centre National de la Recherche Scientifique, édition de 1961. Article Ahumes.

  7. DERGNY, Dieudonné, Usages, coutumes et croyances, 2 vol., Abbeville, 1885 et 1888.

  8. CUZACQ, René, Noël, Premier de l'An et carnaval au pays landais; Mont-de-Marsan, Jean-Lacoste, [s.d].

 

 


Bibliographie:

CUZACQ, René, Noël, Premier de l'An et carnaval au pays landais; Mont-de-Marsan, Jean-Lacoste, [s.d].

DAUGÉ, Césaire, Le mariage et la famille en Gascogne d'après les proverbes et les chansons, Paris : A. Picard ; Bordeaux : Féret et fils ; Duhort-Bachen : C. Daugé, 1916-1930.

FOIX, Vincent, Dictionnaire gascon-français (Landes), PESSAC,Presses universitaires de Bordeaux, édition de 2003.

Lavaud,Patrick,"La halha de Nadau dans le Bazadais" in Les Cahiers du Bazadais, n° 81, 2ème trimestre 1988, pp. 45-52 

PALAY, Simin, Dictionnaire du béarnais et du gascon modernes (Bassin Aquitain), Paris : Centre National de la Recherche Scientifique, édition de 1961.

VAN GENNEP, Arnold, Le folklore : croyances et coutumes populaires en France, Paris, Stock, 1924, Tome I, volume 8.

 

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Claude Alranq
Fred Cot
Johan Hannequin, photographe
Lo 19 de mai de 2012, un animal totemic novèl nais dins l'oèst erautés, lo Pelican de Puègserguièr, a l'iniciativa dels Goulamas'K. Aqueste « dorsièr del patrimòni cultural immaterial » tòrna prene los diferents temps de l'eveniment.
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Lo Camèl de Besièrs
Lo CIRDÒC - Mediatèca occitana

Lo Camèl, es l'animal totemic de la vila de Besièrs. Desfila per las carrièras de la vila a doas escasenças : per las fèstas de Sant-Afrodisi lo 28 d'abril e per las fèstas de las Caritats que se fan lo jorn de l'Ascension. 

1/ La practica a l'ora d'ara

Per perpetuar lo sovenir del camèl, e los actes de caritat qu'enròdan aquesta legenda, un camèl de fusta foguèt bastit e desfila per las carrièras de Besièrs cada a la meteissa data per las celebracions de la Sant-Afrodisi. Lo camèl, enòrma maquina de fusta bolega gràcias a quatre personas abrigadas dins sos flancs. Es cobèrt de grandas cortinas e de telas pintradas sus las que figuran mantunas inscripcions : « Ex antiquitate renascor » e « Sen Fosso ». La primièra expression en latin significa « respelissi de l'Antiquitat » e fa referéncia al caractèr secular d'aquesta manifestacion. L'inscripcion « Sen Fosso » es, ela, una expression en occitan lengadocian que significa « sèm nombroses, sèm fòrça », integrant una nocion de coesion per la fòrça del nombre. Aquesta maquina a tanben de maissas grandas de fèrre, las « Gnico-Gnaco » que clacan tot de long del passa-carrièra. Lo Camèl es guidat per la vila pel Papari, son gardian, seguit de totas las corporacions de mestièrs de la vila. Una pausa es obligatòria davant l'ostal del potièr, ont una ofrenda, la civada, es remesa al Camèl. La parada fa tanben una pausa davant l'estatua de Pepesuc, un autre personatge legendari de Besièrs, carrièra Francesa. Lo desfilat compausat del camèl menat pel Papari, son gardian, seguits de personas emmascadas de « salvatges » de las tèstas cobèrtas de brancas verdas de sambuc e subremontadas d'un pan. En mai de las diferentas confrariás e corporacions de mestièrs participan tanben al passa carrièra de dançaires que s'arrèstan mantun còps pendent lo desfilat per interpretar de danças tradicionalas. Es de costuma de dançar la dança de las trelhas e la dança dels pastres pendent lo passa carrièra. Lo Camèl de Besièrs es tanben de sortida per las fèstas de las Caritats, lo jorn de l'Ascension, que de pichòts pans, las còcas, èran distribuits per la vila als mai paures. Aquesta fèsta era tanben un moment de jòia que tota la populacion locala desfilava per carrièras en distribuir bonbons e doçors. A l'ora d'ara, un concors ven recompensar l'artesan qu'a fait la melhora còca. A la fin del concors, de parts son distribuidas a la populacion.

2/ Istoric

Originas

La legenda conta que Sant-Afrodisi, primièr avesque de Besièrs seriá arribat d'Egipte amb son camèl per evangelizar la Gaula. Seriá estat condemnat a mòrt pel governador roman en rason de sa tròp granda activitat. Decapitat carrièra Sant Jacme, amassèt sa tèsta e tornèt dins la cauma que i viviá, uèi glèisa Sant Afrodisi. Sus son camin, d'estatjants getèron de cagaròls sus son passatge mas lo sant s'acontentava de los rasejar, sens los escrachar. Se conta tanben que de talhaires de pèiras diguèron de fòl a Afrodisi e foguèron transformats en pèira sulpic. Se podiá veire lors morres petrificats sus la flaçada de l'anciana abadiá del Sant Esperit, carrièra de las Tèstas. Aprèp la mòrt d'Afrodisi, una familha de potièrs de Besièrs reculhiguèt son camèl e li provesiguèt manjar e dormir. Quand Afrodisi foguèt reconegut coma sant, la comuna de Besièrs decidiguèt de prene a sa carga l'entreten del camèl. Un fèu destinat a l'entreten del camèl foguèt creat. A la mòrt del camèl, lo fèu foguèt destinat a la caritat publica e servissiá a finançar la fabricacion de pichòts pans donats als paures aprèp èsser estats benesits per l'avesque de Besièrs.

Istòria e legendas a l'entorn de la practica dins lo temps

Si lo Camèl de Besièrs es plan inscrit dins las costumas localas e sembla aver d'originas ancestralas, foguèt destrusit e enebit mantun còps. L'efigia del camèl foguèt brutlada pendent las guèrras de religion puèi lèu reconstituida. En 1793, amb la Revolucion Francesa, foguèt tanben destrusida en plaça publica amb totes los títols feodals e son fèu foguèt suprimit. En 1848, lo camèl novèlament construit foguèt tornamai demolit e tanlèu reconstituit per la populacion locala, fòrça estacada a son animal totemic. La tèsta del Camèl que desfila a l'ora d'ara per las carrièras de Besièrs sembla datar del sègle XVII e l'estructura de son còs es, ela, fòrça mai recenta mas inspirada de las ancianas representacions de l'efigia del Camèl. Tradicionalament dotat d'una sola bòça, l'armadura del Camèl se'n vegèt apondre una segonda al moment de sa refeccion dins las annadas 1970. Fàcia al malcontentament dels besierencs, la segonda bòça foguèt levada per tal de tornar a l'animal son aparéncia legendària.

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Se Canta (cant)
Lo CIRDÒC - Mediatèca occitana

Chanté sur la plupart des territoires d'Occitanie, le "Se Canta" s'affirme comme un hymne fédérateur occitan. Il comprend au moins une quinzaine de variantes, toutes différentes selon les localités où il est chanté ou a été recueilli. C'est cette appropriation, cette adaptation des paroles et de la mélodie mais aussi les thèmes universels qui le traversent qui font de ce chant un véritable hymne populaire sur l'ensemble du territoire occitan.

Les origines du "Se Canta"

La paternité de Gaston Fébus

L'hypothèse la plus répandue concernant l'origine de ce chant nous renvoie vers le XIV° siècle et le Béarn. Ce serait en effet Gaston Fébus (1331-1391), comte de Foix et vicomte de Béarn qui aurait rédigé cette chanson à l'attention de sa femme Agnès de Navarre. Connu pour son érudition, sa connaissance des divers dialectes occitans parlés à l'époque mais aussi pour son amour de la musique, Gaston Fébus aurait été délaissé par Agnès de Navarre, retournée dans le royaume de son père, de l'autre côté des Pyrénées. Il aurait alors rédigé le "Se Canta" -"Aquelas Montanhas" dans sa version originale - fou de chagrin pour implorer son retour. Cette hypothèse est communément admise même si aucune preuve dans les écrits de l'époque ne nous permet de confirmer la paternité de Gaston Fébus sur cette chanson. De même, on ne connaît pas la version d'origine de la chanson, cette dernière s'étant transmise de manière orale au cours des siècles, sûrement adaptée selon les chanteurs et les époques. Ce n'est qu'au XIX° siècle que la forme du "Se Canta" a été fixée par les collecteurs et folkloristes dans les diverses anthologies de chants qu'ils ont pu publier.  

L'hypothèse des bateliers toulousains

Joseph Canteloube, compositeur, musicologue et folkloriste est le premier en 1951, dans son "Anthologie des chants populaires français", à émettre une autre hypothèse quant à l'origine du "Se Canta".

Il y présente en effet une autre version commençant par ces vers : "Sul pont de Nanto ; I'a un auzelou" et analyse de cette manière l'origine de cette version du "Se Canta" : "Chanson très répandue en Roussillon, comté de Foix, Guyenne, Gascogne, Languedoc, Auvergne etc. Elle fut très probablement faite par des matelots toulousains transportant le pastel de Toulouse à Nantes pour le compte d'armateurs nantais. Le pastel était cultivé en Lauragais. Le bleu était obtenu sous forme de coque d'où l'expression pays de Cocagne appliquée à un pays heureux et riche. Ce bleu pastel fit au XVI° siècle la fortune du Midi de la France. Le pont dont parle la chanson est sans doute celui de Pirmil, situé à Nantes et qui portait, construite sur une arche, une hôtellerie pour les mariniers."

Là non plus, aucun élément ne nous permet d'affirmer la véracité de cette hypothèse et comme l'affirme Martine Boudet, universitaire, dans son ouvrage "Les hymnes et chants identitaires du Grand Sud - Essai sur l'emblématique inter-régionale" : "Ce pourrait être tout aussi bien être un matelot nantais qui ayant entendu le "Se Canta", l'aurait arrangé avec des paroles adaptées à Nantes. [...] Les traductions diverses venant sans doute qu'au cours des siècles, le sens originel de ce chant a été perdu et l'on a de ce fait, écrit d'autres paroles."

Les versions locales

D'autres versions locales existent et font notamment référence à la ville de Nîmes ("A la font de Nimes") ou à un pré ("Al fond de la prado"). On ne sait pas à ce jour à quelle époque ces versions ont été créées ni leur origine exacte. Pour de nombreux chercheurs et érudits, l'air de Gaston Fébus serait devenu tellement populaire qu'il aurait été repris et adapté localement, voire même mélangé à d'autres chants populaires locaux.

Dans tous les cas, on trouve dans toutes les versions du "Se Canta" les mêmes thèmes et figures : les hautes montagnes - qui font penser aux Pyrénées, frontière naturelle au sud du territoire occitan - qui apparaissent comme un obstacle à la réalisation amoureuse, le rossignol servant d'intermédiaire entre les deux amants et enfin, la relation amoureuse impossible.

La symbolique du "Se Canta"

Le thème de la séparation physique et morale des amants, la figure de l'oiseau comme intermédiaire rattachent également cette chanson à une tradition plus ancienne, celle de la fin'Amor célébrée par les troubadours au XIII° siècle. 

Pour d'autres, ce chant symbolise également l'alliance unissant de manière éphémère Occitanie, Aragon et Catalogne.

Enfin, Richard Khaïtzine dans son ouvrage "La langue des oiseaux" développe une approche plus symbolique et ésotérique de ce chant : "Cette chanson dans la manière des troubadours est un texte à clef ou codé. La clef en est livrée dès la seconde ligne puisqu'il y a un oiseau dont on nous dit "qu'il chante ce qu'il chante". Il s'agit d'une chanson rédigée en langue des oiseaux, autrement dit dans une langue à double sens. Remarquons que cet oiseau chante mystérieusement et de nuit. [...] Cette chanson nous entretient de la nuit noire de la répression. Le rossignol, autrement dit le troubadour, chante la passion des Cathares persécutés. Il ne chante pas ouvertement, mais d'une manière symbolique de façon à n'être compris que de ceux à qui s'adresse ce texte. Remarquons également qu'il chante pour la dame qui se trouve au loin, l'Eglise cathare en exil. Mais pourquoi  évoquer l'amandier qui fleurit ? Ses fleurs, nous dit-on, sont d'un blanc immaculé. L'art religieux utilisa fréquemment l'image de l'amande mystique, la vulve entourant la Vierge ou le Christ en gloire. L'amande, qui comporte une double écorce, très résistante, est bien adaptée à la représentation de la connaissance ésotérique qui ne s'acquiert qu'en usant de patience et d'efforts. Ceci est d'ailleurs conforme au sens profond de l'amande, laquelle en hébreu se dit luz terme désignant également la lumière. Nous devons donc comprendre ici que l'amandier aux fleurs blanches (alba) désigne le fidèle d'Amour, le fidèle de l'Eglise albigeoise. Si nous doutions de cette interprétation, l'occitan nous la confirmerait. En langue d'oc, amandier se dit amelhié (celui qui n'est pas noir). or de nombreux exégètes considèrent que, dans le poème médiéval Fleur et Blanchefleur, Fleur désigne l'Eglise catholique et Blanchefleur l'Eglise cathare. La suite de la chanson est bâtie sur le même processus. Les montagnes séparant l'amant de la dame représentent les obstacles rendant impossible la libre pratique de la religion cathare. Les derniers Parfaits et faidits se sont réfugiés de l'autre côté des Pyrénées. Pour sa foi, le croyant est prêt "à passer l'eau", à mourir sans crainte de se noyer. [...] Le terme occitan "negar" signifie, à la fois, noyer et renier. Ici, il s'agit donc d'un jeu de mots faisant référence à l'action d'abjurer sa foi. Enfin, si le parfait est prêt à passer l'eau, c'est que les cathares pratiquaient le baptême de Feu ou d'Esprit et non celui d'Eau."

Le "Se Canta" aujourd'hui

Si les versions, les hypothèses concernant sa création et les manières d'interpréter ce chant sont nombreuses, le "Se Canta" apparaît aujourd'hui comme un chant commun à la plupart des territoires d'occitanie, résonnant comme un véritable hymne identitaire adopté par la population des territoires occitans comme en témoignent les exemples suivants.

La généralité du Val d'Aran a adopté le "Se Canta" dans sa version "Montanhes Araneses" comme hymne officiel. Il a également été utilisé comme lors de la Cérémonie d'ouverture des Jeux Olympiques de Turin en 2006 pour représenter les vallées italiennes occitanes.

Le "Se Canta" est depuis 2010 l'hymne officiel des supporters du Toulouse Football Club, il est chanté avant chaque rencontre.

Enfin, sur Internet de nombreuses références sont faites à ce chant et concernent une très grande partie des territoires occitans. On peut par exemple trouver une version aragonaise. Le groupe de musique Los Hardidets a également répertorié 200 versions du Se Canta, pour la plupart directement consultables en ligne.

Si le "Se Canta" s'affirme comme un hymne identitaire occitan, il n'est pas le seul. En Provence, c'est la "Cansoun de la Coupo", rédigée par Frédéric Mistral qui s'est affirmé comme véritable hymne occitan. La chanson "Lo Boièr", datant du Moyen-Age est également depuis les années 1970 devenue un véritable hymne identitaire commun à plusieurs régions d'occitanie.

 

Pour aller plus loin : 

 
  • Bibliographie : 
  • Martine Boudet, Les hymnes identitaires du Grand Sud : essai sur l'emblématique inter-régionale, Puylaurens : Institut d'Estudis Occitans, 2009. Cote CIRDOC : 320.5 BOU
  • Richard Khaitzine, La langue des oiseaux : quand ésotérisme et littérature se rencontrent, Paris : Dervy, 1996.
  • Joseph Canteloube, Anthologie des chants populaires français groupés et présentés par pays ou province. Tome I, Provence, Languedoc-Roussillon, Comté de Foix, Béarn, CorseParis : Durand & Cie, 1951. Cote CIRDOC : CAB 3518-1.

 

 

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