Dans l'avion il y avait un tas de retraités : ils étaient tous ensemble, les uns derrière les autres à l'entrée de la classe « économique ». Ils parlaient très fort et faisaient du bruit : ils riaient, chantaient « C'est un fameux trois mats fin comme un oiseau, hisse et ho Santiago » !
C'était un voyage organisé : « L'automne en Floride, Miami Beach en bordure de mer ».
Nos sièges étaient sur le côté droit, au milieu après les ailes. Deux sièges derrière il y avait un couple : le type très grand et maigre comme un «estockefish», 45 ans, les cheveux teints en blond, une bouche fine qui semblait aller d'une oreille à l'autre. La femme, grande aussi, les cheveux rouges, bien en chair et tout sourire. Sur le siège de l'autre côté de l'allée, était assis un homme de trente ans, mal habillé, les cheveux sales, le menton mal rasé, la bouche amère. Ils parlaient tous avec un accent très pointu. Leurs voix étaient d'un autre monde : j'avais l'impression d'entendre un film policier. Dans ma tête, tournait la chansonnette de l'école de mon village : « parisien, tête de chien, parigot, tête de veau » !
Les hôtesses nous servirent le dîner et pour commencer, l'apéritif. Pour fêter ce grand jour de départ, nous avons bu du champagne. Puis, nous avons mangé, ça n'était pas mauvais pour une « classe économique ». Les parisiens, eux, n'arrêtaient pas d'appeler l'hôtesse pour demander du whisky. Après le café j'ai commencé à dormir, un petit somme était bienvenu car nous étions levées depuis l’aube. Les retraités continuaient à parler et à rire.
Tout à coup le type crasseux commença à crier :
« Eh les vieux fermez-là, moi je suis Bécon les Bruyères et j'ai la haine. Tas de vieux clous ! »
Un grand silence tomba et tout le monde se retourna pour voir qui criait :
« J'veux m'saoûler – à boire l'hôtesse ! - tournez-vous les vieux, j'veux pus voir vos faces de clowns sinon j'réponds plus de rien. »
Le grand blond commençait à éclater de rire en criant :
« Va-z y Bécon les Bruyères, fais leur voir qui tu es ! »
L'autre se redressa et continua :
« Vous avez peur vieux bouts ? Nous on est jeune ! On fait l'amour et vous vous n'avez plus qu'à faire le mort ! A boire ! Et plus vite que ça ! »
« Wisky à gogo sur l'Atlantique ! À nos femelles qui nous attendent à Philadelphie ! »
Les gens (les vieux et les autres) se cachaient dans les sièges. La pauvre hôtesse ne savait plus que faire, et quand la pauvre femme passa dans l'allée, le type lui donna une grande tape sur le cul !
« Olé ! L'Amérique est à nous ! »
Quand quelque chose comme ça arrive en bas, sur la terre, ce n'est pas agréable mais enfin on peut toujours se dire qu'on peut arrêter la machine, ouvrir la porte et sortir. Mais tout en haut, dans le ciel au-dessus de la mer, que faire ?
Mathilde me prit la main :
« Jeanne, ils sont idiots et ivres ! Tu n'as pas peur ? »
Maintenant les types dansaient en chantant et en criant :
« R'gardez les vieux, nous on danse et on chante ! Eh! La femme ! Viens avec nous ! »
Mais la femme rousse ne voulait pas se lever pour danser.
« A boire ! A boire ! »
Mais les hôtesses ne venaient plus. Et tout à coup le capitaine de l'avion est arrivé avec son habit bleu et doré et son chapeau. Il n'était pas seul : de l'autre côté il y avait un autre homme, un stewart.
« Asseyez-vous Messieurs. Nous ne sommes pas dans un dancing et nous vous prions de rester tranquilles. »
« Eh capitaine ! On a payé ! On fait c'qu'on veut non ? »
« Si vous voulez repartir à Paris par le prochain avion, libre à vous... »
« Eh ! Tu vas pas nous faire peur avec ton uniforme ?! »
« Vous voulez être attachés à votre fauteuil pour la fin du voyage ? »
Le capitaine sortit les menottes de sa poche et tout changea.
« Capitaine, vous avez gagné, on s'tait ! »
« Les hôtesses ne vous donneront plus à boire et nous vous retrouverons à Philadelphie. Outrages à passagers... »
Tout d'un coup le silence fut roi avec le bourdonnement de l'avion. La peur de la police avait fait son effet. La vie continua dans la « classe économique », mais les retraités étaient moins bruyants. Les deux parisiens se turent sans dire un mot de plus et commencèrent à ronfler, bouche ouverte : le whisky faisait son travail ! Il y avait encore 5 heures avant l’atterrissage. Mathilde, fatiguée, dormait comme une enfant. Je choisis de regarder un film : Harry Potter à l'école des sorciers, en français. Ça me plut beaucoup. Puis je suis restée les yeux ouverts rêveuse : peut-être que j'étais idiote d'essayer de revoir Rémi après 35 ans ! Mais de toute manière c'était une bonne occasion pour voyager avec ma petite Mathilde. On verrait bien, le déluge ne me faisait pas peur.
L'avion commença sa descente pour l'atterrissage : et les fromages de chèvre de ma soeur que j'avais cachés dans un tupperware, est-ce qu'ils les trouveraient dans la valise à la douane ?
]]>Texte de l'épisode 7 :
Et maintenant nous étions dans l'avion. Dessous il y avait les champs, les villages et aussi les villes et autour de l’avion d'Airbus Industrie A319, les nuages blancs qui s'étiraient comme des tableaux de Michel-Ange : c'était la première fois que j'étais dans le ciel ! Mon coeur battait la chamade ! Mathilde semblait être aux anges et, du hublot, elle regardait la terre s'éloigner. Quel plaisir d'être avec cette petite, ce n’était peut-être qu’un rêve ! Tout le bonheur de la terre m'était tombé dessus et je n'avais rien demandé : j'avais l'amour d'une fille jolie et sans attaches et l'argent du tonton mort. Le malheur des autres faisait mon bonheur !
Dans l'avion il y avait un tas de retraités : ils étaient tous ensemble, les uns derrière les autres à l'entrée de la classe « économique ». Ils parlaient très fort et faisaient du bruit : ils riaient, chantaient « C'est un fameux trois mats fin comme un oiseau, hisse et ho Santiago » !
C'était un voyage organisé : « L'automne en Floride, Miami Beach en bordure de mer ».
Nos sièges étaient sur le côté droit, au milieu après les ailes. Deux sièges derrière il y avait un couple : le type très grand et maigre comme un «estockefish», 45 ans, les cheveux teints en blond, une bouche fine qui semblait aller d'une oreille à l'autre. La femme, grande aussi, les cheveux rouges, bien en chair et tout sourire. Sur le siège de l'autre côté de l'allée, était assis un homme de trente ans, mal habillé, les cheveux sales, le menton mal rasé, la bouche amère. Ils parlaient tous avec un accent très pointu. Leurs voix étaient d'un autre monde : j'avais l'impression d'entendre un film policier. Dans ma tête, tournait la chansonnette de l'école de mon village : « parisien, tête de chien, parigot, tête de veau » !
Les hôtesses nous servirent le dîner et pour commencer, l'apéritif. Pour fêter ce grand jour de départ, nous avons bu du champagne. Puis, nous avons mangé, ça n'était pas mauvais pour une « classe économique ». Les parisiens, eux, n'arrêtaient pas d'appeler l'hôtesse pour demander du whisky. Après le café j'ai commencé à dormir, un petit somme était bienvenu car nous étions levées depuis l’aube. Les retraités continuaient à parler et à rire.
Tout à coup le type crasseux commença à crier :
« Eh les vieux fermez-là, moi je suis Bécon les Bruyères et j'ai la haine. Tas de vieux clous ! »
Un grand silence tomba et tout le monde se retourna pour voir qui criait :
« J'veux m'saoûler – à boire l'hôtesse ! - tournez-vous les vieux, j'veux pus voir vos faces de clowns sinon j'réponds plus de rien. »
Le grand blond commençait à éclater de rire en criant :
« Va-z y Bécon les Bruyères, fais leur voir qui tu es ! »
L'autre se redressa et continua :
« Vous avez peur vieux bouts ? Nous on est jeune ! On fait l'amour et vous vous n'avez plus qu'à faire le mort ! A boire ! Et plus vite que ça ! »
« Wisky à gogo sur l'Atlantique ! À nos femelles qui nous attendent à Philadelphie ! »
Les gens (les vieux et les autres) se cachaient dans les sièges. La pauvre hôtesse ne savait plus que faire, et quand la pauvre femme passa dans l'allée, le type lui donna une grande tape sur le cul !
« Olé ! L'Amérique est à nous ! »
Quand quelque chose comme ça arrive en bas, sur la terre, ce n'est pas agréable mais enfin on peut toujours se dire qu'on peut arrêter la machine, ouvrir la porte et sortir. Mais tout en haut, dans le ciel au-dessus de la mer, que faire ?
Mathilde me prit la main :
« Jeanne, ils sont idiots et ivres ! Tu n'as pas peur ? »
Maintenant les types dansaient en chantant et en criant :
« R'gardez les vieux, nous on danse et on chante ! Eh! La femme ! Viens avec nous ! »
Mais la femme rousse ne voulait pas se lever pour danser.
« A boire ! A boire ! »
Mais les hôtesses ne venaient plus. Et tout à coup le capitaine de l'avion est arrivé avec son habit bleu et doré et son chapeau. Il n'était pas seul : de l'autre côté il y avait un autre homme, un stewart.
« Asseyez-vous Messieurs. Nous ne sommes pas dans un dancing et nous vous prions de rester tranquilles. »
« Eh capitaine ! On a payé ! On fait c'qu'on veut non ? »
« Si vous voulez repartir à Paris par le prochain avion, libre à vous... »
« Eh ! Tu vas pas nous faire peur avec ton uniforme ?! »
« Vous voulez être attachés à votre fauteuil pour la fin du voyage ? »
Le capitaine sortit les menottes de sa poche et tout changea.
« Capitaine, vous avez gagné, on s'tait ! »
« Les hôtesses ne vous donneront plus à boire et nous vous retrouverons à Philadelphie. Outrages à passagers... »
Tout d'un coup le silence fut roi avec le bourdonnement de l'avion. La peur de la police avait fait son effet. La vie continua dans la « classe économique », mais les retraités étaient moins bruyants. Les deux parisiens se turent sans dire un mot de plus et commencèrent à ronfler, bouche ouverte : le whisky faisait son travail ! Il y avait encore 5 heures avant l’atterrissage. Mathilde, fatiguée, dormait comme une enfant. Je choisis de regarder un film : Harry Potter à l'école des sorciers, en français. Ça me plut beaucoup. Puis je suis restée les yeux ouverts rêveuse : peut-être que j'étais idiote d'essayer de revoir Rémi après 35 ans ! Mais de toute manière c'était une bonne occasion pour voyager avec ma petite Mathilde. On verrait bien, le déluge ne me faisait pas peur.
L'avion commença sa descente pour l'atterrissage : et les fromages de chèvre de ma soeur que j'avais cachés dans un tupperware, est-ce qu'ils les trouveraient dans la valise à la douane ?
Tèxte de l'episòdi 7 :
E ara èrem dins l’avion. Dejós i aviá los camps, los vilatges e mai las vilas, e a l’entorn de la maquina d'Air Bus Industrie A319, las nívols blancas que s’estiravan coma de tablèus del Miquèl Àngel : èra lo primièr còp qu’èri dins lo cèl ! Mon còr fasiá tifa tafa ! Matilda semblava èstre ambe los àngels e, del fenestron, regardava la tèrra s’aluenhar. Quante plaser d’èstre amb’aquela pichòta, benlèu qu’èra pas qu’un sòmi ! Tot lo bonur de la vida m’èra tombat sus l’esquina e aviái res demandat : aviái l’amor d’una filha polideta e soleta e l’argent del tonton mòrt. Lo malastre dels autres fasiá mon bonur !
Dins l’avion i aviá un molon de retirats : èran totes ensems, en rengadas a l’intrada de la classa « economica ». Parlavan mai que fòrt e fasián de bruch : risián, cantavan « c’est un fameux trois mats fin comme un oiseau, hisse et ho Santiago » !
Èra un viatge organizat : l’auton en Florida, Miami Beach en riba de mar.
Nòstres sètis èran sus lo costat drech au mitan aprèp las alas. Dos sètis darrièr i aviá un coble : lo tipe grandaràs e magre com’un estocafich, 45 ans, los pels blonds tintats, la boca fina que semblava anar d’una aurelha a l’autra. La femna, granda tanben, los pels roge, grasseta e risolièra. Sus lo sèti de l’autre costat de l'alèa, èra assetat un òme de trenta ans mal vestit, los pels crassós, lo menton pelut, la boca amara. Parlavan totes tres amb un accent fòrça ponchut. Lors voses èran d’un autre mond : me semblava d’ausir un filme policièr. Dins ma tèsta virava la comptina de l’escòla de mon vilatge : « parisien, tête de chien, parigot, tête de veau » !
Las ostèssas nos portèron lo dinnar e per començar, l’aperitiu. Per festejar aquel grand jorn de partença beguèrem de champanhe. Puèi manjèrem, èra pas michant per « una classa economica ». Los parisencs, eles, s’arrestavan pas de sonar l’ostessa per demandar de oisquí. Aprèp lo cafè commencèri de dormir, un pichòt penequet seriá benvengut qu'èrem levadas dempuèi lo matin d’ora. Los retirats contunhavan de parlar e de rire.
Subte lo tipe crassós commencèt de cridar :
- "Eh les vieux fermez-là, moi je suis de Bécon les Bruyères et j’ai la haine. Tas de vieux clous !"
Un grand silenci tombèt e tot lo mond se virèt per veire qual cridava :
- "J'veux m'saoûler – à boire l’hôtesse ! - tournez-vous les vieux, j'veux pus voir vos faces de clowns sinon j'réponds pus de rien."
Lo grand blondàs commencèt de s’espetar de rire en cridant :
- "Va-z-y Bécon les Bruyères, fais leur voir qui tu es !"
L’autre se quilhèt e contunhèt :
- "Vous avez peur vieux bouts ? Nous on est jeune ! On fait l’amour et vous vous n’avez plus qu’à faire le mort ! A boire ! et plus vite que ça !"
- "Wisky à gogo sur l’Atlantique ! à nos femelles qui nous attendent à Philadelphie !"
Las gens (los vièlhs e los autres) s’escondèron dins los sètis. La paura ostèssa sabiá pas pus de qué faire, e quand la paura femna passèt dins l'alèa, lo tipe li bailèt un grand carpan sus lo cuól !
- "Olé ! l’Amérique est à nous !"
Quand quicòm com’aquò arriba en bas sus la tèrra, es pas agradiu mas enfin se pòt totjorn dire qu’òm pòt arrestar la maquina, dubrir la pòrta e sortir. Mas tot en aut dins lo cèl en dessús de la mar, de qué faire ?
Matilda me prenguèt la man :
- "Joana, son capbords e son bandats ! As pas paur ?"
Ara los dos tipes dansavan en cantant e en cridant :
- "R'gardez les vieux, nous on danse et on chante ! Eh ! La femme ! Viens avec nous !"
Mas la femna rossèla se volguèt pas levar per dançar.
- "A boire ! A boire !"
Mas las ostèssas venián pas pus. E d’un còp arribèt lo capitani de l’avion amb son vestit blau e daurat e son capèl. Èra pas solet : de l’autre costat i aviá un autre òme, un stewart.
- "Asseyez vous Messieurs. Nous ne sommes pas dans un dancing et nous vous prions de rester tranquilles."
- "Eh capitaine ! On a payé ! On fait c'qu’on veut non ?"
- "Si vous voulez repartir à Paris par le prochain avion, libre à vous…"
- "Eh ! Tu vas pas nous faire peur avec ton uniforme ?!"
- "Vous voulez être attachés à votre fauteuil pour la fin du voyage ?"
Lo capitani sortiguèt las manetas de sa pòcha e tot cambièt.
- "Capitaine, vous avez gagné, on s'tait !"
- "Les hôtesses ne vous donneront plus à boire et nous vous retrouverons à Philadelphie. Outrages à passagers…"
Tot d’un còp lo silenci foguèt rei amb lo bronzinament de l’avion. La paur de la polícia aviá fach son efièch. La vida tornèt dins « la classa economica », mas los retirats èran mens brusents. Los dos parisencs se calèron sens dire un mot de mai e comencèron de roncar, boca duberta : lo oisquí fasiá son trabalh ! I aviá encara 5 oras davant de se pausar. Matilda, cansada, dormiguèt coma un enfant. Ieu causiguèri d’agachar un filme : Harry Potter a l’escòla de las mascas, en francés. M’agradèt fòrça. Puèi demorèri los uòlhs dubèrts somiant : benlèu qu’èri capborda d’ensajar de tornar veire Romieg aprèp 35 ans ! Mas de tot biais èra una escasença de las bonas per viatjar ambe ma pichòta Matilda. Veirem ben, lo deluvi me fasiá pas paur.
L’avion comencèt sa davalada per l’aterriment : e los fromatges de cabra de ma sòrre qu’aviái amagats dins un tuperware, es que los trobarián dins la valisa a la doana ?