« Gardarem lo Larzac », ces quelques mots en occitan apparaissent dès 1973, au cours de la montée sur Paris des paysans du Larzac, en tracteur ou à pied. Ce slogan synthétise en quelques mots toute la complexité d'une lutte multiforme dont le cœur demeure pour ses militants, qu'ils soient paysans ou occitanistes, la reconnaissance de leur identité. Celle-ci passe également par la langue et la culture occitanes.
La question occitane est omniprésente sur le plateau du Larzac durant le conflit. Fleurissent sur le causse les drapeaux occitans, qui flottent lors des manifestations. La croix occitane est présente dès le mois de mai 1971, soit dès les débuts des événements (cf. blog Mescladis e còps de gula log, article « Le Larzac sans l'occitan», publié le 30/01/2012). Cette période permet par ailleurs l'émergence du terme même d'Occitanie, reconnaissance d'une unité culturelle d'un territoire que ne préfigurait pas une unité administrative ou historique. Cette même année, le jeune Teatre de la Carrièra se produit sur le Larzac pour jouer Mort et résurrection de M.Occitania, une pièce qui interroge les contours de l'identité occitane. De fait, c'est en occitan que se forge le slogan symbolique du mouvement au cours de la montée sur Paris de 1973 : Gardarem lo Larzac. C'est également ces quelques mots qu'emploient deux ans plus tard les paysans pour baptiser leur revue (le premier numéro de Gardarem lo Larzac paraît en juin 1975). Langue maternelle de bien des paysans du Larzac, elle est par ailleurs omniprésente sur le plateau, car de fait, les principaux leaders et théoriciens de la langue sont présents lors de ces événements.
Plusieurs centaines de militants occitans sont présents sur le causse, entourant des figures majeures du mouvement comme Robert Lafont ou Yves Rouquette, fondateurs de la revue Viure, au son de la nouvelle chanson occitane représentée par Marti ou Patric. Luttes pour la langue et la culture occitanes se mêlent à la lutte politique pour la défense d'un territoire et de son identité. Sur ce point les différentes idéologies, paysannes comme occitanes, se rencontrent et collaborent. L'occitan participe donc du combat pour le Larzac. Surtout, le Larzac va contribuer à la réflexion et à l'organisation de l'occitanisme politique de cette époque.
Différents courants traversent alors le monde occitan, entre tenants d'une ligne purement littéraire, linguistique et culturelle, à l'instar des dissidents de l'I.E.O. du milieu des années 1960, Ismaël Girard et Bernard Manciet ; et ceux prônant une action également politique. C'est notamment le cas d'un des leaders du mouvement occitan sur le plateau : Robert Lafont. Ce dernier participe d'ailleurs à la création du mouvement d'extrême gauche Lucha occitana (Lutte occitane) en 1971.
Le Larzac constitue une étape clé dans la réflexion et l'organisation du mouvement occitaniste contemporain. Il figure en ce sens, parmi les événéments fondateurs et érigés au quasi-rang de mythe par les occitanistes. Le Larzac, mouvement occitan ? Le choix d'un slogan en occitan, « Gardarem lo Larzac », symbolique du mouvement et devenu emblématique de celui-ci, pourrait nourrir une telle argumentation.
Toutefois les historiographes de la question, au premier rang desquels Wanda Holohan (Jacquerie sur la forteresse, 1975, Daniel Fabre, J.Lacroix, Communautés du sud (10/18), t.2 p.362-427), en nuancent cependant l'importance. La lutte paysanne se double bien d'une lutte occitane, mais il semble abusif de parler de militants paysans occitanistes; il s'agit plutôt de militants paysans d'une part, et de militants occitanistes de l'autre. Les deux furent présents sur le causse, poursuivant chacun un même but, mais selon des stratégies différentes. Ils connurent toutefois un point de convergence se trouvant davantage dans la langue et la culture occitanes, comme témoins d'une identité spécifique tant du côté paysans que de celui des occitanistes, ces derniers poussant la réflexion à une dimension plus politique encore. S'il paraît impossible de parler de militants paysans et occitanistes, il demeure qu'il y eut des paysans occitans, comme en témoigne le choix d'un slogan dans cette langue, sans qu'interviennent en cela plus qu'une reconnaissance d'une identité linguistique et culturelle spécifique. Face à un projet décidé dans les plus hautes sphères de l'État, la réaction en local questionne l'identité même des paysans. La reconnaissance de leur « occitanité » accompagne de ce fait la revendication d'une « dignité culturelle et sociale », le rappel face aux a priori nationaux d'un héritage civilisationnel riche, et devant être renconnu comme tel.
De 1968 à la fin de la décennie 1970, le concept d’Occitanie - entendu comme l’ensemble de l’espace de langue occitane - fait irruption et s’impose dans le paysage : des « OC » peints sur les arbres aux banderoles, des drapeaux occitans dans les manifestations aux centaines d'affiches créées par des groupes et collectifs : c'est un véritable mouvement qui se met en place.
En 1969, le « Comitat occitan » organise une grande campagne d'affichage sur la frontière « òc / oil » : en l'absence de toute signalétique publique en occitan, la campagne « Aicí dintratz en Occitània » veut signaler aux touristes qui « descendent vers le Sud » que ce territoire a un nom, une culture et bien sûr une langue. La campagne marque également beaucoup d'habitants du Limousin et d'Auvergne qui découvrent leur appartenance à une communauté linguistique et culturelle plus large.
Quelques décennies plus tard, la visibilité de la langue dans l'espace public est notamment prise en charge par les pouvoirs publics (panneaux d'entrée des communes, noms de rue, etc.).
Ces affiches ont été réalisé dans le cadre d’un projet appelé « Fasèm de mascaraduras », à l’initiative de l’Ostal del Telh.
Nous avions convié l’artiste plasticien occitan Joan-Carles Codèrc, pour animer une semaine d’atelier avec la classe de 1ère Bac Pro Communication Visuelle et Pluri Média du lycée St-Géraud à Aurillac, en coordination avec leur professeur d’art appliqué, Fred Le Falher.
Durant une semaine au mois de janvier dernier, la trentaine de lycéens avait pour mission de réaliser chacun une affiche correspondant à l’esthétique des affiches revendicatives de Mai 68 ou de la lutte du Larzac. Mais il devait trouver un slogan nouveau sur un thème de leur choix, et le traduire en occitan.
L’idée était d’allier le travail sur cette esthétique brute avec la découverte de l’occitan et de sa culture comme ayant une utilité politique.
Chaque lycéen a donc travaillé sur un projet d’affiche, depuis les brouillons jusqu’à l’impression. Car en effet les affiches ont été au fur à mesure sérigraphiées par les lycéens eux-mêmes (il n’y en a qu’une vingtaine d’imprimées pour l’instant par manque de temps). Et le dernier jour de la semaine, nous sommes partis en groupes dans les rues d’Aurillac pour « placarder » ces affiches sur les panneaux d’affichage libre. De telle sorte que le 13/01, la ville s’est réveillée aux couleurs de la revendication occitane.