C’est François Raynouard qui, en l’absence des vers liminaires et finaux dans le manuscrit de Carcassonne, forge le titre Flamenca d’après le nom de l’héroïne du roman2. Flamenca est aujourd’hui accepté comme titre uniforme3 conventionnel même si certains critiques ont plaidé pour des variantes possibles permettant de recentrer le roman sur le personnage du chevalier Guillem (A. Limentani, 1965) ou du jaloux châtié, le seigneur Archimbaut (U. Gschwind, 1971).
Formes rejetées :
< La Dame de Bourbon (Mary-Lafon, 1860)
< Las Novas de Guillem de Nivers (Alberto Limentani, 1965)
< Novas de Guillaume de Nevers (Luciana Cocito, 1971)
< Le Roman de Flamenca (Paul Meyer ; Nelly-Lavaud)
< Le Roman d’Archimbaut (Ulrich Gschwind, 1971)
La seule copie connue du manuscrit a été découverte au début du XIXe siècle dans les collections de la Bibliothèque de Carcassonne.
Localisation actuelle :
Bibliothèque d’agglomération de Carcassonne. Ms. 34 (anciennes cotes : n° 2703 ; n° 2176)
Manuscrit sur parchemin, 140 f. Initiales ornées. 215 × 142 mm. Reliure moderne maroquin.
Le manuscrit est incomplet. Outre des lacunes dans le corps même du volume, le premier feuillet est mutilé et les derniers feuillets ont disparu.
Le manuscrit a été relié avec une lettre autographe de François Raynouard (2 f. à l’entête de l’Institut Royal de France) contenant une « notice sur Flamenca » (Passy-les-Paris, 15 juin 1834).
La reliure originale en bois a disparu, elle a été remplacée par une reliure moderne (fin XIXe-début du XXe siècle).
Texte de 8095 vers octosyllables sur une seule colonne (29 lignes par page).
La copie serait du début du XIVe siècle, Provence (cour angevine d’Aix).
- [Cayrol ?] : sur le fol. 3 r°, en marge du texte, plusieurs occurrences du patronyme « Cayrol » dans une écriture du XVIIe siècle4 qui pourrait signaler un possesseur antérieur aux Murat.
- Collection de Murat : le manuscrit de Flamenca se trouvait dans la bibliothèque de la famille Murat, famille de magistrats carcassonnais sous l’Ancien régime. Les Murat ayant émigré lors de la Révolution française, leurs biens sont confisqués comme biens nationaux en 1792. Le manuscrit de Flamenca avait probablement été acquis par Joseph-Vincent de Murat (1668-1732), érudit et bibliophile5.
- École centrale de Carcassonne (ancien collège des Jésuites) : lors des confiscations révolutionnaires la bibliothèque de la famille de Murat est déposée à l'École centrale de Carcassonne.
- Bibliothèque de Carcassonne : créée en 1804, la Bibliothèque de Carcassonne ne fonctionne vraiment qu’à partir des années 1830. Le manuscrit de Flamenca est signalé en 1834 par Gabriel Delessert préfet de l’Aude6 au philologue François Raynouard7 dans le cadre de la « Commission des travaux littéraires, chargée de surveiller la continuation de la notice des manuscrits, du Recueil des ordonnances des rois de France, et du Recueil des historiens des Gaules et de la France » (Institut de France, Académie des Inscriptions et Belles-Lettres). Celui-ci en publie les premiers extraits dès 18358.
2-1/ « En Bernardet », auteur de Flamenca ?
Le roman contient un court passage dédicatoire (v. 1722-1736) qui fait l’éloge d’un « seners d’Alga » (seigneur d’Algues) et qui contient la mention d’un certain « En Bernardet » qui pourrait désigner l’auteur de Flamenca.
L’auteur de Flamenca « était un Rouergat dont la langue trouve des échos dans celle du troubadour compatriote Daudé de Prades »15. Au vu de sa très grande connaissance de la littérature d’oc et d’oïl, de sa grande culture biblique et de la maîtrise du calendrier liturgique, l’auteur anonyme a le profil d’un clerc lettré. Pour F. Zufferey, plusieurs indices permettent d’aller plus loin en faisant de l’auteur, « En Bernardet », un ancien clerc ayant renoncé à ses vœux
2-2/ La cour de Roquefeuil, refuge des poètes :
Le roman a vraisemblablement été composé dans l’entourage de la cour de Roquefeuil16. C'est Camille Chabaneau qui identifia le « seigneur d'Alga » au baron de Roquefeuil : « Alga, château aujourd'hui détruit, mais dont les ruines sont imposantes, était le lieu de la seigneurie de Roquefeuil qui fut le premier comtor de Nant, mais qui, en 1276, ne prenait encore que le titre de seigneur d'Alga17. »
Algues est un château situé près de Nant en Aveyron, dans la vallée de la Dourbie à 34 km de Millau, à proximité de la chaîne de l’Aigoual.
C’est à la famille rouergate des Roquefeuil, issue des seigneurs d’Anduze, alliée aux comtes de Toulouse et aux Trencavel, qu’appartient le personnage de Raymond IV de Roquefeuil, seigneur de Cantobre et d’Algues, comtor de Nant18, d’abord supérieur du couvent des franciscains de Lunel, relevé de ses vœux en 1287 pour se marier. Il est désigné comme le mécène et le protecteur du narrateur de Flamenca qui en loue la prodigalité19.
La cour de Roquefeuil a été célébrée par le troubadour rouergat Daude de Pradas, contemporain de l’auteur de Flamenca, dans le poème « Ab lo douz temps que renovella / Avec la douce saison qui se renouvelle » :
Lai on es proeza certana,
va salve t’en vai, e no.t trics,
chanssos, que.l seigner t’er abrics
contra la folla gen vilana;
e.ls dos fraires de Rocafuoill,
on fis pretz e jovens s’accuoill,
sapchas a tos ops retener,
si vol en bona cort caber.
(traduction française : Là où se trouve la véritable prouesse, / va chanson vers Sauve20, et ne tarde pas / car le seigneur te protégera / contre la folle gent vilaine ; /et et les deux frères Roquefeuil, / chez qui la vraie valeur et la jeunesse sont bien accueillies, / sache les gagner, / si tu veux trouver place en bonne cour21.)Pour les critiques et éditeurs de l’œuvre, l’étude de la langue de l’auteur de Flamenca ne laisse aucun doute : l’auteur était rouergat et sa langue a de nombreuses similitudes avec celle du troubadour Daude de Pradas, son contemporain.
Le contexte de réalisation de la copie est également identifiable par certains traits linguistiques attribuables au copiste. Le texte a été copié en Provence, peu après la composition de l’œuvre (tout début du XIVe siècle) comme l’avait suggéré le premier Clovis Brunel22.
« Si jamais livre a été pourchassé par les autorités religieuses après 1277, c’est certainement le Roman de Flamenca. Il ne doit d’avoir pu paraître qu’au fait qu’il a été écrit avant cette date. Car à partir de la fin XIIIe siècle on constate, dans tous les ouvrages en langue d’oc, la disparition de toutes les théories érotiques incriminées par l’évêque Tempier et combattues par Jean de Mun. L’amour pur adultère devient pêché ; l’amour conjugal seul est exalté, la jeune fille l’emporte sur la dame, etc… Entre 1277 et 1280 la parution d’un roman comme celui de Flamenca eût scandalisé beaucoup plus de gens pieux que le Roman de la Rose ».
René NELLI, Le roman de Flamenca : un art d'aimer occitanien du XIIIe siècle, Toulouse : Institut d'Etudes Occitanes, 1966.
« A hundred years after Christien, one of his cleverest pupils wrote de Provençal story of Flamenca, a work in which the form of the novel is completely disengaged from the unnecessary accidents of romance, and reaches a kind of positive and modern clearnesse very much at variance in some respects with popular ideas of what is medieval... Flamenca is the perfection and completion of medieval romance in one kind and in one direction... It is perhaps the first complete modern appropriation of classical exemples in literary art ».
W. P. KER, Epic and Romance. Essays on medieval Literature, London, 1897.
« Le roman de Flamenca ne représente pas seulement un intérêt littéraire ; il n’est pas seulement la perle de la poésie narrative du moyen-âge23 ; à sa fiction pleine de fantaisie et riche d’analyses ingénieuses ou profondes, il juxtapose un véritable art d’aimer qui, se développant pour ainsi dire en marge des aventures romanesques, constitue une sorte de somme de l’érotique provençale du XIIIe siècle ».
René NELLI, Le roman de Flamenca : un art d'aimer occitanien du XIIIe siècle, Toulouse : Institut d'Etudes Occitanes, 1966.
« Synthèse de l’érotique et de la poétique troubadouresque, le Roman de Flamenca vient rappeler la dette de la littérature amoureuse occidentale à l’égard de l’Occitanie médiévale ».
Jean-Charles HUCHET, Flamenca, roman occitan du XIIIe siècle, Paris, Union générale d'éditions (10/18), 1989.
« Flamenca n'est pas un roman historique mais un roman psychologique dont les jeux de comédie ont été rapprochés de ceux de l'École des Femmes ou de Tartuffe. C'est une œuvre célèbre, la plus dense que le Moyen Âge ait produite ».
J. FABRE DE MORLHON, « Le roman de Flamenca dans son contexte historique » dans : Mélanges de philologie romane offerts à Charles Camproux, Montpellier : C.E.O. : Université Paul Valéry, 1978.
« Pour l’histoire des sentiments et des mœurs vers l'avènement de Louis IX, le roman de Flamenca est sans contredit, une source incomparable ».
Ch.-V. LANGLOIS, La vie en France au moyen âge de la fin du XIIe au milieu du XIIIe siècle d’après les romans mondains du temps, Paris, 1926-28.
Pour accéder à une bibliographie complète et actualisée sur Flamenca consulter le Trobador (catalogue général de la documentation occitane) : http://lo-trobador.occitanica.eu/cgi-bin/koha/opac-search.pl?idx=&q=flamenca-
(1) François-Just-Marie RAYNOUARD, « Notice de Flamenca : poëme provençal, manuscrit de la Bibliothèque municipale de Carcassonne, n° 681 » dans : Notices et extraits des manuscrits de la bibliothèque du Roi et autres bibliothèques, t. 13/2 Paris, 1835-1838, p. 80-132.
Note : Première édition et traduction de quelques extraits de Flamenca, accompagnée de notes et commentaires.
Réédition : Ce texte sera repris intégralement et publié dans : François-Just-Marie RAYNOUARD, Lexique roman ou Dictionnaire de la langue des troubadours comparée avec les autres langues de l'Europe latine : précédé de nouvelles recherches historiques et philologiques, d'un résumé de la grammaire romane, d'un nouveau choix des poésies originales des troubadours, et d'extraits de poëmes divers, Tome premier, Paris : Silvestre, 1838, p. 1-47.
Compte-rendu dans : Amaury-Duval (Eugène-Emmanuel-Amaury Pineu-Duval, dit), « Le Roman de Flamenca » dans : Histoire Littéraire de La France, Paris 1838, T. XIX, 1838, p. 776-78924.
Localiser le document : requête trobador
Consulter en ligne : http://occitanica.eu/omeka/items/show/10824
(2) Jean-Bernard LAFON dit MARY-LAFON, La dame de Bourbon, Paris : Bourdilliat, 1860. xv, 174 p.
Note : Adaptation romanesque et libre de l’oeuvre dans une édition illustrée de dessins romantiques et lithographies de E. Morin gravés par H. Linton.
(3) Paul MEYER, Le roman de Flamenca, Paris : A. Franck ; Béziers : J. Delpech, 1865. 1 vol. (XLV-427 p.).
Note : Première édition complète du roman de Flamenca qui s’accompagne d’une traduction et d’un glossaire et porte un jugement sévère sur l’édition de Mary-Lafon.
L’édition de Paul Meyer sera très critiquée par Camille Chabaneau (compte-rendu dans la Revue des langues romanes en 187625), qui lui reprochera des erreurs de transcription.
(4) Paul MEYER, Le roman de Flamenca, Paris: Librairie E. Bouillon, 1901.
Note : Deuxième édition de Flamenca entièrement refondue par Paul Meyer, en réponse aux critiques de C. Chabaneau.
Camille Chabaneau reprendra ses critiques à l’encontre de cette nouvelle édition (compte-rendu dans la Revue des langues romanes en 190226).
Réédition : Le roman de Flamenca, publié d'après le manuscrit unique de Carcassonne, traduit et accompagné d'un vocabulaire... par Paul Meyer. [Paris] : [diffusion Champion] ; Genève : Slatkine, 1974. V-416 p.-[1] f.
(5) René LAVAUD, René NELLI, « Flamenca », dans : Les troubadours [I] : Jaufre, Flamenca, Barlaam et Josaphat, [Bruges] : Desclée de Brouwer, 1960.
Note : L’édition du texte suit celui donné par Paul Meyer, seule la traduction française est nouvelle.
Réédition: Les troubadours : texte et trad. de René Lavaud et René Nelli. Paris : Desclée de Brouwer, 2000 (1127, 1085 p.) (Bibliothèque européenne).
Le 1er tome réunit : « Le roman de Jaufre », « Le roman de Flamenca », « Le roman spirituel de Barlaam et Josaphat ». Texte occitan et trad. française en regard. Reprod. photomécanique de l'éd. de Paris, 1966. Contenu : Vol. 1, L'œuvre épique ; Vol. 2, Le trésor poétique de l'Occitanie.
(6) Ulrich GSCHWIND, Le Roman de Flamenca : nouvelle occitane du 13e siècle, Berne : Francke, 1976. 2 vol. (229, 362 p.). (Romanica helvetica ; 86A-B).
Note : Nouvelle édition du texte en ancien occitan avec de nombreux commentaires ; ne contient pas de traduction.
Edition initiale: Vorstudien zu einer Neuausgabe der Flamenca, Ulrich Gschwind. Zürich : Aku-Fotodruck, 1971. xiii, 553 p ; 23 cm. Has been attributed to Bernardet. Includes index. Diss. : Phil. : Zürich : 1971.
(7) Jean-Charles HUCHET, Flamenca, roman occitan du XIIIe siècle. Texte établi, traduit et présenté par J.-Ch. Huchet, Paris, Union générale d'éditions (10/18), 1989.
(8) Flamenca : texte édité d'après le manuscrit unique de Carcassonne par François ZUFFEREY et traduit par Valérie FASSEUR. Paris : Le livre de poche, 2014, (Lettres gothiques, 32551).
Traductions anglaises
W. A. BRADLEY, The Story of Flamenca : The Firts Modern Novel. Arranged form de Provençal Original of the Thirteenth Century. With Woodcuts by Florence Wymans Ivins, Harcourt, Brace and Company (New York), 1922.
Autres éditions :
Flamenca : roman provençal du XIIIe siècle, mis en français moderne par W. et J. BRADLEY ; décoré par Robert Lanz. Paris : G. Crès, 1927.
Flamenca : translated from the thirteenth-century provençal of Bernardet the troubadour, by H.F.M. Prescott.-- London : Constable and Co, 1930.
The Romance of Flamenca : a provençal poem of the 13th century, english verse translation by Merton Jerome Hubert ; revised provençal text by Marion E. Porter. [Princeton] : Princeton University Press, 1962. 1 vol. (456 p.-[4] p. de pl.). Auteur présumé: Bernardet, d'après l'introd. p. 6 et d'après C. Brunel. Bibliogr. p. 449-452. Notes bibliogr. Index
The romance of Flamenca, edited and translated by E.D. Blodgett. New York ; London : Garland, 1995. 443 p. (Garland library of medieval literature ; 101A). Texte en ancien occitan traduction anglaise en regard. Notes bibliogr.
Traductions allemandes
Kurt LEWENT, Bruchstücke des provenzalischen Versromans Flamenca, Halle Niemeyer, 1926 1 vol. (XII-81 p.). (Sammlung romanischer Übungstexte ; 8). Introduction et notes en allemand, texte en ancien provençal. Glossaire.
Flamenca : ein altokzitanischer Liebesroman, übersetzt, mit Einführung, Erläuterungen und Anmerkungen versehen von Fritz Peter Kirsch. Kettwig : Phaidon, 1989. 248 p. (Erzählungen des Mittelalters ; 2, 516638).
"Ab me trobaras Merce" : Christentum und Anthropologie in drei mittelalterlichen okzitanischen Romanen : Jaufré, Flamenca, Barlaam et Josaphat, Imre Gábor Majorossy. Berlin : Frank & Timme, cop. 2012. 1 vol. (254 p.) : couv. ill. en coul. ; 21 cm. (Romanistik, ISSN 1860-1995 ; Bd. 10). Bibliogr. p. 243-250. Notes bibliogr.
Traductions italiennes
Giuseppe G. FERRERO, Flamenca, poema narrativo in lingua d’oc, Turin, Gheroni, 1963.
Las novas de Guillem de Nivers : ("Flamenca") introd., scelta et glossario di Alberto Limentani. Padova : Ed. Antenore, 1965. (Vulgares eloquentes ; 1)
Luciana COCITO, Il romanzo di Flamenca, Gênes, Tilgher-Rozzano, 1971.
Flamenca a cura di Mario Mancini. Roma : Carocci editore, 2006. 1 vol. (311 p.) : couv. ill. en coul. ; 18 cm. (Biblioteca medievale ; 106) Texte en ancien provençal avec traduction italienne en regard. Bibliogr. p. [281]-282. Notes bibliogr
Nouveau tirage : 2007, 2010
Flamenca : romanzo occitano del XIII secolo [a cura di] Roberta Manetti. Modena : Mucchi, 2008. (Studi, testi e manuali. Nuova serie ; 11).
Traduction catalane
Antony ROSSELL, El romàn de Flamenca. Novela occitana del siglo XIII, Guadalajara : Ed. Arlequin, 2009.
Traduction espagnole
Jaime COVARSI CARBONERO, El roman de Flamenca, Murcia : Ed.um, 2010.
> Vidéoguide : Le roman de Flamenca / CIRDÒC Mediatèca occitana
> Cèrqui una edicion de l'òbra medievala "Flamenca" [Question / Réponse]
> Flamenca : Cap d'òbra occitan del sègle XIII / Lo CIRDÒC Tèma(s)
Le Breviari d’amor (« Bréviaire d’amour » en français) est un vaste poème encyclopédique rédigé par un certain Matfre Ermengaud, juriste biterrois, à la fin du XIIIe siècle.
Ce monument de la littérature didactique occitane, constitue une œuvre unique au sein des encyclopédies du Moyen Âge. Composé en Languedoc entre 1288 et 1292 environ, dans le contexte de l’après-Croisade contre les Albigeois et la disparition de la lyrique des troubadours, Matfre Ermengaud tente avec ce poème encyclopédique de 34.597 vers de concilier deux conceptions opposées de l’amour : celle des clercs, l’amour de Dieu, et celle de la fin’amor des troubadours, l’amour des amants et des Dames.
Avec le Breviari d'amor, Matfre Ermengaud livre la seule œuvre encyclopédique connue qui conçoit le monde moral et physique à travers la notion de l’amour. Le plan de l’œuvre est tout aussi original : après une somme de savoirs théologiques et d’histoire religieuse organisée autour d'un arbre généalogique de la conception du monde « l'Arbre d'amor », les 7.000 derniers vers forment un curieux traité sur la fin’amor des troubadours, le « Perilhos tractat d'amor de Donas » (le traité des danger de l’amour des Dames).
Avec 24 copies et versions conservées (12 complètes et 12 fragments), auxquelles il faut ajouter une dizaine de traductions en prose en catalan et en castillan, le Breviari d’amor compte parmi les œuvres occitanes les plus connues et diffusées au Moyen Âge avec les chansons de troubadours.
Le nombre et la richesse des enluminures de beaucoup de copies en ont fait des pièces recherchées par les grands collectionneurs de l’époque moderne, expliquant aujourd’hui leur localisation dans plusieurs bibliothèques nationales européennes.
< Bréviaire d'amour (traduction française du titre)
< « Perilhos Tractat d'amor de Donas » (titre de partie : deuxième section du Breviari d'amor, v. 27252-34597)
< « Dregz de natura comanda » et « Dregz es donc quez ieu espanda » (titres de partie : deux chansons de Matfre Ermengaud sur lesquelles s’ouvrent souvent les manuscrits)
Le Breviari d’amor est connu par un vaste corpus de 24 copies (12 complètes, 12 fragments de copies différentes) auquel il faut ajouter des versions traduites en prose en catalan (7 copies, 3 fragments et un extrait) et en castillan (une copie). Aucune traduction ne contient le « Perilhos tractat d'amor de Donas ».
Toutes les copies complètes sont de grand format, avec un texte sur deux colonnes. La plupart contiennent de nombreuses miniatures exécutées d'après les indications de l'auteur.
La très grande majorité des copies ont été effectuées en Languedoc, sauf D et N (Catalogne). Elles sont toutes du XIVe siècle et sur parchemin, à l’exception de D et I, sur papier, et qui sont sans doute postérieures (fin du XIVe, voire XVe siècle).
Suivant la tradition érudite pour l'étude des chansonniers occitans, les différents manuscrits du Breviari d'amor font l’objet d’un classement par sigles. On inscrit par convention les sigles des différentes versions du Breviari d'amor en italique pour éviter la confusion avec ceux désignant des chansonniers. Ces sigles ont été attribués par Gabriel Azaïs, premier éditeur du Breviari d'amor, et complétés par Clovis Brunel puis Peter Ricketts au fur et à mesure de la découverte de nouveaux fragments.
Selon Peter Ricketts, le groupe des manuscrits DGHIMN correspond aux copies les plus fidèles à l'original. Le manuscrit M (Escurial, San Lorenzo, S.I.3) se distingue « par la qualité de son texte et par la fidélité des autres manuscrits à son égard » (P. Ricketts, t. V, 1976). Il sert aujourd'hui de base à l'édition du texte.
A – Bibliothèque nationale de France, ms. français 857.
Languedoc, XIVe siècle.
Consulter le manuscrit en ligne sur Gallica.
B – Bibliothèque nationale de France, ms. français 9219
Languedoc, XIVe siècle. Importantes lacunes.
Consulter le manuscrit en ligne sur Gallica.
C – Bibliothèque nationale de France, ms. français 858.
Languedoc, XIVe siècle. Rapport étroit avec L (Londres, British Museum, Royal 19.C.1).
Consulter le manuscrit en ligne sur Gallica.
D – Bibliothèque nationale de France, ms. français 1601.
Catalogne, fin du XIVe ou XVe siècle. Le manuscrit commence au v. 3355 et se termine au v. 31461. Il a été exécuté en Catalogne et semble être postérieur aux autres.
Consulter le manuscrit en ligne sur Gallica.
F – Vienne, Österreichische nationalbibliothek, cod. 2563.
Languedoc, milieu du XIVe siècle.
Consulter le manuscrit en ligne sur le site de la Bibliothèque Nationale d'Autriche.
G - Vienne, Österreichische nationalbibliothek, cod. 2583.
Languedoc, XIVe siècle. S’ouvre avec les deux chansons de Matfre.
Consulter le manuscrit en ligne sur le site de la Bibliothèque Nationale d'Autriche.
H – Lyon, Bibliothèque municipale, ms. 1351.
Début XIVe siècle. Lacunes importantes.
Consulter le manuscrit en ligne sur la Bibliothèque virtuelle des manuscrits médiévaux bvmm.irht.cnrs.fr
I – Carpentras, Bibliothèque Inguimbertine, ms. 380.
Fin du XIVe ou XVe siècle Nombreuses lacunes.
Manuscrit non disponible en ligne.
K – Londres, British Museum, Harley 4940.
Languedoc. XIVe siècle. Le texte complet.
Voir la notice et quelques f. numérisés sur le site de la British Library www.bl.uk
L – Londres, British Museum, Royal 19.C.1
Languedoc, début du XIVe siècle. Le manuscrit commence avec les deux chansons de Matfre.
Voir la notice et quelques vues numérisées sur le site de la British Library www.bl.uk
M – Escorial, Real Biblioteca del Monasterio de San Lorenzo del Escorial, S.1 n°3.
Languedoc, XIVe siècle. Texte complet. La manuscrit commence avec les deux chansons de Matfre.
Manuscrit non disponible en ligne.
N – Saint-Petersbourg, Bibliothèque nationale de Russie, Ms. Prov. F. V. XIV.1.
Lerida (Catalogne), Fin du XIIIe siècle. Texte complet. S’ouvre sur les deux chansons de Matfre.
Voir la notice et quelques f. numérisés en ligne sur le site e-corpus.org
O – BnF, ms. français 1745, f. 130-134.
Agde (Languedoc), XIVe siècle. Extrait.
a – Paris, BnF, fr. 14960
b – Paris, BnF, nouv. Acq., fr. 11198
c – Paris, Archives nationales, AB XIX, 1745 pièce 6
d – Toulouse, AD haute-Garonne, H. St Sernin 6
e – Nîmes, AD du Gard, liasse 1 F83
f(i) Cambridge, BU, Add. 2709 (anc. Béziers, Bib. Soc. Archéol.)
g – Labarthe-Bleys (Tarn), Archives du château, coll. De Faramond
h – Aix-en-Provence, AD Bouces-du-Rhône, 301 E 25 et 301 E 26
k – Vienne, AM, M.220
l – Albi, Bibl. Rochegude 4
m – Vacqueyras, AM, GG16
n – Cahors, Médiathèque, Fonds ancien et Quercy, 146
Complets ou lacunaires :
E – Paris, BNF, esp. 353
P – Madrid, BN, res. 203
Consulter le manuscrit numérisé
R – Barcelone, BU, ms. 72
S - Paris, BNF, esp. 205
Consulter le manuscrit numérisé
U – Londres, Brit. Lib., Yates Thompson 31
V – Barcelone, Bibl de Catalunya, ms 266
(Y – Barcelone, Biblioteca d'El Palau, ms. IV)
Extrait :
X – Londres, Brit. Mus., ad. ms. 16433
Fragments :
a – Gand, Bibliothèque de l'Université, 3284]
z – Barcelone, Bibl. De Catalunya, ms. 1486
T – Chicago, Bibl. Univ., ms 63
Consulter le manuscrit numérisé
Jamai l’òbra es pas estada mencionada autrament que per referéncia al tèxte d’Alexandre Du Mège e lo manuscrich que n’es extrach, que l’erudit tolosenc ditz que l’a en man, es demorat totalament introbable fins a l’ora d’ara a un tal punt qu’a animat dempuèi lo mitan del sègle XIX un long debat sus la quita existéncia d’aquesta òbra e sa natura vertadièra : s'agiriá d'un fragment de la famosa Canso d’Antioca, sola cançon de gèste sus la Primièra crosada coneguda en occitan ? lo testimòni d'una tota autra òbra epica occitana desconeguda e extraviada ? un fals fabricat a la fin de l'Edat Mejana ? o inventat per Du Mège el-meteis ?
La Declaracion dels dreches de l’òme e del ciutadan es probable lo tèxte mai celèbre de la Revolucion francesa. S’agissiá, per la tota novèla Assemblada constituenta, de redigir la tièra dels dreches fondamentals a partir dels quals seriá establida la Constitucion.
La Declaracion foguèt adoptada lo 26 d’agost 1789 e donèt luòc, per sa portada universala, a fòrça traduccions, emai tanplan adaptacions, pastiches o versions, coma la famosa « Declaracion dels dreches de la femna e de la ciutadana » redigida emai publicada per Olympe de Gouges en 1791.
Autanlèu coma foguèsse adoptada, dins un contèxte politic favorable a la revirada de tèxtes oficials en lengas de França - los istorians an poscut parlar de « politica de las traduccions » per lo primièr periòde revolucionari marcat pel Decret del 14 de genièr 1790 prevesent que « lo poder executiu farà revirar dins tots los idiòmas de la França los decrets de l’Assemblada nacionala » - mantas reviradas occitanas de la Declaracion dels dreches de l’òme e del ciutadan foguèron recensadas.
Aquel article establís l’inventari de las diferentas reviradas e versions occitanas de la Declaracion dels dreches de l’òme dempuèi la Revolucion fins a las versions e reviradas contemporanèas.
Una granda partida de las reviradas occitanas dels tèxtes oficials, respondent al Decret del 14 de genièr de 1790 a malurosament desaparegut.
Lo tarnés Dugas emai sos collaborators avián notadament, als costats d’autres traductors mai ocasionals, produch un centenat de volums de revirada en occitan dels decrets e actes constitucionals. Sola una partida d’aquel còrpus es servada als Archius nacionals (AA 32, dossier 963 : traductions des textes et décrets de l’Assemblée nationale en occitan et autres langues de France pendant la Révolution).
La màger part de las reviradas de la Declaracion dels dreches de l’òme que son pervengudas fins a nosautres s’inscrivon dins aquel contèxte de la politica de las reviradas. Pasmens, la version mai celèbra, la de l’avocat bordalés Bernadau, es estada reculhida dins l’encastre de l'enquèsta de l’abat Grégoire qu’aprestèt son famós Rapport e que mercarà una virada de la politica lingüistica revolucionària a partir de 1793-1794.
Pierre Bernadau (1762-1852) es un avocat bordalés, per alhors istorian de Bordèu, erudit afogat de biografia emai ocasionalament poèta d’expression occitana. Aquò’s coma membre de la Societat dels Amics de la Constitucion que respond al questionari mandat per l’abat Grégoire, tot en li senhalant - ironicament ? - qu'a pas que saisi qu’imparfaitement le sens des questions [posées] aux patriotes. Dins la siá responsa, Bernadau a lo tesic de donar a Grégoire un apercebut aitanplan complet que possible de la realitat de l’occitan parlat a Bordèu emai dins son virat. Pren l’iniciativa de jónher a son mandadís una revirada de la sainte Déclaration des droits de l’homme. Bernadau explica aver realizat aquela revirada emai la de las lois municipales (creacion de las comunas lo 14 de decembre 1789) dins la langue mitoyenne entre tous les jargons en usatge dins las campanhas a l’entorn de Bordèu. Bernadau ditz qu’a fach aquelas primièras reviradas amb d’anotacions per èstre très-utiles aux paysans del Bordalés. La revirada de Bernadau s’inscriu doncas dins l’esperit del periòde de la « politica de las traduccions ». L’idèia èra de rendre intelligible al pòble non francofòn los progrèsses e dreches autrejats per la Revolucion.
S’agís d’un manuscrit de 11 paginas datat de 1790 e contenent la revirada occitana amb lo tèxte francés donat en interlinha. Es religat al dintre d’un recuèlh de documents mandats a l’abat Grégoire dins l’encastre de son enquèste suls patois e servat dins lo fons de l’abat Grégoire a la Bibliotèca de la Societat de Port-Royal (còta : ms. REV 222).
La connaissance que j’ai des campagnes qui m’avoisinent m’a fait imaginer de traduire, dans la langue mitoyenne entre tous les jargons de leurs habitants, la sainte Déclaration des droits de l’homme et les Lois municipales, tant du 14 décembre dernier que celles décrétées depuis. Le tout est accompagné de quelques notes très-précises mais très-utiles aux paysans. J’espère que l’administration de la Gironde favorisera mon projet. J’aurais l’honneur de vous en adresser copie, si vous croyiez que l’Assemblée nationale, ou même le club des Jacobins, voulût accueillir mon hommage. »
Responsa de Pierre Bernadau à l'enquête de Grégoire, editada per Augustin Gazier, « Lettres à Grégoire (suite) » dins : Revue des langues romanes, 2e série, t. 3, 1877, pp.178-193. Consultable en linha sus Gallica.
Tanben coma per de nombroses traductors del periòde, Bernadau fa primièr una causida lingüistica, cercant a revirar dins una fòrma emai un nivèl de lenga occitana comprensible pro largament per delà las variacions localas. Causís l’occitan tal qu’es parlat a Bordèu, langue mitoyenne entre tous les jargons ça-ditz el.
Per sa situacion de pòrt emai de caireforc, mai que mai entre los domenis dialectals gascon e lengadocian, l’occitan parlat suls cais de Bordèu, onte Bernadau a d’alhors passat sa vida, es una mena d’occitan « unificat » de la ribièra de Garona (es l’occitan popular de Bordèu qu’un sègle après Bernadau, apelavan lo « pishadèir ») : los Tolosans, Peiregòrds, Agenés, Landés, Bearnés, Auvernhats que se crosavan e se rencontravan sul pòrt de Bordèu, podián tots comprene lo pishadèir. I trapam mescladas de fòrmas apartenent a las doas grandas variantas del territòri, coma los demonstratius aqueth (gascon) emai aquel (lengadocian). Bernadau utiliza los dos indiferentament dens sa revirada.
La revirada de Bernadau es reputada pauc fidèla al tèxte original. L’istorian Jacques Godechot en particular senhalèt que la revirada de Bernadau èra pas basada complètament sul tèxte de la Declaracion dels dreches de l’òme tal coma foguèt adoptada en 1789, mas sus una parafrasi mai o mens fidèla d’aquela. Es possible que Bernadau, al contra del Provençal Bouche, aja cercat a rendre intelligibla la Declaracion non solament en la revirant dins la lenga del pòble, mas tanben en reformulant de biaisses de dire que jutjava sens dobte tròp tecnics.
Consultar lo manuscrit original (Bibliotèca de la Societat de Port-Royal, ms REV 222) : https://occitanica.eu/items/show/20274
Augustin Gazier (1844-1922), que dirigissiá la bibliotèca de la Societat de Port-Royal, a publicat dins la Revue des langues romanes de 1874 a 1879 l’integralitat de la responsa de Bernadau a Grégoire, inclusent la traduccion de la Declaracion dels dreches de l'òme.
Consultar l’edicion d’Augustin Gazier dins la Revue des langues romanes : https://occitanica.eu/items/show/5126
Consultar la version manuscricha de l’edicion d'Augustin Gazier : https://occitanica.eu/items/show/19881
Per èstre mai celèbra, la traduccion de Bernadau n’es pas la sola realizada a l’epòca revolucionària pel domeni occitan.
Charles-François Bouche (1737-1795), òme politic sestian fòrça actiu pendent lo periòde revolucionari, deputat del Tèrç als Estats general puèi a l’Assemblada nacionala, fa estampar en 1792 sus las premsas de l’Imprimariá nacionala La constitution française traduite conformément aux décrets de l'Assemblée-nationale-constituante en langue provençale et présentée à l'Assemblée-nationale-législative. S'i trapa en preambul una traduccion en provençal de la Declaracion.
Coma Bernadau, Bouche cercava una forma d’occitan provençal de larga comunicacion. Per contra, a la diferéncia de l’avocat bordalés, sa revirada de la Declaracion dels dreches de l’òme es jutjada de marrida qualitat sul plan de la lenga emplegada. Probable per respièch excessiu per la « sacralitat » del tèxte francés emai benlèu per la dificultat de revirar de nocions e biaisses fòrça tecnics per un locutor e erudit provençal de la fin del sègle XVIII, lo tèxte de Bouche es mai una mena de provençalizacion del tèxte francés que non pas una vertadièra traduccion.
En saber mai sus La Counstitucién francézo par Charles-François Bouche.
L’existéncia d’autras versions de la Declaracion dels dreches de l’òme en occitan es atestada emai los documents sián uèi introbables o definitivament perduts. La sociolingüista Brigit Schlieben Lange, especialista de l’occitan pendent lo periòde revolucionari, menciona dins un article de la revista Lengas la version d’un nomenat Larrouy en parlar de Bearn e datada de 1790. Es possible qu’aquela version siá servada dins lo fons AA32 dels Archius nacionals.
Tot parièr lo Dictionnaire des usages socio-politiques : 1770-1815, fas. 5 : Langue, occitan, usages (Paris : Klincksieck, 1991) cita una revirada occitana de la Declaracion atestada a Sent Micolau de la Grava, non luènh de Los Sarrasins per un document testimoniant qu’èra estada legida e comentada en « lenga vulgara » amb la Constitucion per tant de las rendre intelligiblas a tots los ciutadans.
A Gap, un nomenat Farnaud escriu als administrators del Departament d’Auts Aups per lis-i senhalar la siá revirada de la Declaracion emai de la Constitucion en langage vulgaire ou patois de ce pays. Pòt èsser Pierre-Antoine Farnaud (1766-1842) que foguèt secretari general de la prefectura dels Auts Aups jos l'Empèri. Es conegut per èstre l’autor d’un Noël patois compausat per lo prefècte Ladoucette, celebrant Napoleon, e cantat al temps de la messa de mièjanuèch de 1806, o de son paire Joseph-Antoine Farnaud (1731-1817). Lo tèxte de la traduccion es malurosament pas servat amb la letra als Archius departamentals dels Auts Aups (L417).
Per fin, Renat Merle, dins sa tèsi sus l'Écriture du provençal de 1775 à 1840 (Béziers : CIDO, 1990 cita la demanda d’una traduccion en provençal a Ais lo 7 de novembre 1790 : on réclame la lecture de la Déclaration des Droits de l’Homme en langue provençale. La proposition est mise aux voix et adoptée. Malgrat de virulentas oposicions, çò-ditz Renat Merle, una revirada foguèt realizada en provençal a la demanda dels ciutadans sestians. Es possible que s’agisca de la de Charles-François Bouche, que fasquèt estampar en 1792.
L’escrivan Fèlix Gras (1844-1901), lo « felibre roge », propausa una version de la Declaracion dels dreches de l’òme en provençal dins son roman istoric Li Rouge dóu Miejour (= Les Rouges du Midi, Avignoun : J. Roumanille, 1896). S’agís en realitat d’un cort extrach que, dins lo recit, es portat en pancarta e declamat per un federat de Marselha en rota per París. Sol lo primièr vèrs es, de verai, inspirat de la Declaracion : Lis ome naisson libre e soun tóutis egau. La seguida es un tèxte patriotic que repren los principis de la Revolucion.
Lis òmes naisson libre e son totis egaus.
Lo pòble fai sa lèi e i'a plus ges d'esclau.
A 'sclapat li cadenas, a dubert li presons,
La terra es tota sieuna e sieuna es la meisson !
Lo pòble es libre en tot : dins sis actes e si crèires :
Rèis, senhors ò marqués res a rèn a ié vèire !
L'òme qu'èra un esclau, l'òme qu'èra un darbon,
Es libre e non dèu còmpte en res, qu'a sa reson !
E viva la Nacion !
Félix Grax, Li Roges dau Miegjorn : transcripcion en grafia classica per Domenja Blanchard. Cressé. Éditions des régionalismes, 2016.
Consultar lo tèxte dins l'edicion originala sus Gallica.
André Benedetto (1934-2009), comedian, autor e meteire en scèna a inserit un bocin de la Declaracion dels dreches de l’òme traducha en occitan dins la siá pèça Les Drapiers jacobins (Novèla companhiá del teatre dels Carmes d’Avinhon, creacion en 1976 pel festenal de Montalban).
Les Drapiers jacobins es una reflexion fòrça influenciada per Fèlix Castan sus la question de l’unitat nacionala al temps de la Revolucion emai una critica de la construccion de la « nacion jacobina », borgesa emai destructritz de las culturas popularas en rason del contengut de classa.
Atribuís al personatge del revolucionari montalbanés Gautier-Sauzin, que ne fa un brave robespierrista, una revirada occitana de la Declaracion dels dreches de l’òme. Se Antoine Gautier-Sauzin a ben de verai existit, ne sabèm en realitat pas grand-causa. Es l’autor d’una peticion servada als Archius nacionals contenent un vertadièr programa d’instruccion publica en occitan entitolat « Réflexions sur le genre d’instruction publique qui conviendrait à nos campagnes méridionales » . Lo caractèr excepcional d’aquela peticion n’a fach lo ponch de despart de la pèça de Benedetto. Çaquelà la revirada de la Declaracion dels dreches de l’òme es una pura invencion teatrala. André Benedetto balha d’alhors lo nom de la traductritz, Marie-Charlotte Chamoux. Repren tanben a la tirada seguenta la version versificada de Fèlix Gras.
Gautier-Sauzin, à Caminel - Te cau bèn ausir aquela declaracion, mon amic. Te la vau revirar dins nòstra lenga.
Lei drechs de l’òme :
«Lei deputats de tótei lei francés pèr lei representar, e que fòrman l’assemblada nacionala, enfaciant que leis abús que son dins lo reiaume e tótei lei malastres publics arribats vènon de çò que tant lei pichòts partioculars coma lei rics ò lei gents en carga, an oblidat ò mespresat lei francs drechs de l’òme, an resolgut de rapelar lei drechs naturaus, vertadiers, e que se pòdon pas far pèrdre ais òmes. Aquesta declaracion a donc estat publicada per aprene a tótei son drech e son deber, pèr fins qu’aquéstei que governan leis afars de la França abusen pas de son poder, pèr fins que cada ciutadan pòsque vèire quand li es mestier de se plànher s’agarisson sei drechs, e pèr qu’aimem tótei una constitution edificada pèr l’avantatge de tótei e qu’assegura a cadun la libertat. Es pèr aquò que lei dichs deputats reconèisson e declaran lei drechs seguènts de l’Ome e dau ciutadan davant Dieu e amb sa santa ajuda. »
André Benedetto, « Les drapiers hacobins ou La pétition de Montauban : Pièce en trois actes », dins Théâtre, 1. Paris : P. J. Oswald, 1976.
La Declaracion de 1789 es estada mantuns còps reescricha e completada (1792, 1795, 1848…) avant d’èsser gaitada coma un tèxte constitucional francés de plen drech. Son inspiracion es de conéisser dins la Declaracion universala dels dreches de l’òme adoptada per las Nacions Unidas lo 10 de decembre 1948. La portada universala d’aquela implicava que siá traducha dins totas las lengas del monde, oficialas o non, mantas traduccions occitanas foguèron realizadas en 1998 :
Consultar en linha sul siti del Naut-Comissariat de las Nacions Unidas als dreches de l'òme :
https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=prv1
Sul meteis site se trapa tanben una revirada en auvernhat (grafia dicha Bonneau) : https://www.ohchr.org/EN/UDHR/Pages/Language.aspx?LangID=auv1
Publicada dins lo n°35 de la revista pedagogica Lenga e país d’òc, aquela revirada en occitan lengadocian es estada realizada per la classa de 4° bilingüa del collègi Jean-Jaurès de Sant-Africa (Avairon) dins l’encastre d’un trabalh d’educacion civica.
Consultar la traduccion dels escolans del collègi de Sant-Africa : https://occitanica.eu/items/show/20514
Les Saumes pagans (Psaumes païens) est le premier grand recueil poétique publié par Marcelle Delpastre (1925-1998) aux éditions Novelum (IEO Perigòrd, Périgueux) en 1974. Le recueil contient 70 psaumes en occitan limousin composés depuis le début des années 1960. Le recueil la fait connaître au milieu des lettres d’oc et reconnaître immédiatement comme une poète à la fois singulière et de très grande ampleur.
Depuis le milieu des années 1960 Marcelle Delpastre était connue des milieux de la promotion de la langue et de la culture du Limousin et publiait régulièrement des textes d’étude sur les traditions limousines - contes, proverbes, chansons, etc. - dans la revue Lemouzi et Études limousines. C’est en participant aux activités de Lemouzi qu’elle entame une œuvre poétique en occitan : après avoir entendu une conférence de l’universitaire et poète limousin Jean Mouzat (1905-1986), expérience qui fut pour elle une révélation sur la richesse et les capacités de sa langue maternelle, elle commence à écrire ses premiers poèmes en occitan. S’ensuit la publication de quelques premiers textes dans la revue Lemouzi, dont le premier, « La Lenga que tant me platz » (Lemouzi, 13, avril 1974). Dès 1968 elle obtient une première reconnaissance hors du Limousin en se voyant décerné le prix Jaufre Rudel pour un long poème, La vinha dins l’òrt, publié par la société organisatrice du prix (Bordeaux : escole Jaufré-Rudel, 1968) qui constitue dans sa bibliographie, son premier livre publié.
Mais c’est avec la parution du recueil Saumes pagans aux éditions Novelum (section périgourdine de l’IEO qui avait repris la fameuse collection « Messatges ») qu’elle va véritablement être découverte par les milieux littéraires occitans et immédiatement reconnue comme une écrivaine de très grande ampleur.
Dans la revue OC, qui avait publié en 1969-1970 neuf psaumes de Marcelle Delpastre, Joan-Pèire Tardiu rend compte, dès sa parution, du premier recueil de Marcelle Delpastre : « … Estranh poder de seduccion que lo d’aqueles Saumes pagans : una fòrça, una vigor rara los anima. La vida se i fa sentir pertot, quitament dins lo “còr de las pèiras”. Un animisme discret mas incontestable se fa jorn dins gaireben cada poèma e contribuís a donar aquesta impression de singularitat que se desmentís pas tot de long del recuèlh… » (OC, 248, ivèrn de 1974-1975)
Sur le plan de la forme, Marcelle Delpastre a abandonné les formes versifiées classiques pour aller vers le psaume. Grande lectrice de la Bible, Marcelle Delpastre a adopté la forme du psaume et son unité d’écriture, le verset, au début des années 1960, au moment d’ailleurs où elle commençait à écrire en limousin.
En tout Marcelle Delpastre a écrit un millier de psaumes en occitan et en français, en très grande partie composés dans un cycle de sept ans entre 1965 à 1971 et publiés en quatre recueils : les Saumes pagans, les cinq volumes des Paraulas per ‘questa terra (I, II, III, IV, V), Le chasseur d'ombres et autres psaumes et L’araignée et la rose.
Du point de vue du style, c’est la musicalité intense et singulière de la poésie de Marcelle Delpastre qui enveloppe immanquablement son lecteur, c’est une poésie du rythme où fond et forme se mêlent et donnent l’envie de la dire ou de l’entendre dire. Celle pour qui chanter « était véritablement pour elle comme respirer, parler, rire, cela faisait partie de la conversation »1, experte de la tradition du chant en Limousin.
Elle refusera d’ailleurs que sa poésie soit chantée : « Ma poésie a sa musique, elle n’a pas besoin de la vôtre ! » a-t-elle répondu à Jan dau Melhau qui voulait mettre en musique quelques-uns des Saumes pagans : « Par contre elle aimait bien que l’on fit de la musique autour de ses poèmes, ne lui déplaisait pas qu’on les psamoldiât sur quelque bourdon. Pourvu, toujours, qu’on en respectât bien le rythme. »2
Dès les Saumes pagans, Marcelle Delpastre s’affirme comme une voix poétique de très grande ampleur, celle d’un rythme, d’un souffle, qui donne voix à l’univers lui-même avec qui elle se confond, comme en témoigne le premier psaume, « Preludi » qui ouvre le recueil en forme de contrat de lecture :
« Qu'escotetz, qu'escotetz pas, qué quò me fai ?
Queu que passa, qu'escote o que passe, qué quò me fai ?
Si escotatz lo vent, quand bufa dins los faus e quand brama dins l'aire ;
si sabetz escotar lo vent, quand mena sas nivols coma de grands ausels de mar, e quand brama dins l'aire emb sa gòrja de giau ;
si avetz auvit per cas la font e la granda aiga e la fuelha purar, lo marmús de l'erba madura en los prats,
podetz saber çò qu'ai a dire.
Zo sabetz desjà. »
Que vous écoutiez, que vous n'écoutiez pas, qu'est-ce que cela me fait ?
Celui qui passe, qu'il écoute ou qu'il passe, qu'est-ce que cela me fait ?
Si vous écoutez le vent, quand il souffle dans les hêtres et quand il brame dans l'air ;
si vous savez écouter le vent, quand il mène ses nuages comme de grands oiseaux de mer, et quand il brame dans l'air avec sa gorge de gel ;
si vous avez parfois entendu la fontaine et le fleuve et la feuille pleurer, le murmure de l'herbe mûre dans les prés,
vous pouvez savoir ce que j'ai à dire.
Vous le savez déjà.
Témoin tout à la fois comme paysanne de Corrèze, ethnologue et poète, de la fin d’un monde, le thème de la mort du pays, traverse également le recueil :
« Anei vers queu país coma aniriatz ad un amic, li borrar sus l’espatla : desvelha-te ! »
J’allai vers ce pays, comme on irait vers un ami, lui taper sur l’épaule : réveille-toi !
Saumes pagans, « Queu país » / Ce pays.
« Parle d’un país mòrt que ne sap pas si viu d’enguera. D’un país mòrt dins sas romecs ; dins la rulha de sas levadas, d’un país que s’oblida se-mesme. »
Je parle d’un pays mort qui ne sait pas s’il vit encore. D’un pays mort dans ses ronces ; dans la rouille de ses rigoles. D’un pays qui s’oublie lui-même.
Saumes pagans, « Lo país mòrt » / Le pays mort.
Les archives des Ballets occitans de Toulouse documentent une période et une action pionnière dans le mouvement de renouveau folk occitan des années 1960-1970.
Les Ballets occitans de Toulouse sont une compagnie de spectacle vivant créée en 1962 par Françoise Dague. La compagnie a joué un rôle majeur pour le renouveau culturel occitan, en particulier en matière de musiques et danses dites traditionnelles ou populaires en Languedoc et Gascogne.
En savoir + sur Les Ballets occitans de Toulouse : lire l'article Les Ballets occitans de Toulouse dans l'Enciclopèdia.
Le fonds des Ballets occitans de Toulouse reflète la double activité de la compagnie, qui joua un rôle pionnier dans le mouvement de renouveau culturel occitan des années 1960-1970. Créés en 1962 par Françoise Dague et dissous en 1985, les Ballets occitans eurent une double activité pour la sauvegarde et la transmission du patrimoine chanté et dansé occitan : d’une part une activité de collectage via des enquêtes orales, d’autre part une activité de création et de diffusion de spectacles vivants interprétant les expressions et répertoires populaires occitans.
Le fonds comprend deux corpus d’enquêtes et documents :
Le fonds du Conservatoire occitan conserve également un ensemble d’enregistrements des activités et des créations des Ballets occitans réalisés par le Conservatoire.
Le fonds des Ballets occitans est inventorié et indexé au sein du portail documentaire du COMDT.
Voir le fonds des Ballets occitans sur le portail documentaire du COMDT.
Son lien originel avec des acteurs importants du collectage de la mémoire des cultures orales et populaires du Languedoc et de Gascogne, en particulier la compagnie des Ballets occitans de Toulouse et Françoise Dague, ses relations constantes dans le cadre de ses activités avec les praticiens et experts des musiques et danses populaires d’Occitanie (musiciens, enseignants, transmetteurs, collecteurs, ethnomusicologues, facteurs d’instrument, etc.) ont permis de réunir pour son centre de documentation un ensemble remarquable de fonds d’archives orales (son, vidéo et documentation liée : photos, archives papier, etc.)
Le centre de documentation du COMDT propose une riche documentation éditée (livres, revues, CD, etc.) et de nombreuses ressources inédites (archives) sur les pratiques musicales, chantées, contées et dansées des pays d’Oc, particulièrement de la zone Languedoc-Gascogne.
En accès libre dans la salle de lecture, le centre de documentation propose une riche documentation (livres, revues, CD, DVD), pour la consultation sur place ou le prêt aux adhérents, documentant les musiques et danses populaires des pays d’Oc et plus largement l’ethnomusicologie et les musiques et danses traditionnelles en France et en Europe.
Volumétrie : 2600 livres, 1600 CD et disques vinyles, 180 titres de périodiques.
Domaines couverts : ethnomusicologie, littérature orale et ethnographie des régions occitanes, de la France et du monde.
Conditions de consultation : en accès libre pour la consultation sur place ou le prêt.
Voir le site du COMDT pour les modalités d’accès, de consultation et de prêt : https://www.comdt.org/ressources/centre-de-documentation/
Voir les collections du COMDT
Le COMDT conserve une quarantaine de fonds d’archives (son, audiovisuel, photographies et documentation papier) documentant le patrimoine oral régional, pour la plupart constitués par des privés ou des associations dans le cadre de collectages et d’enquêtes musicaux ou ethnologiques depuis le début des années 1950 jusqu’à nos jours.
Une grande partie des fonds d’archives orales a été déposée ou donnée au COMDT pendant la phase la plus active du renouveau folk occitan (1970-1980) et couvre l’espace Gascogne-Languedoc.
Volumétrie : 44 fonds représentant 1’600 heures d’enregistrement, plusieurs milliers de documents papier (documentation, photographies).
Domaines couverts : chant occitan de tradition orale, pratiques dansées d’Occitanie, littérature orale occitane, rites et pratiques collectifs (fêtes, croyances, sociabilités, etc.)
Modalités de consultation : sur place, une partie est numérisée et accessible en ligne sur le portail documentaire du COMDT.
Le Conservatoire occitan de Toulouse à sa création en 1971 (devenu plus tard le Centre occitan des musiques et danses traditionnelles) est une émanation directe de la compagnie des Ballets occitans, créée par Françoise Dague une décennie plus tôt.
Présentation détaillée du fonds : COMDT - Fonds des Ballets occitans
Le COMDT conserve plusieurs fonds issus d’un partenariat avec l’Association pour la culture populaire en Agenais (ACPA) conclu en 2004.
- Fonds de l’Association des quatre cantons du Haut-Agenais
- Fonds Denise Baratz
- Fonds Claude Pons
- Fonds de la Fédération des oeuvres laïques du Lot-et-Garonne
- Fonds de la Maison des jeunes et de la culture / Maison de la vie rurale de Monflanquin
- Fonds Pèire Boissière - Radio 4 cantons
- Fonds Pèire Boissière
- Fonds Association pour la culture populaire en Agenais (ACPA)
- Fonds Michel Valière - Haut-Agenais
- Fonds Lo Pifre Fonds des ATP Marmande
- Fonds Annie Parrouy
Éducatrice et conseillère technique et pédagogique nationale d’arts et traditions populaires au sein de l’Éducation Nationale, Marinette Aristow-Journoud a constitué entre 1954 et 1970 un fonds d’enregistrements liés à son activité de pédagogue.
Présentation détaillée : COMDT - Fonds Marinette Aristow-Journoud
Enquête ethnomusicologique menée dans la zone Cabardès-Montagne Noire, pays de la bodega ou craba (cornemuse de la Montagne Noire).
Présentation détaillée : COMDT - Fonds Didier Olive
Francine Lancelot (1929-2003), chercheuse, danseuse et chorégraphe s’est très tôt intéressée aux danses traditionnelles régionales et à l’étude des danses anciennes, populaires et savantes. Le fonds concerne ses recherches sur les pratiques dansées en Gascogne (Gers, Landes, Béarn).
Présentation détaillée : COMDT - Fonds Francine Lancelot
Le COMDT décrit l’ensemble de ses collections au sein d’un catalogue informatisé accessible en ligne.
Le portail documentaire du COMDT donne aussi accès aux ressources numérisées.
Aller sur le portail documentaire du COMDT : http://cataloguedoc.comdt.org/