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Noël et Noëïs Béarnais
i
VIEILLES COUTUMES
C'est au moment où les coutumes, les chansons, les contes d'autrefois, tous ces témoins de la vie de nos pères, toutes ces manifestations expressives de leur état d'âme, sont sur le point de disparaître qu'on sent tout le charme poétique qui s'en dégage, et ne
pouvant se promettre de les faire durer ou revivre, du moins
éprouve-t on le besoin de les saisir au passage, d'en fixer pieusement le souvenir. C'est là toute la psychologie du folk-loriste, c'est
toute l'explication de ces quelques pages sur les coutumes et les
chants noéliques béarnais.
Cette question a déjà intéressé plus d'un chercheur et je me
souviens d'avoir lu autrefois, dans les Reclams, un article plein de
savoureuse humour consacré par M. Batcave au Piquehoù
Il est
téméraire de s'aventurer après lui dans les champs des traditions
anciennes. Il a entendu toutes les voix qui montent des vallées;
des landes ou des collines béarnaises, et celui qui passe après lui
risque de faire buisson creux.
Cependant comme il s'est attaché plus spécialement à nous
décrire ce qui se passait à Orthez, au temps de Noël, et qu'il n'a
parlé d'Oloron que d'après Lespy ('), je pourrai donner quelques
détails nouveaux sur les vieilles coutumes oloronaises.
Je garde un pittoresque souvenir du curieux spectacle auquel
il m'a été donné plusieurs fois d'assister dans cette antique cité
béarnaise, la veille de Noël. Dès le point du jour, des Oustalots, de
la rue Ste-Barbe, le long du Bialè, une bande d'enfants s'en allait
rejoindre d'autres bandes venues de Sègues ou descendues de
Matachol et tout ce petit monde parcourait la rue du Séminaire
le Carrérot, la rue Chanzy, montait à La-Hàut, dégringolait le Bis
condau et après avoir serpenté sur le Marcadet, sous le regard malicieux de Navarrot, prenait la rue Camou ou la Bie-de-Bat pour
aller vers les Maisons Neuves, du côté de la Sarthouléte chantée
(1)
p.
Réclams de Biarn é Gascougne, année
(2) V. LESPY. — Dictons et
118 ; Dictionnaire Béarnais,
1901,
p.
9-14.
Proverbes du Béarn. — Pau, Garet,
tome I, p. 22.
1892,.
�— 186 —
par le poète, Un panier ou un petit sac à la main, pépiant comme
un vol de moineaux en maraude, ils allaient criant de temps à
autre à tue tête et avec plus ou moins d'ensemble, ces mots baro
ques :
A
hum ! a hum ! a hum !
ou encore :
Hiu ! hau ! ères iroles de Nadau ! (')
Devant les maisons, riches et pauvres, où un enfant était venu
au monde dans le courant de l'année, la troupe s'arrêtait et chantait à pleins poumons, sur un ton uniforme :
A
humilhes ! a humaines !
Poumes y castagnes !
Bouharoc ! coc ! coc !
Poumes y esquilhots !
Le nez en l'air, faisant claquer les sabots en cadence sur le trottoir ou sur la chaussée, à cause du froid vif du matin, cette
canalhete attendait que portes ou fenêtres de la maison voulussent
bien s'ouvrir. Et de fait, presque toujours, en réponse à leur
bruyante requête, les contrevents s'entrebâillaient, la maison se
faisait souriante et une pluie de noix, de pommes, de châtaignes,
quelquefois même de petits sous, venait tomber au milieu des
enfants. Aussitôt voilà les marmots à quatre pattes, se bousculant,
s'invectivant à qui mieux mieux, tâchant de faire la récolte la plus
abondante, de remplir le petit panier d'osier ou le sac de toile avec
cette manne d'un nouveau genre. Mais, — ce qui n'arrivait presque jamais, — si la maison restait fermée, si portes et fenêtres
demeuraient maussadement closes, si les parents refusaient de
faire fête aux petits quêteurs, c'était une série d'imprécations et
de-mauvais souhaits contre le nouveau-né.
Antanin Montaut, dans une de ses meilleures poésies, a fidèle
ment noté cette vieille coutume locale. (*) Il s'adresse aux petits
pauvres d'Oloron et il nous les montre dans leurs nippes à tout
ana, ce qui leur permettra impunément de se rouler dans la boue,
si les nécessités de lesgarrapéte l'exigent :
. (1) M. LESPY parle d'une seconde promenade d'enfants, le matin même de
Noël, où l'on aurait crié : Hiu ! hau ! ères iroles de Nadau !. D'après les
souvenirs des plus vieux Oloronais, il n'y a jamais eu qu'un seul passecarrère d'enfants, le matin de la veille de Noël, durant lequel on pousse les
divers cris que nous indiquons.
(2) ANTONIN MONTAUT. Flous déu cô y pausotes gauyouses, — Aulourou,
emprimerie F. Lample, 1905, — A hum ! p. 20.
�- 487 Qu'abét bien touts, bertat, quauques beroyes pelhes
Heytes de bielh gilet, bielh pantelou, bielh frac
— May p'a soubén bestits de nau dap u perrac ; —
Nou metiat so de bèt, bestit-pe de las bielhes,
Puch cerquat u tistèt, u sac, so qui cregats
Oun se pousque estrussa l'amassadis mey biste,
Mes nou sie lou sac descousut, ni la tiste
Crebade au houns, praubots ! ta qu'arré nou pergats.
Lou matiau n'ey ni clà, ni brum,
Bestits de perracs, de misères,
Dap las sacoles, las tistères,
Maynats, aném, cridat : A hum !
Déya per las maysous que s'orben las frinestes
Aci, n'a pas u més, u maynat éy badut ;
Estangat-pe ! En lou han, lou pay s'ère escadut
Ta l'aynat ; que p'argoeyte... Ah ! goardat-pe las testes !
La plouye, — que die you ? — la grelade, praubots !
Sus bous auts cadéra coum Nadau l'a boulude ;
Parât ! nou séra pas boste pêne pergude,
La plouye pe dara castagnes, esquilhots.
Lou matiau n'éy ni clà, ni brum ;
Hardit ! au sé quauques iroles
Pétéran hén las casseroles !
Maynats, aném, cridat : A hum !...
Més crégat-me, déchat de coumença batalhes,
Que lous grans aus petits dén ajude, si eau ;
Partatyat-pe de plà lous présens de Nadau,
Y tournat-p'en après ta case chens baralhes
Je doute que les petits Oloronnais aient jamais mis en pratique
les conseils paternels du poète ; est-ce que les horions qu'on
échange ne sont pas un des attraits de ce passe-rue matinal ? A
l'heure actuelle, cette coutume existe encore, à Oloron, mais elle
tend à disparaître. Il est certain qu'autrefois cet usage s'étendait à
toute la région environnante et en particulier à ces riants villages
qui s'échelonnent le long du Gave d'Oloron, dans l'ancienne vallée
du Jos ; à travers les carrères c'était la même tournée matinale,
agrémentée des mêmes couplets. Maintenant Préchaeq-Josbaig
seul garde la vieille tradition ; on y appelle même cette quête de
noix et de châtaignes d'un nom spécial : las nadabes. Le cri des
enfants est à peine différent de celui qu'on entend à Oloron :
Hiu ! hau ! hiu ! hau !
Las nadabes de Nadau !
�- 188 —'
Cric ! Croc ! Bouharoc !
Poumes é esquilhots !
A humilhes ! a humalhes
Poumes é castagnes !
0 cestè
P'ét hourat de l'ayguè !
U quoartau
P'ét hourat de la clau.
On ouvre la porte aux enfants, on les introduit dans la vaste
cuisine et le maître de la maison, ayant répandu par terre une
jonchée de châtaignes, c'est un pêle-mêle, une bousculade, un
attrape qui-peut du plus pittoresque effet. Là où la récolte a été
abondante, on entend ces souhaits rassurants :
Bisque ! bisque ! bisque ! — (Qu'il vive !)
Si la distribution a été maigre, ou si la porte de l'oustau est
restée fermée, le groupe des enfants continue sa course en criant :
Grèbe ! crèbe ! crèbe ! — (Qu'il meure) ! (1)
Si nous descendons la vallée du Gave d'Oloron, nous trouvons à
Sauveterre des coutumes semblables ; le soir de la veille de Noël,
les enfants vont dans les maisons où est né un bébé pour faire la
bclhole; ils chantent à la porte :
Nadau ! Nadau !
Lou trip au pau.
La saucisse à la padère.
Ah ! la boune chère !
A la belhote ! Pique palhe, pique hey !
(1) Ces malédictions se présentent ailleurs sous une forme bien plus
expressive. H. CUZACQ nous raconte que, dans la Ghalosse où les enfants font
une ronde analogue, la veille de Noël, on entend formuler les mauvais
souhaits suivants contre les nouveaux-nés dont les parents ont été peu généreux :
Pachoc, pachoc,
Cou m u esclop
ou encore :
Tort, tort,
Coum la coude deu porc, etc.
Tous les animaux domestiques et les objets usuels y passent avec les
défauts dont les noms fournissent des rimes plus ou moins riches. (Voir
P. CUZACQ — La naissance, le mariage et le décès — Paris, Champion, 1902,
p. 33.)
�— 189 —
Las castagnes que hèn béy,
L'esquilhot que hè mau. ,
Au birandòu ! au birandòu !
Lou qui n'en a pas qu'en bòu !
Si on ne donne rien, c'est un concert d'imprécations :
Bouheroc, bouheroc, bouheroc
Coum u esclop ! (')
Dans la plaine du Gave de Pau, la tradition est perdue. M. Batcave nous dit que le Piqueliôu a été supprimé à Orthez en 1874 par
l'autorité municipale. A Maslacq, tout a disparu aussi depuis
quelques années ; le cri des enfants différait à peine de celui
d'Orthez ou de Sauveterre :
Nadau ! Nadau !
Castagnes que eau !
Pique palhe, pique hé !
Las castagnes que hèn bé.
Si n'abét de reste,
Plegnat-m'en la beste ;
Si n'abét de trop,
Plegnat-m'en l'esclop !
Dans la partie du Béarn qui touche à la Gascogne, du côté de
Vie, on chantait ces vers légèrement réalistes :
Au gui roundèu !
Si m'en boulet da, hèt lèu !
et si on ne donnait rien :
Caguère, caguère mourtau
Dinqu'à Faute Nadau ! (')
Ces divers usages ne sont que des formes différentes d'une coutume répandue dans certaines provinces de l'ancienne France et
dont les folk-loristes ont noté le souvenir. Au gui l'an neuf l tel
aurait été le cri des Druides récoltant la plante sacrée sur le chêne
au début de l'année. Ce cri se serait perpétué et aurait dégénéré
en aguilleneuf, serait même devenu l'aguillounè gascon et le gui
roundèu ou birandòu béarnais. On a publié des travaux curieux
sur ces vieilles coutumes et leur origine gauloise, (3)
La Bouts de la Terre, n° du 15 Janvier 1911. Modes de Nadau.
Le Patriote des Pyrénées : Batalère du Talhur du 6 janvier 1905 ; La
Bouts de la Terre, loc. cit.
(1)
(2)
(3) NOËL HERVÉ, Les Noëls français, Paris, Champion, 1905, p. 53 ;
Aguilanneuf par l'abbé DULAC, Paris, Rouveyre et Blond ; L. DE SAINTMARTIN, La Guillounè, étude sur le Noël populaire en Gascogne, en France
et à l'étranger, Auch, 1892.
�— 190 Nous n'entrons pas dans ces graves questions. Restons en Béarn.
Que signifient ces cris et ces sortes d'incantations? Sans remonter
jusqu'aux Druides, je me contenterai de faire remarquer que la
croyance aux sorcières est restée fortement enracinée dans notre
Béarn et notre Gascogne et, durant cette nuit de Noël où l'on
célébrait la naissance d'un enfant divin, ces pousouères redoublaient de haine contre les pauvres humains et cherchaient tout
spécialement à pénétrer dans les maisons où se trouvaient des
nouveaux-nés afin de leur jeter des sorts. (*) Il y avait des mots
cabalistiques pour éloigner ces maudites : hiu! hau! a hum ! a
humailhes ! faisaient partie de ce vocabulaire magique ; à remarquer surtout l'invocation à la fumée qui avait dans les traditions
populaires la propriété d'éloigner tout esprit mauvais. (*)
Les cris des enfants avaient donc pour but de conjurer tout
maléfice, mais encore fallait-il se montrer accueillant et généreux,
car si on était parcimonieux, sarre-brouquet, les petits exorcistes,
au lieu de conjurer les mauvais sorts,les appelaient au contraire à
grands cris sur la tête des nouveaux-nés.
De ces coutumes à l'heure actuelle, il en existe encore des
vestiges, spécialement dans la région d'Oloron, mais le jour n'est
pas loin où tout cela ne sera plus qu'un souvenir. Mise à part la
question superstitieuse des sorts jetés au conjurés, il est certain
qu'il était expressif et touchant cet usage d'aller souhaiter la
bienvenue aux bébés roses qui ouvraient à peine leurs yeux à la
lumière. Noël, c'est la fête d'un Enfant divin, la fête des petits
par conséquent et il y avait pour les maisons comme un gage
de prospérité et de bonheur dans cette distribution de cadeaux qui
donnait chaud au cœur et faisait monter la joie aux yeux des
(1) J- F Bladé. — Contes populaires de la Gascogne, — Paris, Maisonneuve,
lgtj6, — tome II, p. 237, La nuit de Noël.
(2) Dans une édition d'un ouvrage fameux de SPRENGEL, intitulé Maliens
rnaleficarum, — (Lugduni, sumptibus Pétri Landry, MDXGVI,)
on trouve
en appendice un traite de Jean NIDER, Formicarium de malefwis et earum
prœstigiis ac deceptionibus, où l'on montre (p. 538) que la fumée de
certaines plantes chasse les mauvais esprits; l'auteur cite doctement Aristote
et renvoie à l'Histoire des animaux de ce philosophe. On trouve dans la
Cabale juive la même croyance par rapport à la vertu de la fumée pour
chasser les mauvais esprits. L'historien Josèphe (Antiquités judaïques,
liv. VIII. ch. 2) rapporte la guérisori de divers possédés obtenue en faisant
sentir au patient la racine d'une certaine plante et il attribue la découverte
de ce procédé au fameux roi Salomon, par qui juraient les magiciens du
moyen-âge.
�— 191 —
gamins de chez nous. Cet usage revêtait un caractère bien spécial
au Béarn. Ce n'était pas des gâteaux, des sucreries ou des Polichinelles que réclamaient nos petits gars : ce sont là jouets de
citadins, friandises d'estomacs délicats et fragiles ; pour eux ils
devaient mordre à belles dents dans les bonnes grosses pommes,
roses ou rousses, que la ménagère conservait précieusement sur
un lit de paille, ils devaient croquer comme des écureuils noix et
noisettes, mais surtout ils devaient se régaler des châtaignes rôties
— las iroles — mets de rigueur dans toute vraie veillée béarnaise
et plus spécialement dans celle de Noël.
On allumait un feu bien clair et on plaçait dans le foyer la
grosse bûche réservée pour cette circonstance, lou catsàu, qui
devait brûler toute la nuit et conserver le feu et la chaleur
jusqu'au retour de la messe de minuit. Dans la flamme vive qui
pétillait en jets d'étincelles, on plaçait lasartane, — la poêle trouée
à marrons, — et tandis que les iroles se préparaient, toute la
maisonnée faisait cercle autour de la vieille cheminée. C'était le
moment des rires joyeux, des contes gais ou tragiques qui faisaient
rêver ensuite les plus petits, des chants surtout, car ce n'est pas
en vain qu'on a appelé notre Béarn lou pèis de las cantes.
Cantém Nadàu, maynades,
Gantém Nadàu au cor déu hoec,
Minyém quauques castagnes
E bébiam bèt goutét !
II
LES AUTEURS DE NOELS
Les vieux chants populaires que la fête de Noël a inspirés s'appellent Nadàus. Il serait difficile de donner exactement la date de
la plupart de ces morceaux imprimés ou inédits que l'on trouve
en Béarn, encore plus d'en connaître l'origine et l'auteur. Nos
Noëls béarnais ne contiennent pas en général de ces termes archaïques ou de ces allusions historiques précises qui permettraient
de les situer dans une époque déterminée ou de les attribuer avec
certitude à tel poète. Pour quelques-uns, le timbre musical peut
�- 192 parfois donner une indication, mais si on était trop affirmatif sur
ce point, on pourrait facilement se tromper (').
La première manifestation de la littérature noélique que nous
puissions historiquement constater, en Béarn, nous la trouvons
dans les œuvres de Marguerite de Navarre,la sœur de François 1er,
la femme de notre Henri II d*Albret. Elle n'a rien composé dans
notre langue, mais si elle n'appartient pas directement à la littérature romane, comme elle est cependant une des gloires de notre
petite patrie, ses écrits offrent un intérêt tout spécial pour des
Béarnais. Outre VHeptaméron, Marguerite de Navarre a laissé de
très nombreuses poésies dont quelques-unes font l'objet d'un
recueil formé par un de ses poètes favoris, sous le titre de Marguerites de la Marguerite des princesses. On y trouve surtout des
« chansons spirituelles », œuvres d'inspiration religieuse. Ce qu'il
y a de plus caractéristique, ce sont ce qu'elle appelait elle-même
les « comédies », sortes de pastorales dans le genre des anciens
mystères; c'est en Béarn qu'elle les composa (s), durant les dix ou
douze dernières années de sa vie qu'elle passa en grande partie
sous notre ciel et ses historiens nous parlent de ces « momeries »,
pastorales 'et farces, qu'elle faisait jouer à Pau ou à Mont-deMarsan.
Trois de ces drames religieux intéressent la littérature noélique :
la Comédie de la Nativité de Jésus-Christ, la Comédie de l'adoration
des trois roys à Jésus-Christ et la Comédie des Innocents. Le premier
surtout est composé d'une série de Noëls en action qui ne manquent pas de charme et de pittoresque. Dans la Bergerie dont Marguerite a fait le morceau capital de son mystère de la Nativité,
elle a su abandonnner le style froid, recherché et subtil, que l'humaniste doublée d'une mystique trouvait facilement sous sa plume,
pour s'inspirer de la naïveté populaire et d'une grâce toute rustique. Durant ses nombreux voyages à Cauterets, à Sarrance, dans
la vallée d'Ossau, la reine de Navarre avait vu et entendu de près
les bergers béarnais et elle a pu les faire parler d'une manière
assez naturelle dans sa « comédie ».
(1) C'est ainsi que Lou Meste déus Anyous, Boylère ensa, Be-y aniran ta
Betharram sont vraisemblablement du XVIe siècle ou même plus anciens.
Car ils se chantent dans la tonalité grégorienne du 8e mode et sont par conséquent antérieurs à la tonalité de la musique moderne, en usage depuis le
XVIIe siècle seulement.
(2) A. LEFRANC. Les Idées religieuses de Marguerite de Navarre d'après
son œuvre poétique. (Bulletin de la Société du protestantisme français,
an. 1897),
�- 193 Leurs noms cependant n'ont guère la saveur du cru ; la manie
du grec qui était alors à la mode a dicté le choix du poète ; ils
s'appellent «Sophron», «Elpison», «Nephale», et les bergères :
« Philetine », « Cristilla » et «Dorothée». Us s'entretiennent de
leurs travaux :
Sophron : Le travail jour et nuict,
Que je prens, tant me nuict,
Qu'il me fault reposer.
Elpison : J'ay tant chassé le loup
Et couru ne sçay où,
Qu'icy me veux poser.
Philetine : Et mon petit agneau
Qui est né de nouveau,
Je garde en mes habitz.
Dorothée : J'ay tiré du laict gras,
Dont j'ay si mal au bras
Que j'en suis endormie.
Tout à coup les anges qui viennent de l'étable de Béthléem les
réveillent :
Réveillez-vous, pastoureaux.
Voicy le jour
Que Dieu montre en cas nouveaux
Son grand amour.
Les bergers manifestent leur étonnement, mais l'ange les rassure :
Ne craignez point, pasteurs.
Voicy, je vous annonce
Grande joye en vos cœurs,
Par charité semonce...
Avant de partir pour la crèche, les pasteurs échangent leurs
réflexions :
Philetine : Qui gardera le parc et les moutons.
Sophron : Ce sera Dieu, jamais plus n'en doutons ;
Il gardera bergères et bergers,
Brebis, moutons, de tous maux et dangers...
Cristilla : Tes petites et très humbles servantes,
Qui sont en foy encor adolescentes,
T'aymeront moult, contemplant ta beauté ;
Ton amour vaut plus qu'une royauté.
�— 194 —
Ils partent vers Bethléem et chantent en route :
Dansons, chantons, faisons rage,
Puis qu'avons grâce pour pardon,
Chantons Noël de bon courage,
Car nous avons Christ en pur don.
Sophron et Philetine : Portons à leur povre mesnage
De nos biens à grand abandon.
Dorothée : Je luy porterai mon frommage
Dans cette feiselle de jon.
Chantons Noël, etc.
Cristilla : Et moi ce grand pot de laictage,
Marie le trouvera bon.
Philetine : Je lui donray ma belle cage
Où est mon petit oisillon.
Chantons Noël, etc.
Elpison : Ce fagot aura pour chauffage,
Il fait froid en cette'saison.
Nephale : Mon flageolet pour son usage,
L'enfant en aymera le son.
Chantons Noël, etc.
Ils arrivent ainsi auprès de la grotte de la Nativité et apercevant Joseph, ils l'interpellent par un hòu ! bien béarnais :
Mais appelons cest homme que voilà
Pour nous ouvrir. Hau ! Monseigneur, holà !
Joseph hésite, se demande quels sont ces gens qui « dehors
font bruit », mais Marie le rassure et s'écrie :
Ouvrez-leur l'huys.
Ils entrent donc, posent à la Vierge des questions naïvement
réalistes et offrent leurs présents :
Philetine : Cest oyselet, qui n'est laid ne meschant
Aurez de moy, car il a plaisant chant.
Cristilla : Tenez ce laict, pour faire sa bouillie ;
Encore en ay, la chèvre n'est faillie.
Dorothée : Fourmage frais, dedens ceste feisselle,
Sera pour vous, transheureuse pucelle.
Nephale : Mon flageolet, s'il vous plaist de l'ouyr,
11 vous fera tout le cœur tresjouyr.
Elpison : De mon fagot aussi vous fais présent ;
Le feu vous est bien sain au temps présent.
Les bergères chantent : Pasteurs, menons trestous joye,
Et chantons bien hautement,
Car en quelque part que soye
Vivre Veux joyeusement,
�Les Pasteurs : Bergères, vierges et belles,
Nous devons chanter aussi,
Disans les bonnes nouvelles,
Qui nous ostent tout soucy.
Les bergers se retirent, rencontrent Satan qui entre vivement
en discussion théologique avec eux et le drame se termine par le
triomphe de Dieu et des anges dans la gloire.
L'œuvre de Marguerite de Navarre n'a pas eu d'influence sur
notre littérature noélique populaire. La reine de Navarre écrivait
pour les lettrés de la Renaissance et malgré l'intérêt qu'offre la
Bergerie que nous venons de citer, on est forcé de reconnaître que
ce genre manque d'originalité. Elles sont légion dans la littérature
de toutes nos provinces françaises les pastorales analogues où
bergers et personnages évangéliques sont mis en scène et ce que
l'on chante en Béarn dans ce genre ne diffère guère de ce que l'on
entend à travers le reste de la France. Mais à côté des Noëls français qui n'ont chez nous rien de spécial et d'original, nous trouvons
un certain nombre de compositions béarnaises qui offrent un
intérêt bien local et c'est de celles là que nous voulons surtout
parler.
La plupart des Noëls en béarnais sont anonymes. Quelque poète
populaire, quelque missionnaire lettré et zélé, comme il y en eût
en Béarn au xvii6 et au xvm° siècle, désireux de se faire mieux
comprendre du peuple et aussi d'imiter, pour le combattre, le
mode de prosélytisme par le chant en usage chez les Réformateurs, quelque bon curé amoureux de la vieille langue, tels
furent les auteurs inconnus de certains cantiques en béarnais
et surtout de plusieurs Noëls. Le premier document qui puisse
nous renseigner avec exactitude sur l'origine de quelques-uns de
nos líoêls est du xvme siècle : c'est un Recueil composé par un
archiprêtre de Lembeye, Messire Henri d'Andichon.
La famille d'Andichon était une des plus notables du Montanerez ; elle était depuis des siècles en possession de l'abbaye laïque
de Montaner et avait droit de patronage sur l'église St-Michel de
cette paroisse (')
Au commencement du xvnr3 siècle, Jean Jacques d'Andichon
acheta la domenjadure de Castaing d'Assat qui donnait droit
d'entrée aux Etats de Béarn et il fut reçu en effet dans ce Corps le
p.
(1) Abbé
128.
MARSEILLON.
Histoire du Montanérez. — Pau, Ribaut,
1877,
�— Í96 —
25 juin 1716
Vers la même époque, par suite d'un mariagé
avec une Demoiselle d'Abbadie, abbesse d'Artigueloutan, l'abbaye
laïque de ce nom vint s'ajouter aux biens des d'Andichon. En 1734,
le chef de la famille était noble Henry d'Andichon-Abbadie qui
fut reçu aux Etats, pour la terre d'Assat, le 11 mars de cette même
année (8). Il avait trois frères qui entrèrent dans les ordres : Jean,
qui fut archiprêtre de Montaner et qui mourut, vivement regretté
de tous, le 31 janvier 1765, à l'âge de 58 ans ; Henri, dont nous
allons parler plus longuement ; André, qui fut curé du MasGarnier, dans le diocèse de Toulouse, emprisonné comme prêtre
insermenté, durant la Terreur, et mourut dans les premières
années du xixe siècle (3).
Le poète Henri d'Andichon naquit en 1712. Il passa comme
vicaire à St-Martin de Pau, en Ì742, (•) fut curé d'Aucamville, dans
le diocèse de Toulouse, et revint en Béarn où il fut nommé à l'une
des plus importantes paroisses du diocèse de Lescar, à l'archiprêtré de Lembeye. Il hérita de son frère aîné, Henri, qui était mort
le 15 Juin 1768 et entra ainsi en possession des abbayes de
Montaner et d'Artigueloutan ; il fut reçu aux Etats de Béarn le
11 avril 1769 en qualité de domenger d'Assat (5). Il possédait en
outre un bénéfice dans le diocèse d'Agen, le prieuré de St-Martin
de Maucour. Il mourut à Lembeye, à l'âge de 65 ans, le21 Mai 1777,
et fut enseveli le lendemain « dans le cimetière, au pied de la
croix ».
Messire d'Andichon occupait une situation estimée dans la
petite noblesse. On connaît peu de détails sur sa vie ; on sait
cependant qu'à l'exemple des petits seigneurs de village de cette
(1) Archives département, des B. P., C. 758, f° 91.
(2) Ibid., G. 776, f» 35.
(3) Le 1er juillet 4793, les officiers municipaux d'Artigueloutan dénoncèrent
l'abbé André d'Andichon pour ses propos contre-révolutionnaires et ses
menaces d'attirer la grêle sur la commune. Il fut enfermé en 1793 dans la
maison de réclusion de Pau avec d'autres insermentés ; c'est de là qu'il
envoyait au Directoire du Département une pétition en vers, - ce qui prouve
que la verve poétique était dans le tempérament de la famille, — où il demandait la permission de sortir pour aller prendre les eaux, et terminer certaines alfaires pendantes avec ses créanciers II fut débouté de sa demande,
mais dut revenir à la charge, car un arrêté de la municipalité de Pau, du
14 pluviôse an in, accordait à l'abbé d'Andichon de quitter la maison de
léclusion et de se retirer à Artigueloutan.
(4) Archives communales de Pau, Etat-Civil, GG. 43, 44, 45.
' (5) Archives Départementales des Basses-Pyrénées, C. 805, f° 292.
�— 197 —
époque, il avait un goût très vif pour la chasse ('). Tandis qu'il
était curé de Lembeye, il lui prit même fantaisie d'établir un
appareil de son invention pour prendre les palombes au filet,
comme cela se pratique à St-Pé, près de Lourdes, ou au fond de la
vallée de Barétous On railla le pauvre chasseur, on lui prédit
l'insuccès, la ruine, on engagea même des paris contre lui ; piqué
au jeu, le curé s'entêta dans son dessein et finalement son système
de filet eut un plein succès. 11 voulut alors célébrer son triomphe
dans une sorte de poème en français qui fut imprimé (*) et qui a
été de nouveau publié, il y a quelques années, sous ce titre :
« La Chasse aux palombes par Messire Henri d'Andichon, curé archiprêtre de Lembeye, XVIIIesiècle. — Pau, Léon Ribaut, libraire-éditeur,
MDCCCLXXV» — (in oct. de 24 pages.)
Tout en exposant son invention et les résultats de ses coups de
filet, l'auteur se raconte beaucoup lui même, et cela nous permet
d'étudier son caractère. Il nous apparaît homme d'esprit, d'humeur
charmante, un tantinet caustique, ayant des lettres et des connais
sances très variées. 11 est plaisant de l'entendre blaguer ses contra
dicteurs et triompher de leurs critiques ; avec quelle verve il
raille les prudents, grippe-sous, avares fieffés, dont la graine foisonnait sur le sol peu fertile dcu péis déus Aubiscous :
L'un, sans rien dépenser craint toujours la dépense,
L'autre, aux dépens d'autrui, cherche à remplir sa panse ;
Celui-ci, peu discret, emprunte sans payer ;
Celui-là ne doit rien, rien ne peut l'effrayer.
(1) On trouvait fréquemment dans le clergé de cette époque des amateurs
de chasse. Les lettres de l'abbé Tristan, curé de Gan, nous renseignent
curieusement sur le haut clergé de Lescar au commencement du xvni0 siècle.
Un chanoine delà cathédrale et vicaire-général, M. l'abbé Levasseur, avait
perdu une main à la chasse. Ailleurs, il est question de l'archiprêtre de la
Chambre (c'était le curé de l'église St-Julien de Lescar) qui possédait d'excellents bassets et qui en avait prêté quelques-uns à un «gentilhomme distingué. » (Cf. V. LESPY, Un curé béarnais au xvnr siècle, — Pau, Ribaut, 1879,
tome I, p. 38 et 225.)
(2) M. LESPY qui est l'auteur d'une notice placée en tête de la réédition du
poème sur l.a Chasse aux Palombes, dit que d'après un manuscrit cette
œuvre « aurait été imprimée en 1753 » et il se demande » si réellement cette
impression a eu lieu ». On n'en connaît pas d'exemplaire, mais il est certain
que ce travail fut réellement imprimé par l'auteur. Dans l'Inventaire de la
maison des d'Andichon qui fut faite par les officiers municipaux de Montaner, le 29 ventôse, an II, on trouve les détails suivants :
« Dans le tiroir d'une armoire avons trouvé un crible rémply de petites
choses, savoir un pacquet de livres imprimés ayant pour tèze La Palomière
de Lembege, au nombre d'environ soixante dix quatre, plus un autre pacquet
de Noëls, Cantiques et Jubilés, au nombre de neuf pièces, etc. (Arch. dép,
des B.-P., Série révolutionnaire).
�— 198 —
Ce dernier sort nie plaît, c'est le mien, je l'admire :
C'est ce qui fait que j'ose et me chanter et rire ;
L'avare et l'indiscret m'ont toujours fait horreur.
Je n'ai qu'un peu de bien, je veux m'en faire honneur.
Bien que possédant plusieurs terres nobles et plusieurs bénéfices,
Henri d'Andichon paraît
n'avoir joui
que
de
revenus assez
modestes. Je me le figure volontiers l'air avenant et courtois,
grassouillet, frisant l'embonpoint, aimant les vieilles coutumes,
la vieille langue, les proverbes du cru, bref un vrai Béarnais de
bonne compagnie, — excellent
prêtre
d'ailleurs,
serviable et
aumônier. Ceci n'est pas inventé ; voici des vers qui justifient mes
dires :
On me blâme, on me plaint. Voit-on sur mon minois
Que chez moi l'embonpoint est réduit aux abois. ..
Et ailleurs :
Le proverbe paysan s'oppose à mon chagrin :
Dominus vobiscum n'est jamais mort de faim ;
Dans le champ du pasteur, s'il ne pleut, il arrose...
Et enfin avec une bonne pointe de malice :
On dira quelque jour : Qu'il est beau, qu'il est rare
De trouver un pasteur qui, bien loin d'être avare,
En homme généreux fait rouler son argent,
Pour réjouir le riche et nourrir l'indigent.
L'abbé d'Andichon n'aimait pas les airs moroses et compassés
dans la vie ordinaire. 11 ne les aimait pas non plus à l'église et je
gagerais qu'il eût fait sienne cette boutade « qu'un saint triste est
un triste saint ». Aussi, s'étant mis en devoir de recueillir et de
composer un certain nombre de cantiques et plus spécialement
des Noëls à l'usage des fidèles du Béarn, il s'appliqua à en bannir
tout ce qui pouvait engendrer l'ennui et la tristesse : Il fit imprimer son Recueil avec ce titre :
« NOELS CHOISIS,
corrigés, augmentés
et nouvellement composés sur les airs les plus agréables, les plus connus
et les plus en vogue dans la province de Béarn, par Henri d'Andichon, etc. ». L'auteur fait précéder son travail d'une curieuse
Préface où se lisent les considérations suivantes :
Mon dessein est de bannir des églises les pitoyables Noëls qu'on y
chante. On y voit non seulement des pauvretés, mais encore des hérésies...
Qu'on estime mon ouvrage ce qu'il vaut et rien au-delà. Ma fortune est
faite ;• je n'attends du public ni du bien ni de l'encens... Loin d'ici tout
chant lugubre et languissant. Les airs les plus gais m'ont paru les plus
convenables Que le pécheur se réjouisse, dit St-Léon, parce qu'il est invité
à recevoir le pardon de ses péchés... La diversité plaît ; chacun a son goût ;
�— 199 —
on veut sur ce point être satisfait ; on aura ici de quoi se satisfaire puisqu'on
aura l'agrément de chanter chacun de plusieurs Noëls sur sept à huit airs
différens, tels que je les indique. Ainsi, mon Noël des Sauts basques me fait
plus de plaisir que tout autre parce que l'air varie à chaque strophe ; il me
paraît convenable de le chanter pendant que le peuple vient à l'offrande.
C'est pour cette raison que comme bon patriote j'ai voulu faire présent à ma
patrie d'un cantique béarnais sur cet air si charmant : on le trouvera après
le Noël ou cantique du Magnificat, de même que les actes de la communion
que l'on peut chanter sur neuf airs différens ; je les ai composés en faveur
des bergers. »
Cette gaieté et cette liberté d'allures n'allaient pas sans choquer
certains puristes en littérature et certains esprits jansénistes en
religion. L'archiprêtre de Lembeye fut critiqué assez vivement,
mais il laissa dire, répondit avec verve et garda sa bonne humeur.
Nous trouvons un écho de ces incidents dans ces vers de sa
« Chasse aux palombes » :
Qu'on dise que je dois parler, écrire en prose,
Que c'est même une loi que mon état m'impose,
Que je dois composer sur un plus grave ton,
Qu'en vain je veux prétendre aux faveurs d'Apollon,
Qu'on ne voit dans mes vers ni cadence ni rime,
Ou, du moins, qu'à chacun il manque un coup de lime...
Je contente mon goût pour ma fade rimaille :
L'ampoule me déplaît, j'aime mieux être plat
Que d'entendre crier : ce rimeur est un fat !
Le rimeur n'aimait pas le genre solennel. Le musicien n'aimait
pas davantage les rythmes trop classiques ou trop endormants. La
préface du recueil des Noëls s'explique clairement sur ce point.
Une mélodie pastorale, une ritournelle des champs, une chanson
à la mode, pimpante et leste même, (1) comme elles l'étaient facilement dans ce xvme siècle, voilà la musique qui avait arrêté
l'attention du poète ; il avait tâché d'adapter des paroles à ces
(1) On fit même, dans ce XVIII0 siècle, frivole et irrévérencieux, des Noëls
satiriques qui étaient une parodie de nos chants religieux et dont la vogue
fut très grande à la cour et dans les salons de l'aristocratie. Même en Béarn,
nous en trouvons un exemple. Il a été signalé dans les fameux manuscrits de
Gratian de Laussat, — (Bulletin de la Société des Sciences, Lettres et Arts
de Pau, tome 37, p. 5, — Essai sur le Béarn pendant l'administration de
d'Etigny, par JEAN LAFOND), — et nous en possédons nous-même une copie
venue d'une autre origine. Nous croyons intéressant de signaler cette œuvre,
bien qu'il ne s'agisse ni d'un chant religieux ni d'un morceau de langue
béarnaise. Ce Noël commence par ces mots : Bu Dieu qui vient de naître et
se chante sur l'air : Tous les Bourgeois de Chartres etc. C'est une satire
mordante, pleine d'allusions et de sous-entendus, sur les Parlementaires
palois qui furent réintégrés, en 1775, dans leurs sièges dont ils avaient été
dépouillés, dix ans auparavant, à la suite d'une vive opposition aux édits
royaux.
�— 200 —
rustiques symphonies ou à ces airs populaires profanes. Les Noëls
choisis comprennent 53 pièces dont 49 en français et 6 en béarnais.
On pourrait faire toute une étude sur les chansons à la mode dans
le pays de Béarn, à l'époque de d'Andichon, rien qu'en examinant
les airs sur lesquels l'abbé veut qu'on chante ses Noëls.
C'était le moment de la grande vogue de Despourrin ; aussi l'air
de ses principales chansons devient-il celui de plusieurs Noëls :
Berouyine charmantine, Au mounde nou y a nat pastou, Roussignoulet
qui cantes, Dccap à tu souy Mariou, etc.. Des chansons populaires,
quelques-unes totalement oubliées aujourd'hui, fournissent la
mélodie d'un plus grand nombre: Lou mati dap joyeé lou hénteplé;
Jou-m counfessi, moun Père ; Besi, déns ta cabane ; Jan de Bigorre,
moun amie ; Ue hilhote que-y a au bourdalat ; Pétitine, bos ayma lou
Pelitou : Aygues cautes, aygues rédes, etc. Certaines romances amoureuses servent encore de thème musical : Cher objet de ma tendresse;
Toute la vie j'avais jugé l'amour une folie ; De mon berger volage, j'entends le flageolet ; L'amant frivole et volage ; L'amour n'est que tromperie, etc. Parmi les airs adoptés par d'Andichou nous voulons en
signaler deux qui offrent un intérêt plus original : d'abord les
«sauts basques» sur lesquels il a composé un Noël français,
L'éternel à tous nos maux sensible, et un Noël béarnais, Pi ou bos lèu
sourti de ta misère ; il nous avertit dans sa préface que c'est la
composition qu'il affectionnait le plus ; ensuite il a rimé deux
morceaux sur l'air de certains passages d'une vieille pastorale ou
tragédie d'Artigueloutan (') ; possesseur d'un fief dans ce village,
d'Andichon avait dû entendre fredonner autour de lui des morceaux de cette vieille pièce, et quand il a composé des Noëls, l'air
lui est revenu tout naturellement à la mémoire.
Les plus célèbres Noëls de d'Andichon sont : Celebrem lanéchense,
Qu'abet bist, troupe fidèle, Nou bos lèu sourti de ta misère, Les actes
avant la Communion, et surtout les deux dialogues, moitié en
français et moitié en béarnais, entre l'ange et les pasteurs : Chers
pasteurs que d'allégresse... Ey aquére la noubèle, et Un Dieu vous
(l)La « pastorale » ou « tragédie» est un genre spécial au Béarn et désigne
toute pièce, drame, comédie ou farce, jouée dans nos villages par les paysans.
Ces « pastorales » avaient un grand suecès, parce qu'elles étaient le plus souvent une satire piquante de mœurs et se permettaient librement des personnalités blessantes ; les Registres du Parlement sont remplis d'arrêtés défendant certaines de ces pièces dans une foule de localités béarnaises. La
« pastorale d'Artigueloutan » était en français et le thème devait être uni
sujet biblique ou tiré de l'histoire ancienne, si nous on jugeons par les premières paroles de deux chœurs sur lesquels d'Andichon veut qu'on chante
ses Noëls : Adieu donc, tyran Antioehus et JSiotre général vainqueur,
�- 201 appelle... Léchetn droumi. Tous ces morceaux sont en quelque sorte
classiques dans notre littérature noélique béarnaise et ont été
souvent publiés dans des recueils spéciaux ou dans les morceaux
choisis de nos compositions populaires. (')
A côté de d'Andichon, mais moins célèbre et moins fécond que
lui, nous devons placer l'abbé Michel Garet. Il naquit à Gan le
22 octobre 1809, fut ordonné prêtre le 1er juin 1833 et nommé
vicaire de Pontacq le 13 juillet suivant. 11 passa de là à la cure de
Mirepeix le 17 février 1836 et enfin fut envoyé comme curé-doyen
à Salies le 3 novembre 1839 où il mourut le 20 juillet 1864. (s)
Tandis qu'il était vicaire de Pontacq, il connut un poète béarnais
distingué, Vincent de Bataille, et c'est peut-être à son contact
qu'il s'éprit de sa langue maternelle et qu'il rima divers morceaux
qui le mettent en bonne place dans notre littérature locale. Lorsque, en 1854, parut la Bulle de Pie IX proclamant le dogme de
lTmmaculée-Conception
de la Vierge, quelques prêtres de
la
Compagnie de Saint-Sulpice conçurent l'idée de faire traduire ce
document dans toutes les langues ; ce travail fut effectué en effet
et envoyé à Borne en quatre cents langues et dialectes différents,
soigneusement enluminé et illustré de toutes les beautés décoratives ressuscitées des vieux manuscrits du moyen âge et de la
Benaissance. L'abbé Garet fit la traduction béarnaise, en collaboration avec son vicaire, l'abbé Labaig-Langlade, notre fin et délicat
poète, vice-président de l'Escole Gastou-Fébus ; chaque page fut
encadrée de fines vignettes par un jeune peintre salisien.
La plupart des œuvres de l'abbé Garet ont été publiées dans le
Mémorial des Pyrénées^) ; en 1849, parut une brochure sous ce
(1) Les Chansons et Airs populaires du Béarn recueillis par Fred. Rivarès, qui furent publiés en 1844 chez Vignancour, attribuent encore á d'Andichon Lou meste déus anyous et Haut, haut, Peyrot rebelhe-t. Ces mêmes
morceaux ont été mis depuis sur le compte de cet auteur dans divers
recueils, mais c'est, croyons-ï.ous, une erreur, car ces deux Noëls ne sont
nullement dans la manière de l'archiprêtre de Lembeye et paraissant remonter, comme texte et comme musique, à une époque bien antérieure au
xvine siècle.
|2) Mémorial des Pyrénées du mardi 26 juillet 4864.
(3) Le numéro du 9 décembre 1842 contient Gastou IV ait siedye de
Jérusalem ; celui du 18 septembre 1847 renferme La Campane et celui du
24 octobre 1847, Cantique à Ncuste-Dame de Bétharram. En 1843, une
brochure de 11 pages, parue chez Vignancour, publiait Gastou-Phébus y
Agnes de Nabarro et Lou jardi Biarnés. Lors de l'inauguration de la statue
d'Henri IV sur la place Royale, en 1843, diverses pièces de poésie furent
composées et l'une d'elles, intitulée Henri IV. est l'œuvre de l'abbé Garet.
L'Almanach du Bon Béarnais pour l'année 1897 a donné une chanson humoristique du même auteur : Lou Naz.
�— 202 —
titre : « Recueil de 25 cantiques dont 18 français et 7 béarnais à
l'usage des Ecoles et Congrégations. Paroles de MM. V. de Bataille et
l'abbé Garet. Musique très facile, à deux et trois voix, par H. Paravel
jeune, Pau, imprimerie et lithographie de E.
Vignancour,
1849 »
(in 8° de 48 pages de texte et 36 pages de musique). Les morceaux
béarnais sont de l'abbé (ïaret ; on y trouve divers cantiques à la
Vierge et des Noëls, comme : lie-y aniran ta Bélharram, Toustem
aymade Bierye sacradc, Adiu de l'esclabatye.
Voilà les anciens auteurs de Noëls béarnais que l'on connaît
avec certitude.
A
notre époque, il s'est manifesté parmi les
félibres un mouvement d'opinion en faveur de ces vieux cantiques.
Tous ceux qui s'intéressent à la décentralisation littéraire ont
compris que les noëls constituaient une des formes les plus
curieuses de la littérature populaire et ils ont tenté de ressusciter
ce vieux genre. Ce ne sont la plupart du temps que des pastiches
mais d'une touche si fine que nous nous en voudrions de les passer
sous silence.
En feuillelant l'œuvre de Navarrot, on trouve que la Muse folâtre
et court-vêtue du poète d'Oloron s'est assagie pour chanter l'enfant
de Bethléem (').
Mais c'est un Noël français que Navarrot a
composé. Nous avons mieux que cela, Les œuvres béarnaises de
Vincent de Bataille renferment un Noël, VAdouratiou dous pastous.
Dans sa première œuvre de jeunesse (!), le majorai Camélat a
inséré trois Cantas de Nadàu qui sont vraiment délicieuses : Ets
andyous ets Aulhès, Es Mayous è Aroda, Ets Aulhès à Betléem. Lou
Félibre de Barétons, toujours enflammé pour la tasque, a publié, en
1904, un Nadàu d'Arette qui commence par ces mots : Qu'ey badut
lou dibin enfant. (á)Dans les Reclams, l'abbé Daugé a fait paraître
A Betléem ('), noël plein d'esprit et de jolies tournures landaises.
Simin Palay qui sème partout les trésors de sa poésie, a composé
et fait chanter autrefois dans son pays natal deux gracieux Noëls,
mais il n'a gardé le souvenir précis que d'un seul : Pastourets de la
ribère sur l'air de Berouyine, charmantine. Nous trouvons dans
l'œuvre de Léo Lapeyre, une poésie inspirée par la fête de Noël :
(1)
p.
V.
LESPY.
Chansons de Xavier Navarrot. — Pau, Véronèse,
1868,
196.
(2) MIQUÈU DE CAMELAT.
1895, p. 91-98.
Et Piu-piu déra me laguta. — Tarbes, Lesca-
méla,
(3) Nadàu d'Arette, cantatper ïouprumè cop en nosle glèyse la noèyt de
Nadàu 1904. — Pau, Lescher-Moutoué.
(4) Reclams de Biarn é Gascougne, année 1901, p. 30.
�- 203 Gay, Gay, Nadau qu'é déchudat (1) et dans l'un des recueils de l'abbé
Labaig-Langlade, si En sahdan lou die qui-s Ihèbeau cèu de Pau (2)
n'est pas un morceau qu'on chante à l'église, c'est cependant un
spécimen charmant de littérature noélique. A nadau qu'y ha tourade est un noël d'inspiration émue, dans une langue très pure,
qu'un vieux missionnaire du fond de l'Afrique, E. Cazalis, a envoyé,
en 1898, à ses coreligionnaires de Bellocqp). Tous ces félibres
de la Renaissance béarnaise n'ont fait qu'imiter les anciens et
s'inspirer de la grâce naïve des vieux Noëls, mais ils peuvent
soutenir avantageusement la comparaison avec tous d'autes cops.
III
LES NOELS BÉARNAIS
La bibliographie des Noëls béarnais est assez abondante. Nombreux sont en effet les recueils où l'on a publié ces compositions
populaires. Il n'y a à cela rien d'étonnant, si l'on considère que
l'on chantait partout à l'époque de Noël et que le moindre oustàu
tenait à posséder le texte des cantiques. Ce n'étaient pas des
éditions luxueuses qu'on faisait imprimer ; le papier est mauvais,
le texte est fautif, l'orthographe béarnaise fantaisiste. Voici l'indication des recueils dont j'ai eu sous les yeux des exemplaires,
jaunis par le temps et enfumés par un long séjour sous le manteau des vieilles cheminées.
1. Noëls choisis, corrigés, augmentés et nouvellement composés sur
les airs les plus agréables, les plus connus et les plus en vogue dans la
province de Béarn, par Henri d'Andichon, ci-devant curé d'Aucamville,
diocèse de Toulouse et ensuite archiprêtre de Lembege, diocèse de Lescar,
prieur de St-Martinde Maucour, diocèse d'Agen. — A Toulouse, de l'Imprimerie d'FIenault, rue Tripières, près les Changes (in-16 de 96 p.) (*).
A Noste, — Orthez, Moulia et Grandperrin, 1900,
Reclams de Biam é Gascougne, année 1897, p. 12.
(2) J. LABAIG-LANGLADE. Briuletes esiarides dou me casau. — Pau, LescherMoutoué, 1901, p. 59.
(3) Reclams de Biarn ê Gascougne, année 1898, p. 110.
(4) Cette édition se trouve à la Bibliothèque de Pau. Elle a appartenu à
Aimée Julien et porte, au verso de la couverture, ces vers manuscrits, à tournure de madrigal :
Je ne promais point de largesse
A celui qui me trouvera.
Qu'il me raporte à ma maîtresse,
Pour .récompense jl la verra.
(1) LÉO LAPEYRE. —
p.
8 ;
�— 204 —
Autres éditions avec le même titre et le même format :
— A Toulouse, de l'imprimerie d'Augustin Renault, rue St-Rome.
— Toulouse de l'imprimerie de J. M. Corne, rue Pargaminières,
n» 84 ; 1826 (<).
2. Cantiques gascons à l'usatge dou puble de la campagne. Nabère
éditiou. A Pau, de l'Imprimerie de P. Véronése, MDCCCIY fin-12, de
140 pages) (•).
3. La fleur choisie des Noëls nouveaux français et gascons composés
à l'honneur de l'Incarnation de Jésus-Christ. — Se vend à Rayonne
chez Léon Martin Cluzeau, libraire marchand papetier, place Cathédrale, n° 13 ; 1824. —A Pau, de l'imprimerie Vignancour, imprimeur
du Roi (in-16 de 88 pages) (3).
4. La [leur choisie des Noëls nouveaux français et gascons compo(1) M. NOULET dans son Essai sur l'Histoire littéraire des patois du Midi
de la France au xvin» siècle (Paris, Maisonneuve, 1877), p. 168, signale une
autre édition de ces Noëls, parue à Pau, chez G. Dugué et J. Desbarats.
Cette publication dut être faite entre 1740 et 1766, car d'après L. Lacaze
(Les Imprimeurs et les libraires en Béarn) c'est dans cet intervalle d'années
que ces deux associés exercèrent leur métier à Pau. Quelques Noëls français
de d'Andichon ont été édités avec la musique et des accompagnements par le
ténor Pascal Lamazou, sous ce titre : ■ 20 Noëls français, composés sur des
airs béarnais et basques par Mess.ire Henry d'Andichon,... recueillis, chantés et publiés par Pascal Lamazou etc. ». — Paris, 1878, in-f de 42 pages.
Cette édition dédiée à Sa Grandeur Monseigneur Lavigerie, archevêque
d'Alger, est précédée d'une préface de l'abbé Puyol, alors professeur en Sorbonne et aumônier de Ste-Barbe. Le savant abbé fait remarquer le succès et
la faveur des cantiques composés par le noéliste béarnais ; quelques-uns,
dit-il, se glissèrent dans le recueil des cantiques de St-Sulpice et par là sont
universellement connus : (Venez divin Messie; Il est né le divin enfant ;
Bans cette étable ; Noël pour /.'amour de Marie). Pareil succès serait honorable pour l'archiprêtre béarnais, mais l'abbé Puyol s'est absolument mépris
au sujet de ces cantiques. Noël pour l'amour de Marie ne se trouve pas
dans le recueil de Noëls publié par d'Andichon lui-même ; il en est de
même pour II est né le divin enfant, qui est d'ailleurs un vieux Noël lorrain.
Dans cette étable a été composé par Fléchier, le célèbre prédicateur (16321710). Venez divin Messie est de l'abbé Pellegrin qui fit paraître une édition
de ses Noëls en 1711. L'abbé d'Andichon a connu ce recueil de l'abbé
Pellegrin et il s'en est largement inspiré. On pourrait, s'il en valait la peine,
établir bien des points de ressemblance entre les productions de ces deux
auteurs. Une autre affirmation est surprenante dans la préface de l'abbé
Puyol; il dit que d'Andichon fit imprimer ses Noëls en 1756. Toutes les
éditions anciennes de d'Andichon sont sans date et il est par conséquent
impossible d'établir en quelle année cette œuvre fut publiée pour la première
fois.
(2) M. Batcave indique une autre édition de ce recueil (Reclams de Biarn
e Gascougne, année 1907, p. 56), avec ce titre : Cantiques gascous à l'usatge
dou puble de la campagne, per lesMissious. Nabère éditiou. — Pau, Vignancour, 1818. Ces cantiques avaient encore été publiés à Mont-de-Marsan chez
la Ve Leclercq, en 1801.
(3) Une édition antérieure de cette brochure avait été faite à Bayonne, chez
Fauvet, en juin 1817. M. Batcave la signale dans son Esquisse d'une histoire
de la littérature béarnaise, p. 11.
�— 205 —
sés en l'honneur de l'Incarnation de Jésus-Christ et considérablement
augmentés. — Rayonne, imprimerie de Veuve Cluzeau, 1838 (in-12 de
96 pages).
5. Recueil de Noëls choisis sur les airs les plus agréables, les plus
connus et les plvs en vogue dans la province de Béarn par feu M. Henri
d'Andichon, etc., et autres ecclésiastiques. — Ragnères-de-Bigorre,
J.-M. Dossun, 1857 (in-12) CiCette édition contenait un plus grand nombre de Noëls que les
recueils originaux de d'Andichon ; l'ordre adopté dans la disposition des divers morceaux n'était plus le même. Ce volume a été
réimprimé, en 1876 chez L. Péré, puis en 1886, et de nouveau en
1894. Cette dernière édition porte pour titre :
6. Recueil de Noëls choisis sur les airs les plus agréables et les plus
connus composés autrefois par M. Henri d'Andichon, archiprêtre de
Lembeye. Nouvelle édition reme et corrigée par plusieurs ecclésiastiques. — Ragnères-de-Bigorre, Imprimerie de D. L. Péré, place de
Strasbourg, 1894 (in 16 de 100 pages).
7. Noëls français, béarnais et basques. — Pau, Imprimerie et lithographie de E. Vignancour, Novembre 1865 (in 16 de 94 pages).
Ce même recueil fut réimprimé avec l'indication suivante :
8. Noëls français, béarnais et basques. — Pau, P. Chirou, éditeur,
1868.
C'étaient les mêmes Noëls, avec le même format et le même
papier. Seulement cette seconde édition fut faite par l'imprimerie
Vignancour pour le compte de la maison de commerce Chirou, de
Pau. A une époque où par le moyen du colportage cette maison
traitait beaucoup d'affaires avec les campagnes, l'idée vint à
M. Chirou de publier un recueil de Noëls et un almanach ; ces
publications eurent une très grande diffusion. Une troisième édition des Noëls fut faite en 1876. Elle avait pour titre :
9. Noëls français, béarnais et basques. Troisième édition, l'au, P.
Chirou, éditeur, P. Trey, successeur, Octobre 1876 ; (au revers) Pau,
Imprimerie Vignancour, F. Lalhengue.
Dans les éditions suivantes les Noëls basques ont été supprimés.
Nous connaissons la 12e édition imprimée chez Tonnet, à Pau, et
la treizième, actuellement dans le commerce, imprimée à Dax,
chez Pouyfaucon, et qui porte les indications suivantes :
(1) Cette édition est signalée par M. Noulet dans son Essai sur l'Histoire
des patois du Midi de la France au X VIIJ' siècle.
�— 206 —
10. Noëls français et béarnais, Treizième édition. — Pau Vve P.
Trey, éditeur, successeur de P. Chirou (in-16 de 64 pages).
11. L'élite des bons Noëls nouveaux, corrigés et nouvellement composés pour la gloire de Dieu et à l'honneur de la Sainte Incarnation de
N. S. J. C, sur les airs les plus connus. A Mont-de-Marsan, chez R.
Leclercq, imprimeur de la Préfecture (in-16 de 143 pages).
12. Choix de Noëls anciens et nouveaux, français et béarnais, composés en l'honneur de Notre Seigneur Jésus-Christ, Nouvelle édition, —
Bayonne, Imprimerie Lamaignère, rue Chegaray, 39 (in-16 de 64
pages).
13. Recueil de 39 Noëls, français et gascons. —Bayonne, Imprimerie
et librairie Lasserre, rue Gambetta. 20, 1887 (in-16 de 88 pages).
14. Noëls béarnais et français, populaires dans les Pyrénées, avec
accompagnement de piano, recueillis et publiés par P. Barricades, directeur de l'école primaire de Pau. Texte. — Pau, Imprimerie et lithographie Ve Vignancour, 1874 (in-8° de 78 pages).
La partie musicale de ce recueil porte sur la couverture illustrée :
Noëls béarnais et français, populaires dans les Pyrénées, avec accompagnement de piano par MM. R. Baillot, P. Casamitjana, P. Chabeaux,
L. Czerniewski, A. Daries, E, Durand, J. Dusautoy, A. Larriu, Em.
de Lescazes, G. Mathias, A. M invielle, Raphaël de Pantis, A. Van den
Heuvel, recueillis et publiés par P. Darricades, directeur de l'école primaire de Pau (in 4° de 32 pages).
15. Recueil de 25 cantiques, dont 18 français et sept béarnais, à
l'usage des Ecoles et Congrégations. Paroles de MM. V. de Bataille et
l'abbé Garet. Musique très facile à deux et troix voix, par H. Paravel
jeune. — Pau, Imprimerie et lithographie de E. Vignancour, 1849.
(in-8° de 48 pages de texte et 36 pages de musique).
16. Cantiques bëarnés, coumpousats per lous Pères Benedictis, de
l'abbadie de Nouste Dame de Beth loc, y séguits per lous mey beroys
Nadaus béarnét y gascous d'au'escops.
En bente à l'abbadie de Nouste-Dame de Beth-loc, à Urt (en BâchesPyrénées) U. J. 0. G. D. 1891. — Emprimat à Bayoune, enso de
Lamaignère, Rue Yacques Laffitte, 9. (in-16 de 64 pages.)
Les mêmes Noëls béarnais se retrouvent dans ces diverses
éditions. Ces recueils se sont copiés les uns les autres ; aucun
cependant ne nous donne la collection complète de ces compositions en notre langue. Tantôt ils retranchent quelques morceaux
des recueils précédents, tantôt ils ajoutent une pièce inédite. En
compilant tout ce qui a été imprimé en fait de Noëls béarnais
�— 207 —
nous arrivons au chiffre de 27, et encore tout ces morceaux ne
sont-ils pas exclusivement composés dans le dialecte du Béarn.
Ainsi Rebelhat-bous mainade (V, Yan lou mé, Ihebats bous, —
L'homi per lou démoun troumpat, — Pasteurs, partits, on bous apère,
— Adam per soun offense sont d'origine gasconne. Toustém aymade,
Bierye saerade, — Be-y aniram ta Retharram
bien que publiés
dans les recueils de Noëls, sont plutôt des chants à N.-D. de
Betharram ou un cantique de route pour les pèlerins qui se rendent
à ce sanctuaire béarnais. Jou crey que lou corps adourable n'est
autre chose que le chant des Actes avant et après la communion.
Voici la liste des Noëls imprimés ;
1. Rebelhat-bous, maynade.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
14.
15.
Chers pasteurs que d'allégresse... Ey aquére la noubèle.
Un Pieu vous appelle... Lèchem droumi.
Célébrem la néchense.
Qu'abét bist troupe fidèle.
Nou bos lèu sourti de tamisère.
Jou crey que lou corps adourable.
Lou Méste déus Anyous.
Réveillez-vous, bergers... Qui ey aquiu ?
Boy 1ère ensa, brabes pastous.
Yan lou mé, Ihebats-bous.
Nou hasiam plus aci Péethem.
Haut, Ihebats-bous pastous.
Haut, haut, Peyrot, rebelhe-t.
Toustem aymade, Rierye saerade.
(1) C'est un des plus anciens Noëls gascons que l'on connaisse. M. Lavergne, dans la Revue de Gascogne (année 1894, p. 475), le signale dans un
vieux manuscrit de 1596. Il a été souvent publié dans des Recueils spéciaux^
en dehors de notre Gascogne par exemple, à Orléans et à Bordeaux. Eta
Bouts déra Mountanho (n° de décembre 1909) le cite d'après une édition
bordelaise de 1844. Ce Noël est très curieux au point de vue de la langue et de
certains détails de mœurs, naïfs et rustiques. Nous pourrions trouver dans
nos plus jolis Noëls purement béarnais plus d'un trait manifestement
emprunté au Noël gascon, ce qui prouve l'influence qu'il a eu sur nos
compositions noéliques. L'imagination populaire, peu inventive d'ordinaire,
a simplement copié ou à peine transformé les détails les plus pittoresqnes du
Noël gascon.
(2) Il y a deux cantiques à N.-D. de Bétharram qui commencent par les
mêmes mots; l'un très ancien était chanté par ceux qui allaient en dévotion
à ce sanctuaire et il débutait ainsi : Be-y aniram, be-y aniram, Deboutamen
ta Betharram (Voir MENJOULET, Chronique de Bétharram. Oloron, 1859,
page 202) ; l'autre composé par l'abbé Garet, commence par les mêmes
paroles, comme sous forme de citation : « Be-y \aniram ta Bétharram... »
Taù s'enfen per la ribère, etc.
�— 208 —
16.
17.
18.
19.
20.
21.
22.
23.
24.
25.
26.
27.
Adiu de l'esclabatye.
You audi lous pastous déns la prade.
L'Adbent qu'ey arribat.
L'homi per lou demoun troumpat.
Pasteurs, partits, on bous apère.
Adam, per soun offense.
Qu'ey mieye-noeyt ! Chrestias, a pareille hore.
Lou tems de la misère.
Lou boun Diu laudat sie.
Lou Diu déu cèu e de la terre.
Be-y aniram, be-y aniram, deboutamen ta Betharram.
Be-y aniram... Tau s'enten per la ribere.
Un grand nombre de nos Noëls, — et ce ne sont pas les moins
curieux, — n'ont jamais été publiés.
Voici les titres de ceux que nous avons pu recueillir :
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
9.
10.
11.
12.
13.
Audit nou s'y a jamey tau bouts.
De graci meste de l'oustau (1).
Au tems oun lous pastous cantaben.
Aulhès ! Moun Diu, quin gran hourbari^).
Nou, n'ey pas nade fable.
Anoeyt qu'ey badut Nadau (3).
Déu lugra la luts tan clare.
Sén Yausèp lou payre.
Noeyt de salut.
L'anyou qu'a dit Nadau.
0 pastous, quins beroys councerts.
Déu cèu las clarines.
A mieye-noeyt, estounante merbelhei*).
(1) Ces deux Noëls ont été communiqués par le P. Mignou, Lazariste, aux
Etudes historiques et religieuses du Diocèse o'e Bayonne, aanée 1902, p. 530.
(2) Les n"s 3 et 4 avaient été recueillis dans la vallée d Ossau par l'abbé
J.-B. Béziade, d'Izeste, mort curé d'Aas-Assouste en 1907.
(3) Les no* 5 et 6 m'ont été envoyés par Miquèu de Cami lat. Anoeyt qu'ey
badut Nadau est un Noël répandu dans toute la Gascogne. L. Couture en
avait recueilli une version à Lectoure et l'avait publiée dans i'Armanac de la
Gascougno de 1898. Ce morceau a été encore imprimé avec de légères variantes venant du Magnoac et de la vallée d'Aure dans Era bouts déra mountanho de 1909 (nu de décembre).
(4) Les n°s 7 à 13 avaient été copiés et soigneusement notés par le P.
Abbadie, de Bétharram, il y a environ 30 ans, dans la vallée d'Ossau dont il
est originarie. C'est avec une rare amabilité, dont je ne saurais assez le remercier, qu'il m'a permis de prendre connaissance de ses trouvailles inédites,
�— 209 —
Enfin voici les Noëls composés par les poètes de la Renaissance
béarnaise : (')
1. Nadau d'Arette (Peliisson).
2. L'adouratiou déus pastous (Vincent de Bataille).
3. Pastourets de la ribère (S. Palay).
4. Aulhès déras planes é déts ahourès (M. de Camelat).
5. Es très arreys que y-èm partits
(id.)
6. Droum, droum sus ét palhou
(id.)
Toute cette littérature noélique ofïre un caractère bien spécial
au Béarn, présente une physionomie originale conforme au génie
et aux mœurs de la race.
Le poète d'Andichon nous dit qu'il avait composé ses meilleurs
Noëls « en faveur des bergers ». Les auteurs anonymes de la plupart de nos Noëls auraient pu faire la même réflexion. Gomme
dans le récit évangélique de la Nativité, ce sont les pasteurs gardant les troupeaux dans la campagne qui reçoivent les premiers
la bonne nouvelle et qui sont les premiers adorateurs de l'enfant
divin, il était tout naturel que, par une facile association d'idées,
nos auteurs de Noëls songeassent aux bergers de chez nous. Dans
un pays presque exclusivement pastoral comme le nôtre, ïa scène
de l'adoration des bergers était facilement comprise et il ne fallait
faire aucune violence à l'esprit de la tradition pour conduire des
bergers Ossalois à la crèche et les substituer aux pasteurs de la
plaine de Bethléem ; il n'y a que l'histoire austère et l'érudition à
lunettes qui puissent souffrir de cet anachronisme, mais c'est tout
profit pour la poésie et le pittoresque.
Dans la vieille cathédrale de Sainte-Marie d'Oloron, on peut
voir, à l'époque de Noël, une antique crèche dont les personnages
en bois sculpté et peint évoquent curieusement une scène d'autrefois. Autour de l'enfant Jésus, c'est une théorie de bergers, de
femmes du peuple, de marquis à la perruque en catogan qui se
groupent et qui se pressent. Mais les bergers ossalois surtout
frappent l'attention, avec leur costume original, sabots ronds,
guêtres blanches, veste rouge et longs cheveux. (')
L'artiste béarnais inconnu qui a sculpté cette œuvre naïve ne
s'est guère soucié de faire une reconstitution historique ; pour lui
les bergers de la crèche étaient des bergers d'Ossau. Les auteurs
(1) Nous ne citons que les œuvres des poètes plus spécialement béarnais
et destinées à être chantées dans nos églises.
(2) La dernière édition du livret-guide Pau, Béarn, Pyrénées, publié par
le Syndicat d'Initiative de Pau, donne (p. 79) la reproduction d'une partie de
cette crèche.
�— 210 —
de Noëls béarnais ont usé de la même liberté, ils ont fait tout
simplement parler et agir les bergers ossalois, mais avec une
intensité de vie vraiment remarquable. En rapprochant nos Noëls
les uns des autres, en les combinant, on peut trouver comme un
enchaînement logique de scènes vécues ; c'est un vrai drame, une
vraie pastorale béarnaise, pleine de mouvement et de saveur, que
l'on peut reconstituer f ).
(1) Cette reconstitution d'un drame de Noël est purement artificielle.
Cénac-Moncaut, dans son ouvrage : Littérature populaire de la Gascogne,
Paris, Dentu, 1868, p. 255-275, donne un Mystère de la Nativité qui aurait
été joué autrefois dans les églises de la Haute-Gascogne, de la Bigorre et
dans quelques parties du Béarn. Voici, d'après lui, les grandes lignes de ce
drame sacré : deux personnages, représentant Marie et Joseph à leur arrivée
à Bethléem, entrent dans l'église et s'avancent vers le sanctuaire ; un enfant
de chœur en surplis, figurant un ange, est élevé vers la voûte au moyen de
poulies et appelle les bergers ; ceux-ci, revêtus de leurs capes blanches,
répondent de la tribune ; les uns sont sceptiques à l'appel céleste, les autres
l'écoutent et finalement tous, repentants et soumis, descendent de la tribune
et se rendent sous le porche ; de là, à travers la porte fermée, un dialogue
s'échange avec St-Joseph ; celui-ci se refuse d'abord à leur ouvrir et il faut
qu'un ange intervienne pour triompher de ses scrupules ; la porte de l'église
s'ouvre et les bergers s'agenouillent devant la crèche et adorent ; puis vient
le tour des bergères, représentées par un chœur de jeunes filles, et enfin les
Mages eux-mêmes se hâtent d'offrir leurs présents.
Cénac M-oncaut place l'origine de ce drame lyrique vers l'an 1000, alors,
dit-il, que « les pèlerins revenant de Terre-Sainte jouaient sur les places
publiques et dans les églises des scènes chantées et versifiées de la vie de
Jésus-Christ ». Il remarque que la pastorale a dû recevoir, en traversant les
siècles, de nombreuses additions, de considérables changements ; la simplicité, la naïveté du chant des bergers prouveraient que cette partie de l'œuvre
est de la première origine ; puis, d'âge en âge, d'autres metteurs en scène y
auraient ajouté de nouveaux épisodes : l'acte des Rois Mages serait du
xvr* siècle et la gracieuse scène des bergères du xviir8 ; c'est l'opinion que
Cénac-Moncaut croit pouvoir émettre d'après l'analyse et le caractère de la
musique et de la poésie.
Comme Cénac-Moncaut ne cite nullement ses sources et qu'il appartient à
cette école d'historiens qui ont fait souvent des résurrections du passé avec
leur imagination, autant qu'avec les documents et une sérieuse critique,
nous ne croyons guère à l'existence de ce mystère de Noël, analogue aux
fameux drames sacrés du moyen-âge et aux pastorales dialoguées du
xvue siècle. C'était d'ailleurs l'opinion du savant J. F. BLADÉ (Poésies populaires de la Gascogne, tome r, p. 159) qui ne voyait dans le prétendu
mystère de Cénac-Moncaut « qu'un mélange de fragments de Noëls français
et patois, agencés en petit drame par quelque curé de village. » JULIEN
TIEBSOT lui-même, (Histoire de la Chanson populaire en France, — Paris,
Plon-Nourrit, 1889, p. 242), qui cite notre mystère gascon, a bien l'air d'être
de l'avis de Bladé. Qu'exceptionnellement, dans certaines circonstances, on
ait comme mis en action certains de nos Noëls et exécuté ainsi dans l'église
une manière de mystère, il n'y aurait rien d'étonnant. S. Palay nous assure
qu'il en était ainsi il y a quelques années encore dans certaines églises de la
Bigorre. L'abbé MÉDAN (Revue de Gascogne, année 1911, p. 210), nous cite
diverses localités de l'Armagnac où des pastorales de ce genre sont encore
représentées. Mais il y a loin de ces faits isolés à une coutume générale. Ces
pastorales de Noël sont des compositions factices, artificielles, des potspourris dus à la fantaisie de quelque amateur, mais non des drames vraiment
populaires et traditionnels, composés dans un but de représentation sacrée,
avec une mise en scène à peu près uniforme.
�— 211 L*enfant Jésus est né dans la pauvre étable de Bethléem. On
suppose la désolation de St-Joseph qui ne peut pas offrir un abri
meilleur au Fils de Dieu :
Sén Yausép lou payre
Que n'ère fort estounat
De s'enbéde tan praube
En aquet estât,
De béde Marie qu'abè enfantât
Dehens ue estable
Oun ère tout desteulat.
C'est au ciel, parmi les anges, que se manifestent les premiers
chants d'enthousiasme :
Déu cèu las clarines
Qu'anounçen Maytines
Près déu rey badut.
Tout de suite les messagers célestes se mettent en mouvement
pour réveiller les mortels et leur annoncer la bonne nouvelle :
Lous anyoulous, à l'argentade aléte
Aus pastous lous permès éts que l'an anounçat.
Un grand cri a retenti dans toutes les vallées : Aulhès ! ! Quel
bruit ! quel mouvement ! les habitants réveillés en sursaut,
cherchent la cause du vacarme :
Moun Diu, quin gran hourbari !
De pou qu'en souy tout mèc ;
Ey quauque calhabari,
Ou Ihèu criden à hoec?
L'on va, l'on vient, l'on demande le sujet de ce cri répété :
Aulhès !!...
— « Yan, puye sus u casse,
(Qu'ès tilhous, esbérit,)
Espie so qui-s passe,
Perque y a ta gran crit? »
Yan monte comme un écureuil et fait part de ce qu'il voit :
Sus la borde crebade,
Lusech u bèt lugra,
En cantan soun aubade
Que bey cadu que-y ba.
Au cuyalas hère d'alegrie ;
Audéch flabutes é tambouri !
Dus anyous soun en bie,
You créy, decap açi.
�- 212 Les anges arrivent en effet et réveillent tout le monde, bergers
et bourgeois :
Haut ! Prou droumit qu'abét, bouryés,
Lou temps qu'ey cla, la luts parech,
Haut ! Lhebat-pe, sabiet ensa !
Parmi les messagers célèstes, l'archange Gabriel paraît le plus
actif, le plus affairé :
U metssatyè, biengut déu cèu
Aperat l'archanyou Gabrièu,
Qu'a dit : « Lèu, Lèu !
Anat béde lou maynadye
Qui èy dou cèu »,
Le spectacle est curieux :
Dap l'anyou se prouséyen
Lous pastous estounats.
Les uns se laissent immédiatement convaincre et répondent à
l'appel céleste :
— «En p'at prégan, anyou dou cèu,
Enstruiset-se, digat-se lèu
Qu'ey so qu'annouce aquet lugra ?
Les anges donnent minutieusement toutes les indications :
— « Anoueyt qu'ey badut Nadau
Hens u pla poulit oustau,
Hens ue crampe tapissade
De palhe...
Hens ue estable tout curtet,
Que trouberat u maynadet ;
Aquet lugra que p'y ba mia. »
D'autres bergers sont moins faciles à entraîner ; l'ange insiste,
se fait aimable, pressant, mais le berger reste impassible et
répond par des monosyllabes goguenards et grognons. Le dialogue
est curieux :
— « Réveillez-vous, bergers,
. Voici qu'on vous appelle ».
— « Qui ey aquiu ? »
— « Je suis le messager
D'une bonne nouvelle ».
— « Qu'ey a de nabèt ? »
Cela se continue ainsi pendant plusieurs couplets, jusqu'à ce
que le berger, enfin gagné, s'écrie allègrement :
— « E dounc, haut, partim !,.. »
�- 213 Mais aussi pourquoi cet ange s'avise-t-il de parler français ?
C'est très distingué d'être un ange franciman, mais nous sommes
volontiers soupçonneux à l'égard de ceux qui n'ont pas l'accent de
chez nous, — fussent-ils des anges. Quand ces messagers de Noël
ont parlé béarnais, on les a compris et suivis immédiatement;
quand ils s'expriment en français, il faut qu'ils se livrent à de
longues dissertations; la conviction est longue à créer. Le dialogue
qui s'échange confine à la dispute :
— « Un Dieu vous appelle,
Levez-vous pasteurs,
Courez avec zèle,
Vers votre Sauveur, »
fait l'ange d'une voix douce et caressante. Le berger, roulé bien
chaudement dans sa cape de laine, ne va pas se déranger pour
cet étranger qui n'a pas l'accent de Gascogne ; il répond avec
humeur :
— « Lèche-m droumi,
Nou-m biengues troubla la cerbèle ;
Tire en daban, sèg toun cami
»
— « Rendez-vous aux charmes
De ce Rédempteur
»
— « You-m bau lheba,
E si t'en bantes, crouts de palhe !
Que t'en pouyras pla mau trouba
»
L'ange insiste tellement que le pasteur enfin se lève, se frotte
les yeux et ébloui par le spectacle dont il est le témoin, se décide
à gagner Bethléem :
— « You bau sauta, bau courre biste. »
Les bergers s'en vont en toute hâte, se répétant entre-eux la
grande nouvelle :
— « 0 pastous quins beroys councerts
Jou ey entenut au pun déu die !
Lous anjous à trubès lous èrs
Que disèu que lou Messie,
Déns ue estable à mieye-noeyt
Et qu'ey badut chens hoec ni lheyt. ...
Aném, touts amasse,
A trubès la glace,
Bede u Diu badut
»
�— 214 —
Et tout en marchant ils échangent des propos divers :
— « Soubiénem-se que s'an cantat
Qu'aquiu troubarém u goujat
Dehéns quauques panèts troussât
— « Abancem é doublém lou pas ;
A la fabou d'acets lugras
B'esbiteram touts lous hangas. »
»
En passant près d'une cabane, ils appellent un de leurs camarades
encore endormi :
— « Haut! haut ! Peyrot, rebe!he-t,
Bos audi lou bèt sou ;
Qu'ey so qui t'assoumelhe ?... »
Et Peyrot de s'exécuter :
— « Quittém nouste yace
E seguim la trace
De tan de pastous ;
Léchém las aulhetes,
Préném las musettes,
E courrém j'y touts. »
Un peu plus loin nos voyageurs rencontrent un groupe de
bergers qui n'ont pas entendu l'appel de l'ange. Ces derniers,
voyant passer cette troupe si affairée, lui font signe de s'arrêter et
de fraterniser avec eux ; c'est une caractéristique de l'hospitalité
béarnaise :
— • Boylère ensa, brabes pastous ;
La pêcheuse qu'ey aci grasse ;
Hèts-y passa bostes moutous,
Que-us y haram touts pèche amasse... »
Ah bien oui ! ils ont d'autres préoccupations ; ils ont appris que
le Fils de Dieu est né à Bethléem et que-u banamucha la care.
Les Pasteurs qui ont fait les premières avances ne comprennent
guère cet accès d'enthousiasme et c'est sur un ton assez placide
qu'ils manifestent le désir d'être plus instruits de cet événement :
— (f Coentats-pe dounc, courrets, anat,
Seguit lou lugra qui p'attire,
Mes quoan ayat bist lou gouyat,
Si bous plats, tournats-p'en detire. »
Les premiers bergers se remettent en route en effet et leur fiëre
allure est dépeinte, avec vie et mouvement, dans ces quatre vers :
Bé marchen, tè, tè, Nicolas,
Goère cadu quia s'amanéye :
Be semble, tan double lou pas,
Que bèt gran bén que-us s'encarreye !
�— 215 —
Ils font en effet grand tapage, et on les entend dans un sentier
pierreux de la montagne, dévalant à grand pas, faisant rouler les
cailloux sous leurs sabots ronds :
Touts lous pastous
Cabbat las mountagnes,
Y dap lous esclops
Qu'en fasen clic, clac cloc
Clic, clac, cloc, clic, clac, cloc
Qu'en fasen clic, clac, cloc. (1)
Quand ils se trouvent sur un chemin plus uni, ils chantent une
sorte de marche cadencée, une hymne curieuse à la nuit de la
Nativité :
Noeyt de salut
Be n'ès dounc tu proubedide
De luts é de splendou !
Au rey badut
Tout que preste l'audide
Y que da l'esclaride
Ta lauda sa Grandou :
Lou lugra ta marcha,
L'anjoulou, lou pastou,
La musete, la cantéte,
Lou bèt sou tau Segnou,
A nous auts la pats
Pe-us noustes pecats,
Y a Diu l'aunou
Per lou Saubadou.
Les bergers approchent de l'étable et reconnaissent
d'après la description que l'ange leur en avait faite :
lieu
— «Be-ns apressam, ben-ns apressam,
Bé j'èm, bé j'èm ; hilhots, entram ;
Goarat aquét maynat nabèt
En ue estable, au loc d'u bèt castèt,
Goardat per l'ayne é lou bétèt ».
Les voilà arrivés. Ils frappent à la porte disjointe et le dialogue
le plus original s'engage avec St-Joseph :
— « De graci meste de l'oustau,
Qui prenets soegn d'u Diu maynatye,
Hèt se lèu ourbi lou pourtau
Ta que pousquiam rende*u oumatye ».
(1) La musique fait ressortir parfaitement ce mouvement et ce bruit de
sabots. Ce Noël se chantait à Bielle, jusqu'en 1850, avec accompagnement de
sabots sur les dalles et sur le plancher sonore de la tribune de l'église.
�Ces voix étrangères ne disent rien de bon à St-Joseph ; il craint
un piège et répond de l'intérieur :
— « Brigue you nou sèy qui èts bous auts ;
Pla pòu qu'éy que siat yens de guerre... »
Les bergers. — « Meste, abans de-ns da aquet tort
Aumén audit-se per l'arquère ;
Sabiet léye lou passeport,
Per l'anyou dat nou-y a pas hère ».
St-Joseph. — «Amies, que p'adressats plamau,
Enta p'en ha ha la lecture,
You souy u praube mestiérau
Qui nou counech cap d'escriture ».
La solution se ferait longtemps attendre peut-être si un ange
n'intervenait et ne triomphait des hésitations de St-Joseph :
— « Ouvrez, Joseph, en sûreté,
Souffrez que l'on vous félicite,
Laissez entrer en liberté
Les anges qui sont à ma suite ».
St-Joseph ouvre en effet et les braves bergers s'agenouillent et
adorent :
— « Diu ! dehens la palhe escounut !
Maynat, siat lou pla biengut !
Nous que p'en pregam tendremen
Que prenguiat amistousamen
Lou nouste petit coumplimén...
Hillot de Diu aymable,
Recebet nouste cô...
Cantém dab allégrie,
A l'aunou dèu Messie,
Nadaù au Saubadou ! »
C'est d'une manière bien vivante que nos bergers béarnais ont été
mis en scène dans les vieux Noëls.
Nous reconnaissons tous les personnages de ces petits drames :
Yan, Peyrot, Yanoulet, Guilhem, Arnaud, Yausepou, Yantin, ce sont
là de vieux bergers de Laruns, de Bedous, ou d'Arette que nous
avons rencontrés souvent au milieu de leurs troupeaux dans les
pâturages ou le long des chemins ombreux de chez nous. Voyez
leurs vêtements : la cape, la pètek, lou debantau, lous esclops ; c'est
le costume du Béarn ; rien ne leur manque, pas même lou clarou,
la flabute e lou tambouri. Quelles sont les constellations qui leur
�- 217 —
sont familières : lou lugra, la clouquéte, lous bastous ? Et les langes
de l'enfant :j
De moucadous e de liguetes
Que-u n'an heyt u debantau,
Panèts é bourassetes.
La sollicitude des bergers s'empresse de compléter la layette
béarnaise du bébé divin :
You bau ana coelhe
50 qu'auram de mielhe
Per lou bayoula.
Les présents qu'on offre à l'enfant sont bien des fruits du terroir :
leyï, escautou, bi bourret, roumatye, castagnes, poumes é esquilhots.
Comme ces bergers sont béarnais dans leur vivacité : crouts de
palhe ! s'écrie le pasteur impatienté par l'insistance de l'ange ; on
sent que facilement, que n'abéré heyt craca u déus peluts.
Et cette formule d'excuse :
Anyou, à Diu siat,
txcusat-me, si èy mau parlât,
comme elle est bien dans la manière courtoise et cérémonieuse du
berger Ossalois !
Quelques Noëls prêtent aux bergers des considérations très élevées, d'une théologie très profonde, mais ces propos manquent de
naturel ; ces pasteurs sont trop savants : nou eau pas amucha au
cure à dise la messe. Combien j'aime mieux les préoccupations un
peu terre à terre, un peu réalistes, mais si vraies dans la bouche
de ces simples, relatives au poupon qui risque de prendre froid :
Beyet u gran doumatye
De béde aquet maynadye
Dehens u cabaniu,
Tout nud sensé camise,
Espausat à la bise,
Lou flèu de touts lous béns,
ou encore aux dangers qu'il court à côté de l'âne trop bruyant ou
du bœuf un peu lourd dans les manifestations de sa tendresse :
You ey gran pòu que l'ayne
Sus l'enfan desgayne
Quauque cop de pè.
51 lou boéu houléye,
Si lise cournéye
Péu bèt mley lou hè.
�— 218 —
Leur sens pratique éclate bien dans cette réflexion :
De n'abé ue pecéte !
Be-ns en serbirém bien
Per fayre ue raubete
A d'aquet Enfén !
Ils ne s'oublient pas pour cela eux-mêmes et dans leurs prières
ils demandent la conservation de leurs récoltes :
Counserbat la semence
Péus tems de las sésous....
Mais bien que ces pasteurs soient réalistes à souhait, il ne faudrait pas les croire peur cela grossiers. Nul ne les surpasse, quand
ils le veulent, pour la finesse de la pensée, la douceur du sentiment et la grâce de l'expression :
E bous, sa tendre mayréte,
Penden qui séram dap bous,
Boulhat-nous auméns perméte
Que minyém de cent poutous
Boste créaturéte.
C'«st peut-être un peu maniéré, mais joliment gracieux tout de
même.
Les auteurs de nos compositions noéliques ont donné aux
bergers de la crèche une allure et des mœurs béarnaises et c'est là
leur originalité. On peut constater encore un caractère spécial,
une saveur locale, dans la forme même de la plupart de ces Noëls.
Beaucoup sont dans le genre du dialogue : deux personnages ou
deux groupes de personnages se donnent la réplique. On peut voir
là une adaptation aux chants d'église de l'aubade ou passe-carrère,
cette caractéristique des chansons populaires d'Ossau. Les soirs
de fête, deux groupes de jeunes gens, ou, jeunes gens d'un côté,
jeunes filles de l'autre, s'en vont à travers les carrères du village,
en se tenant par le bras. L'un des groupes s'arrête et entame la
chanson. Quand le couplet est fini, les chanteurs se remettent en
marche, tandis que l'autre groupe stationne à son tour et répond
par le couplet suivant. Plusieurs de nos Noëls ne sont pas autre
chose : bergères d'un côté et anges de l'autre, bergers en pourparlers avec St-Joseph, ou s'interpellant entre-eux, n'avons nous
point là de véritables passe-carrères ?
Dans l'histoire de la Nativité, selon les Evangiles apocryphes, on
trouve autour de la crèche un âne et un bœuf qui réchauffent
�— 219 —
^'enfant de leur haleine : quelle aubaine pour les peintres des
tableaux d'autels ou pour les sculpteurs des porches de nos cathédrales, comme aussi pour les compositeurs des Noëls populaires ;
cet âne et ce bœuf auront partout une place d'honneur.
Dans les traditions anciennes, on raconte que le don de la
parole serait même donné une fois par an pendant la nuit de Noël
à ces animaux qui avaient autrefois rendu de si bons offices à
l'enfant de la crèche. K y a dans le folk lore landais des histoires
•curieuses, macabres parfois, sur ce pouvoir particulier accordé
aux bœufs de l'étable (')
Le Béarn ne possède rien de particulier sur ce point. On trouve
cependant un Noël où tous les animaux s'unissent à leur manière
à la joie universelle. Il y a là un essai d'harmonie imitative qui
.ne manqué pas d'originalité (') :
Au tems oùn lous pastous cantaben
Lou bounhur qui biénèn d'abé,
Aulhes, moutous, crabes sautaben
Dens lou troupèt dab gran plasé ;
Aulhes cridaben,
Agnèts bélaben,
Crabes sautaben
En disen mè
E bè, bè, bè, bè, bè,
Salut à bous suôu berdurè !
Toute la création y passe depuis le chien et le cochon, en parlan
iper respect, jusqu'à la chouette, la cigale et le frelon.
•%
Voilà quelques-uns des caractères de nos Noëls béarnais. On
aurait pu encore faire ressortir d'autres traits bien originaux et
bien savoureux, noter des allusions piquantes aux mœurs et aux
coutumes du Béarn, étudier d'une manière plus spéciale la langue
et les expressions pittoresques du terroir, mais ce que nous avons
dit suffit pour donner une idée de notre littérature noélique.
(1) Le Petit Landais, n» du 25 décembre 1902.
(2) Ce genre de Noëls se retrouve dans toutes nos vieilles provinces. Le
Languedoc a son Noël des bêtes, le Bas-Quercy son Nouèl des Ausèls et dans
les recueils français on trouve le Noël des oiseaux, ainsi qu'un « Noël farci »
très curieux : La joie des bestes à la naissance du Nouvel enfant, etc.
�— 220 —
Ils sont curieux certes nos vieux Noëls et il est regrettable qu'on:
ne les connaisse plus, qu'on ne les chante plus. Il sont une desformes de notre esprit, ils constituent un des genres les plus
caractéristiques de notre littérature populaire. En eux survit
quelque chose de la vie de nos pères, en eux passe et chante l'âme
de notre race. A les lire, à les entendre surtout dans leurs mélodies si béarnaises, on respire cet arôme de joie tranquille et saine,de paix réconfortante qui formait l'atmosphère des foyers d'autrefois. Oh oui ! ces vieux airs, — « dont la musique a l'air d'être en
patois)), — ainsi que disait Cyrano de Bergerac aux Cadets de
Gascogne, remuent doucement notre cœur et nous font commu:
nier plus intimement à nos montagnes, à nos collines, à notre
gave, à tous les horizons familiers qui sont le cadre gracieux de
notre terre, de cette terre béarnaise dont nous sommes pétris et
qui nous sera toujours plus chère que toute autre, parce qu'elle
est.... notre mère.
J.-B. LABORDE.
Nabèths Counfrays
M. Berducou (Capitaine), 4e tirailleurs, à Bizerte (Tunisie).
Peyrou, Joseph, entrepreneur, à Gelos.
M. Abadie, Bobert, 6, Impasse la Foi, à Pau.
Lou Yérant :
E. MARRIMPOUEY.
PAU . EMPRIMERIE VIGNANCOUR — PLACE DOU PALAYS.
�
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Patrimoine écrit occitan:périodiques
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Title
A name given to the resource
Reclams de Biarn e Gascougne. - Anade 15, n°09 (Séteme 1911)
Alternative Title
An alternative name for the resource. The distinction between titles and alternative titles is application-specific.
Reclams. - Annada 15, n°09 (Seteme 1911)
Subject
The topic of the resource
Occitan (langue) -- Périodiques
Littérature occitane -- Périodiques
Gascon (dialecte) -- Périodiques
Littérature gasconne -- Périodiques
Description
An account of the resource
Reclams. - septembre 1911 - N°9 (15e Année)
Creator
An entity primarily responsible for making the resource
Laborde, Jean-Baptiste (1878-1963)
Marrimpouey, E.
Source
A related resource from which the described resource is derived
<p>Bibliotèca de l'Escòla Gaston Febus</p>
<p><br /><a href="http://www.reclams.org/" target="_blank" rel="noopener"><img style="height: 97px;" src="http://occitanica.eu/images/omeka/gaston_febus.jpg" height="97" /></a> </p>
Publisher
An entity responsible for making the resource available
Escole Gastou Febus (Pau)
Imprimerie de Vignancour (Pau)
Date
A point or period of time associated with an event in the lifecycle of the resource
1911
Relation
A related resource
Vignette : <a href="http://www.occitanica.eu/omeka/files/original/e472a8c919c77eed6b76d1205b58246f.jpg">http://www.occitanica.eu/omeka/files/original/e472a8c919c77eed6b76d1205b58246f.jpg</a>
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Is Part Of
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Reclams de Biarn e Gascounhe <a href="http://www.occitanica.eu/omeka/items/show/2019">(Accès à l'ensemble des numéros de la revue)</a>
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fre
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Type
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Text
publication en série imprimée
Identifier
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