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Lo Bramàs : un trabalh de collectatge de la memòria cantada d'Aude e dels territòris limitròfs
CIRDOC-Institut occitan de cultura

Mémoire chantée de l'Aude : un projet du collectif Lo Bramàs

La génèse
Artiste du Minervois, Laurent Cavalié attache une importance toute particulière à la chanson : elle jalonne de part et d’autre son parcours créatif.
La chanson en tant qu’élément esthétique, certes, en tant que vecteur sensitif, émotionnel. Mais d’abord, en premier lieu, la chanson en tant que transmetteur. En tant que messager, témoin privilégié du contexte dans lequel elle prend forme. Bref, la chanson en tant que fait social.

C’est donc tout naturellement qu’il entreprend d’interroger la mémoire chantée de l’Aude et, plus largement, du Languedoc, son terrain de prédilection. Ainsi est né le projet Lo Bramàs (« le grand cri », en occitan), à partir de collectages réalisés aux quatre coins du département. Devenu collectif de chanteuses et chanteurs occitanophones, Lo Bramàs entreprend très vite de se réapproprier toutes ces bribes de chansons recueillies à droite à gauche auprès des habitants des villages, pour les faire vivre et, par là même, les restituer lors de veillées en forme de laboratoires.
L’idée principale étant de faire remonter à la surface la mémoire pour permettre à la transmission orale d’opérer à nouveau.
Le fait n’est pas anodin : il y a là, dans ce savoir enfoui, ce dialogue amputé, l’articulation d’un rayonnement culturel laissé pour mort. De quoi dévoiler, tour à tour, l’histoire d’un pays, et permettre à l’individu d'interagir en profondeur avec son environnement direct. L’antithèse d’une société atomisée, en somme.
Dans ce travail de renouveau, en mêlant héritage et construction, l’artiste, Laurent Cavalié, se place au cœur même des grands enjeux qui traversent notre époque.
L’identité y est envisagée non pas comme un simple héritage ou une donnée fixe à laquelle il faudrait se conformer, mais comme le fruit de processus relationnels. In fine : la clé de voûte d’une société plurielle. 

Ce sont ainsi des centaines de chansons qui ont été collectées. Quelques-unes sont complètes, d’autres doivent être reconstituées. Ces collectages sonores sont aussi accompagnés d’une documentation écrite qui permet, quelquefois, de combler les trous de mémoire des interprètes enregistrés ou de donner plus d’indications sur la musique ou sur les paroles. Parfois, les versions d’un même morceau se croisent, se complètent, d’un village à l’autre.

La restitution de ce projet est aujourd'hui accessible au sein d’Occitanica.

Le collectage

Lo Bramàs, qu'es aquò ?
En France, cela fait deux siècles que passionnés, curieux et scientifiques collectent la mémoire des femmes et des hommes des zones rurales ou urbaines, d’ici ou d’ailleurs.
Avec les changements radicaux survenus depuis la révolution industrielle et, surtout, depuis 1945 sont apparues de nouvelles disciplines liées à l’étude des sociétés humaines, désormais confrontées au choix de la survie de leur langue et de leur culture.
Avec elles la notion de « collectage », opérations d’urgence pour récolter et sauver les derniers témoignages liés à un savoir, une chanson, une photo, un geste, un instrument, un conte populaire ou une simple anecdote. En somme : tout ce qui touche à la vie des individus, y compris ce qui peut paraître insignifiant de prime abord.
Si l’écrit domine aujourd’hui, il n’y a pas si longtemps, l’oralité était le médium principal en matière de transmission. Une oralité fragilisée voire rendue muette par une société atomisée, où le dialogue intergénérationnel est de moins en moins évident, où la solitude fait trop souvent place au grand silence.

Lo Bramàs, où c'est ?
> Les principaux lieux de collecte du projet Lo Bramàs se situent dans l'Aude mais quelques localités limitrophes de l'Hérault se sont montrées elles aussi riches en enseignement et informations. Les voilà par ordre alphabétique :

Aude :
Alzonne, Arquettes-en-Val, Cabrespine, Camplong-d'Aude, Capendu, Carcassonne, Duilhac-sous-Peyrepertuse, Ferrals-les-Corbières, Fontcouverte, Gruissan, Labastide-en-Val, Laure-Minervois, Lespanissière, Limoux, Maisons, Marcorignan, Montlaur, Montséret, Pépieux, Peyriac-de-Mer, Peyriac-Minervois, Port-la-Nouvelle, Portel-des-Corbieres, Roubia, Rouffiac-des-Corbières, Saint-Nazaire-d'Aude, Sallèles-d'Aude, Salsigne, Serviès-en-Val, Trausse, Villardonnel, Villanière

Hérault :
Agel, Beaufort, Cesseras, Felines-Minervois, La Caunette, La Liviniere, Olonzac, Siran

Organisés en groupe, les entretiens de ce collectage ont permis l'émulation des participants et de souvenirs en anecdotes, c'est une masse considérable de chansons qui ont ainsi été amassées : un volume hétéroclite cependant. En effet, la collecte présente des chansons populaires de langues très variées, minorisées ou non. Ainsi, les chansons de langue française (une grande majorité), allemandes ou anglaises côtoient  l'occitan bien sûr mais aussi le catalan ou bien l'alsacien. 

Le travail de réinterprétation

Dans un objectif de transmission du répertoire ainsi recueilli, Laurent Cavalié et l’association Lo Bramàs réunissent un collectif de chanteurs et chanteuses occitanophones et leur confient à chacun un certain nombre de dossiers d’enregistrements de manière à ce que ceux-ci s’approprient et réinterprètent le répertoire qui leur a été confié. L'enregistrement de ce travail de transmission et de réappropriation ainsi que la réalisation de vidéos autour de ce travail constituent la dernière étape du projet. C’est ainsi un trésor de transmission d’une immense richesse qui se trouve ouvert à l’écoute, l’adaptation, la (re)composition, l’invention, l’imagination, la recherche et la réappropriation.


REGARDER / ECOUTER / (RE)DECOUVRIR

 > Vous trouverez ci-dessous une sélection régulièrement mise à jour de quelques-unes des chansons collectées, et qui ont fait l'objet de réinterpréations filmées lors de veillées par l'association de production audiovisuelle KOVisuel.

 > Vous trouverez ensuite, à partir de chacune des pages hébergeant les vidéos, un lien permettant de consulter le document audio séquencé tiré des soirées de collectage originelles organisées aux quatre coins de l'Aude, ainsi que les paroles des chansons dans leurs différentes versions.

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Félix-Marcel Castan

Poète de langue dʼÒc, historien de la littérature et de la civilisation occitane, penseur et acteur de la décentralisation culturelle en France.

Eléments biographiques

Félix CASTAN naît le 1er Juillet 1920 à Labastide-Murat (46). Son père est ingénieur aux Ponts et Chaussées, sa mère professeur de français. Lʼoccitan est la langue maternelle de son père (il apprend le français à lʼécole). Sa mère le comprend mais refuse de le parler. 

Son enfance se passe à Moissac (82). Mais la crue du Tarn en 1930 va détruire la maison familiale. Un an après, la famille sʼinstalle à Montauban, 30, rue de la Banque. Lʼadaptation à cette nouvelle vie est difficile pour la mère, Hélène. Elle sombre dans une profonde dépression. Félix a alors 12 ans. Il se rend compte que la seule chose qui rende le sourire à sa mère est de parler de littérature.

Car sa mère écrit et lui apprend la versification. En 1935, nous trouvons son premier cahier de 17 poèmes en vers classiques (en langue française). Ce qui frappe le plus, cʼest la maîtrise du lyrisme : peu dʼétats dʼâme, par contre un sens déjà aiguisé de la critique...

À cette époque il découvre un auteur pour lequel il gardera jusquʼà la fin de sa vie un sentiment de fraternité profonde : Germain Nouveau.

Il passe un baccalauréat « Math.élèm » pour faire plaisir à son père puis le bac « Philo ». Sa mère lʼenvoie donc à Paris en Khâgne à Louis Le Grand. À cette époque, il rêve de partir aux Etats Unis.

En mai 1939, il tombe malade et se retrouve à Labastide-Murat chez sa grand-mère. Il ne sera rétabli quʼà la fin de lʼannée 1940 : de là date sa passion pour la langue et la littérature occitanes.

Il trouve une embauche à Léribosc. Mais il lui faut partir aux Chantiers de Jeunesse, service obligatoire. Il s’en va en octobre 1941 à Castillon en Couserans, avec une adresse en poche (M. André Barrès, à Orignac près de Bagnères de Bigorre, membre du PCF, qui professe un marxisme chrétien). Cʼest auprès de cet homme qu’il découvre le marxisme et le communisme.

Libéré en 1942, il revient à Léribosc où on lui a gardé sa place dʼouvrier agricole. Il a toutes ses soirées pour lire, écrire, entretenir ses correspondances : le groupe de Montauban (les poètes Malrieu et Albouy), les peintres Marcelle Dulaut et Lapoujade, la philosophe Odette Penot. Avec eux, il découvrira le jazz chez Panassié. Dʼautre part, il est en correspondance régulière avec les occitanistes : Ismaël Girard, René Nelli, Max Rouquette, Robert Lafont. En décembre 1944, nous le retrouvons engagé volontaire, encaserné à Montauban dans le 1er bataillon de marche dit bataillon Cottaz - 2ème Compagnie. Il adhère au Parti Communiste.

En avril 1945, il participe aux combats de la Pointe de Grave puis le bataillon remonte vers Strasbourg. En décembre 1945, Félix Castan contracte une deuxième longue maladie et passe quelques mois entre la vie et la mort. En 1946, il est guéri. Il rentre à Montauban où il est censé préparer le concours de lʼEcole Normale d’instituteurs.

Un grand projet lʼanime en 1946-47 : rassembler tous les poètes français et occitans dʼOccitanie en une publication en hommage à Joë Bousquet. Malgré le soutien de Bousquet et de Marcenac, ce projet ne verra jamais le jour... Cʼest sûrement la première désillusion. Mais le travail a été fait et on peut penser que le fameux numéro spécial dʼOc de 1948 dont il est le rédacteur en chef en est le prolongement. Pour la partie française nʼapparaissent que quatre textes publiés sous le titre Montauban-Epopée (Éd. Mòstra, 1979). Il y donne un texte daté de 1944 quʼil considérait comme son dernier texte en langue française. Il contient toute son adhésion à la langue occitane.

Dans les années 50, lʼaction militante au Parti Communiste lʼoccupe particulièrement au travers dʼune amitié indéfectible avec le journaliste Maurice Oustrières.

Cʼest à cette époque que débute la relation amoureuse avec Marcelle Dulaut. Elle est peintre. Cʼest elle qui illustre son recueil qui paraît dans la collection Messatges en 1951. Ils se marient en décembre 1953.

Quelques mois auparavant, ils organisent au Musée Ingres de Montauban une exposition rétrospective de lʼœuvre de Lucien Andrieu. Félix Castan y donne une conférence importante, publiée en 1954 dans lʼalbum qui suit lʼexposition. Sur la lancée, le Groupe « Art Nouveau » se constitue : organisateur du Salon du Sud-Ouest (lʼancêtre de la Mòstra del Larzac). De 1954 à 1963, il organise avec Marcelle Dulaut qui en est la directrice artistique le Salon du Sud-Ouest qui deviendra la Mostra del Larzac de 1969 à 1997.

La première structure est née : dans le domaine des arts plastiques. Lʼidée du Festival de Montauban, qu’il animera plusieurs années durant, est déjà en germe. Sa sœur, Jeanne, inscrite au Cours Dulin après la guerre, est devenue comédienne. Une lettre de janvier 54 témoigne de lʼintérêt quʼils portent à Antoine Dubernard, auteur de théâtre occitan (limousin) sur lequel elle travaille... Jeanne sʼorientera finalement vers le théâtre du Siglo de Oro espagnol pour créer le Festival dʼArt Dramatique de Montauban en 1957. En parallèle, Félix Castan prévoit une Biennale Occitane de Poésie.

En 1958, apparaît la quatrième structure créée par Castan : le Forum de la Décentralisation. Félix Castan, organisateur et théoricien de lʼaction culturelle, acteur farouchement autonome, se réinstalle à Montauban où il devient professeur de français au Collège de la Fobio, alors que Marcelle Dulaut est professeur de dessin au Lycée Michelet. Le poète reste seul avec son travail. Il se sait mal compris par ses amis intellectuels de jeunesse. Ascèse définitive : silencieusement, il poursuit son œuvre. Nous savons quʼen 1959, il a déjà entamé la série des Prophéties (sus la Patz), qui seront publiées dans le recueil Jorn en 1972.

1962 voit naître un projet qui le passionnera : une agence de publicité qui pourrait financer une maison dʼédition occitane ! Tout est prévu, les financements sont prêts... au dernier moment, lʼassocié inquiet de ce choix dʼédition le lâche... lʼOccitanie crée décidément bien des problèmes!..

En 1964, Art Nouveau perd son lieu dʼexposition. Il se réfugie au Château de Nérac. Commence alors la recherche dʼun lieu (qui sera la Mòstra del Larzac) et dʼun financement autonome : un collectage de vanneries traditionnelles à partir du travail de lʼethnologue Maurice Robert, qui le passionne et le met en contact avec de nombreux locuteurs naturels.

En 1965 éclate une violente crise interne du comité du Festival de Montauban, qui se poursuit au tribunal (des contrats avaient été signés conjointement auprès de plusieurs compagnies par des membres différents et tous ne pouvaient être honorés). Jeanne, Félix, Marcelle et quelques autres membres sont exclus de lʼassociation. Jeanne perd sa santé, Félix sʼarc-boute jusquʼau jugement, où lui, sa sœur et son épouse sont réhabilités, réhabilitation qui laisse pourtant le Festival exsangue.

Il crée la même année le Centre International de Recherches et de Synthèse du Baroque et, dans ce cadre, il dirige la revue Baroque (Association des Publications de la Faculté des Lettres et Sciences Humaines - Toulouse 1965). Plus tard, le C.N.R.S., le Centre National des Lettres et les Editions Cocagne deviennent partie prenante. La revue deviendra Lucter en 1971.

Sa mère décède au printemps 1966 dʼune longe maladie. Il lui dédie l’« Oda a ma maire » publiée dans Jorn.

Dans les années 1960, il crée la revue Cocagne (revue dʼactualité culturelle).

En 1968 : il prend une retraite anticipée et commence à réhabiliter (il y faudra plus de 5 ans) l’ancien relais de poste qui deviendra la Mostra del Larzac.

1969 marque la première exposition de la Mostra del Larzac au milieu des travaux inachevés. Notons que les statuts de la Mostra comportent une section "édition". Pierre Viaud est responsable de la mise en page, Félix Castan du choix dʼédition. Tous les deux porteront au jour la publication complète et définitive de lʼœuvre de Roger Milliot (salué par Seghers dans son Anthologie des Poètes Maudits, grâce à la parution in extremis du livre). Milliot était un ami très proche, familier de la maison, associé de Marcelle Dulaut dans un atelier de modelage et de dessin pour enfants. Il accroche les expos dʼArt Nouveau. Il se suicide en 1968, laissant une œuvre poétique brève et dense.

L’édition de cette œuvre est la première réussite éditoriale de Félix Castan. Dʼautres viendront : Rien de Bernard Derrieu, Lo plag de Max Allier…

De 1969 à 1973, le Festival de Montauban survit contre toute attente. Les subsides ont très sensiblement diminué : le Ministère nʼappuie plus une action qui a été perturbée par les conflits internes. Les rêves de production de cette époque ne seront jamais réalisés : entre autre La Tragédie du Roi Christophe dʼAimé Césaire...

En 1971, la revue Cocagne devient Lucter.

Après le décès brutal de Marcelle Dulaut au printemps 1978, la Mostra perdure sous sa première forme (rassembler et confronter toutes les tendances) jusquʼen 1983. Par la suite, elle sʼapplique à montrer et étudier une tendance ou un groupe particulier. En 1983 les éditions Mostra sont ainsi transmises aux Éditions Cocagne aujourdʼhui responsables de lʼédition de son œuvre. A la fin des années 1980, Félix Castan entame son travail sur lʼœuvre dʼOlympe de Gouges dont beaucoup reste à publier.

Il achève sa vie auprès de sa compagne Betty Daël, directrice des Editions Cocagne. Ils se marient en 1998.


Les dix dernières années de sa vie, il réfléchit à une histoire de la lyrique occidentale depuis les origines. Il relit par exemple Grégoire de Narek, les grands poètes de langue arabe...

Il décède le 22 Janvier 2001.

Terminons avec une citation extraite dʼHétérodoxies : « La loi véritable de la vie culturelle nʼest pas une loi unitariste. Lʼ universalité porte, inscrite dans ses gènes, la multiculturalité : on pense trop souvent, naïvement, la culture en termes statiques, espaces vides, masses immobiles... Son patrimoine génétique assure lʼinfini renouvellement, la dialectique créatrice des cultures. Il nʼy a de culture que dans une permanente genèse de la diversité par la diversité. »

Engagement dans la renaissance d'oc

Félix Castan découvre la littérature occitane en 1939 durant sa maladie à Labastide-Murat à travers les œuvres de Cubaynes et Perbosc, grâce à des livres que lui porte l’instituteur du village. Il prend contact avec Cubaynes en février 1940 (la réponse de Cubaynes est datée de février 1940).

Début 1941, il rentre à Montauban où il apprend à ses parents, sidérés, quʼil veut devenir ouvrier agricole pour apprendre la langue dʼOc. Il rencontre Ismaël Girard en 1942, Nelli en 1943, ainsi que Lafont, Max Rouquette...

En 1945, juste avant le combat de la Pointe de Grave, il envoie 200 F. à Girard pour la constitution de lʼI E O.

Ses débuts dʼécriture poétique en langue dʼoc datent des années 1940. Il envoie ses textes à Perbosc qui lui répond en janvier 43.
Il est rédacteur en chef de la revue Òc de 1948 à 1954.
Il participe à la réflexion et à la mise en place de l’IEO : méthodes de travail, pédagogie, critique littéraire…

En 1954, à l’Assemblée générale de Montpellier, Castan critique la pensée économiste

En 1954, il abandonne la rédaction dʼÒc.

En 1957, il signe avec Manciet la déclaration de Nérac.

En 1963, il présente une motion dʼunité à lʼAssemblée Générale de lʼIEO. Cette motion adoptée à l’unanimité par l’Assemblée Génerale fait partie du Manifèst Eretge, qui sera imprimé le 4 Août 1966, mais jamais diffusé.

Le 6 septembre 1964, à l’Assemblée générale de l’IEO à Decazeville, Girard, Castan et Manciet sont exclus de l’IEO. Le montage de textes intitulé Manifèst Erètge tend à faire comprendre la position des trois exclus de l’IEO. Cette exclusion est très douloureuse pour Félix Castan qui n’en continue pas moins l’action culturelle entreprise depuis les années 1950.

De 1954 à 1963, il organise avec Marcelle Dulaut qui en est la directrice artistique le Salon du Sud-Ouest qui deviendra la Mostra del Larzac de 1969 à 1997, implantée aux Infruts (La Couvertoirade 12230 La Cavalerie), lieu d’expositions dʼarts plastiques et de vannerie traditionnelle, représentatives de lʼart dʼavant-garde et de la tradition occitane. Dans la belle maison caussenarde, ex relais de poste, il fait visiter les expositions et aime échanger avec les visiteurs de passage. De nombreuses années, le 15 août, il y organise des débats culturels qui rassemblent créateurs (peintres et écrivains) et acteurs de l’occitanisme. Un de ces débats est par exemple retranscrit dans le n° 33/34 de la revue Mòstra.

En 1957, dans le cadre du Festival de Montauban qui deviendra en 1974, le Festival dʼOccitanie, il crée les Biennales de Poésie Occitane (1957, 1959, 1961) « où se confronteront des poètes de langue française et des poètes de langue dʼoc ». Lʼidée de cette Biennale découle directement de la fameuse Déclaration de Nérac.

En 1959, Félix appelle les écrivains dʼOc à signer cette Déclaration en prévision de la deuxième Biennale de 1960 où se rencontreront français, occitans et espagnols. La 3ème et dernière Biennale aura lieu en 1962 (rencontre poésie / cinéma expérimental).

En 1972, il édite son recueil Jorn : six longs textes dont deux odes, deux satires et deux prophéties datés de 1959 à 1966. Les prophéties font référence au prophète de la Bible Amos, issu du peuple et surtout critique de lʼinstitution religieuse et politique...
Ces textes donnent matière au film de Michel Gayraud Mas paraulas dison quicòm.

Si le recueil ne contient que six textes, nous pouvons affirmer que la production fut beaucoup plus importante : il existe par exemple une « Ode à la Ville », une « Ode à Garonne »...

Bien sûr les Editions Mostra nʼauront jamais la capacité financière de diffusion.

1973 voit la rencontre de Castan et André Benedetto. La chanson occitane apparaît au festival, qui se réoriente, se nomme Festival dʼOccitanie, devient pluridisciplinaire.

En 1983, il fonde le Forum dʼOccitanie qui chapeaute toutes ces structures, plus le Forum des Identités Communales, Caméra Libératrice et les Editions Cocagne.

À la fin de sa vie, il met en place son épopée Epos-Ethos où la légende familiale qui a bercé son enfance lui sert de point dʼappui : ses deux parents s’étaient trouvés orphelins très jeunes.

Tout au long de son existence, Félix Castan a construit en parallèle une œuvre poétique en langue dʼoc, une œuvre d'essayiste sur la décentralisation culturelle, une œuvre dʼhistorien de la culture occitane.

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L'affaire des panneaux en occitan de Villeneuve-lès-Maguelone
Centre interrégional de développement de l'occitan (Béziers, Hérault)

En novembre 2010, une association porte plainte contre la commune de Villeneuve-lès-Maguelone, au sud de Montpellier : le maire a fait poser des panneaux indiquant le nom de la ville en occitan. Au terme d’un long parcours judiciaire, la cour d’appel de Marseille autorise le 26 juin 2012 Villeneuve-lès-Maguelone à garder sa signalétique bilingue.

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Fêtes de Laruns
Etnopòle occitan (CIRDOC-Billère)

Capitale du Haut-Ossau, Laruns est célèbre depuis l'apparition du tourisme thermal au XIXe s. et la venue de nombreux artistes et écrivains. Sa fête patronale Noste Dama (Nôtre-Dame) le 15 août est particulièrement remarquable.

Les Aubades

Tôt le matin, les musiciens vêtus de leur camisole (blouse) noire et les balladins revêtus de leur veste rouge parcourent les rues de la bourgade jouant des chansons en passe-rue. Ils s'arrêtent sous les fenêtres des personnes qu'ils souhaitent honorer pour leur faire une aubade musicale de leurs flûtes à trois trous/tambourin à cordes, accordéon et violon.

La Messe

La grand'messe de l'Assomption met à l'honneur les personnes portant le costume traditionnel qui se placent dans le chœur : les hommes avec les pantalons, chausses et la courte veste écarlate, les femmes recouvertes du capulet (long capuchon) de soie rouge. Cantiques traditionnels ou récents sont ici généralement chantés spontanément en polyphonie.

Le Bal

Dès la fin de la cérémonie religieuse, s’organise sur le parvis de l’église un cortège ouvert par les musiciens jouant des airs de passe-rues. Ce cortège traverse la place en direction du taulèr (litt. étal, le podium autrefois dressé sur des barriques sur lequel s’installent les musiciens et autour duquel se positionnent les danseurs). Le bal démarre alors selon un ordre bien établi ouvert par le très solennel branlo baish (branle bas) dansé une seule fois. Suivent un saut  dansé par les jeunes hommes, autrefois les conscrits, puis un branlo airejant. La suite du bal fait ensuite alterner série de branles et sauts.

Apéritifs et repas

Le bal se poursuit par un long apéritif. La municipalité offre dans un premier temps un vin d'honneur sous la halle. Il s'agit là de la première étape d'une longue journée placée sous le signe de la polyphonie. Par petits groupes d'amis ou bien tous ensemble, chacun exprime le bonheur des retrouvailles et l'identité valléenne par de très nombreuses chansons de table. Les chanteurs du village et ceux venus de toute la vallée s'acheminent ensuite vers les cafés de la place puis, tard dans l'après-midi, à l'appel répété des cuisinières, vers le repas de fête où la polyphonie ne s'estompe pas, Laruns devenant ce jour-là la capitale du País de las cantas (le Pays des chants)

Passacarrèra

L’après déjeuner est marqué par un passacarrèra (passe-rue) qui remplace la procession vespérale de la Vierge abandonnée dans les années 60 après le Concile Vatican II, procession dont l’origine remontait aux processions votives ordonnées par Louis XIII.
Le passe-rue voit chaque quartier converger en chanson vers la place centrale. La déambulation s’accomplit le temps de l’interprétation par des musiciens d’une strophe de chanson. Les chanteurs s’arrêtent alors formant un cercle barrant la rue chantant une strophe puis ils reprennent leur déambulation en musique.

Bals en soirée

A l’arrivée sur la place un deuxième bal se tient enchaînant branles et sauts. Un dernier bal a lieu plus tard, vers minuit alors que les chants qui fusent toujours des cafés ne s’arrêteront que tard dans la nuit. Chacun des bals se clôt par le branle.

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Actes du colloque "La révolution du livre : XVe-XVIe siècle"
Chapot-Blanquet, Maguy
Depuis 2008, l'association "Histoire et cultures en Languedoc" organise chaque année les Rencontres Internationales du Patrimoine Historique.

Avec le soutien de la Région Occitanie Pyrénées Méditerranée, du CIRDOC - Institut occitan de cultura, de la Société Archéologique de Montpellier  et de la ville de Salon-de-Provence.

Découvrir l'association Histoire et cultures en Languedoc.

La révolution du livre : XVe-XVIe siècle

La Renaissance, cette période de l'entre-deux, Moyen-Âge et Temps Modernes, peut prendre pour repère la chute de l'Empire Byzantin (1453) ou la découverte de l'Amérique (1496) et le règne des Valois et la fin des guerres de  Religion avec la promulgation   de l'Édit de Nantes (1589) par Henri IV. Il ne s'agit pas là de borner la Renaissance comme on borne une route mais d'en  saisir le socle.
Dans ce déroulé historiographique nombreux furent les conflits, les guerres mais aussi les avancées notables en science, astronomie avec Copernic puis Galilée, astrologie avec Nostradamus, en arts avec Leonard de Vinci par exemple, et les Belles Lettres avec, en France, le mouvement de la Pléiade. Mais nous retiendrons ici l'essor du courant hurnaniste.
Ce  courant  est  lié  à  deux  facteurs,  intellectuel  et technique, amenés notamment par le XVe siècle. Georges Bischoff l'appellera « le siècle de Gutenberg ». Grâce à l'imprimerie, le livre sort des sphères du pouvoir (État, Église). Ce mouvement n'émane pas que de la capitale : en région on imprime et on diffuse. Le marché du livre est florissant à Toulouse, en Languedoc, et l'Occitanie tout entière connaîtra aussi sa Renaissance littéraire. Le livre opère comme un média. Cette révolution est comparable à celle d'internet de nos jours.
Le livre est le diffuseur d'une nouvelle philosophie qui place l'humain et les valeurs humaines au centre de la pensée. Mais quel fut le creuset de ce que l'on appellera plus tard « l'humanisme » ?
Après la chute de Constantinople, de nombreux hommes de lettres et de science byzantins se réfugient en occident, notamment en Italie. Les lettrés et artistes italiens tirèrent profit du savoir accumulé en Orient. L'hégémonie territoriale et politique du Saint Empire, avec Charles Quint facilite de facto les échanges des  Flandres à l'Italie. Ce moment de l'histoire accélère la Renaissance culturelle    de l'Occident    et prépare  l'explosion de la civilisation européenne du XVIe siècle.

Parmi les humanistes célèbres, on peut citer Érasme de Rotterdam,  l'italien Pic de la Mirandole, l'anglais Thomas More.  En France, Michel de Montaigne affirme dans les « Essais », parus à Bordeaux en 1580, les droits à la conscience individuelle et formule les principes humanistes : justice, liberté, respect de l'homme, droit au bonheur.
La pensée de Montaigne est à mettre en relation, entre autre, avec la révolution copernicienne (1540) qui place le soleil au centre de l'univers et non plus la Terre. Cette vérité scientifique emmène à penser autrement le rapport entre Dieu et l'homme. Ce rapport n'est plus vertical, l'homme est spatialisé dans un environnement. C'est ce que traduira la peinture de la Renaissance avec l'étude de la perspective.

Cette rupture profonde avec le Moyen Âge, le pape Eugène IV l'aurait anticipé quand il convoque à Bâle, le 23 juillet 1431, un concile sans précédent qui durera 17 ans. Ce concile se veut un Grenelle de l'Église, dirions-nous aujourd'hui. On sait qu'il compte 3500 intervenants et regroupe les têtes pensantes d'alors. Ce concile sera l'incubateur des réformes à venir aussi bien dans l'Église que dans la société.
Mais la machine se grippe, le pape est déposé en 1439 lors d'une session que préside Louis Aleman, archevêque d'Arles. On nomme un antipape, Felix IV, qui n'est autre qu'Amédée de Savoie. Très vite Rome reprend la main et Louis Aleman avec ses 70 chevaliers repartira vers son château de l'Empéri à Salon-de-Provence. Les idées développées à Bâle ont acquis une force inédite et forment un corpus synthétiseur amplifié et diffusé par le livre.
L'échec du concile de Bâle conduira aux « Protesta » prêchées par Luther en l'église de Spier le 19 avril 1529 et aux guerres de Religion en France et en Europe où les royaumes connaîtront  une grande turbulence.
Le courant humaniste de la Renaissance deviendra l'humanisme au siècle des Lumières et sera une philosophie politique annonciatrice de la Révolution de 1789.
Mais alors, qu'en est-il aux XXe et  XXIe siècles ?

Maguy Chapot-Blanquet, docteur en sciences humaines
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Prouvènço e Catalougno : Philippe Martel revient sur les rapports occitano-catalans dans l'histoire
Martel, Philippe (1951-....)
Ce texte de Philippe Martel est issu de la conférence prononcée à Aix en Provence le 16 Mai 2019 lors de la Convention du Forum d’Oc de Provence-Alpes-Côte d’Azur, organisée en partenariat avec le Cercle Català de Marsella.
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Actes du colloque "Promenade entre Languedoc et Provence au XVe siècle"
Chapot-Blanquet, Maguy
Depuis 2008, l'association "Histoire et cultures en Languedoc" organise chaque année les Rencontres Internationales du Patrimoine Historique.

Avec le soutien de la Région Occitanie Pyrénées Méditerranée, du CIRDOC - Institut occitan de cultura, de la Société Archéologique de Montpellier  et de la commune de Tarascon.

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La Provence, une terre convoitée

Comment Louis XI, dès le delphinat, tisse une véritable toile d’araignée pour servir sa politique européenne et aboutir à l’annexion de ce comté souverain. La munificence, qui permet de s’affirmer symboliquement, sera un enjeu majeur du pouvoir sur le terrain provençal et René d’Anjou y aura recours aussi, dans la mesure de ses moyens. L’un est stratège, l’autre touche à tout. Les deux se prévaudront des ressorts de leur temps, notamment la vie spirituelle et le poids ecclésiastique. L’un s’attachera à des actions concrètes, l’autre au rayonnement d’une vie de cour à l’angevine qui instillera un certain attrait chez les Provençaux déjà enclins à la culture et au divertissement qu’on appellerait aujourd’hui “ patrimoine immatériel ”, telles les tarasquinades initiées par René. On s’interrogerra alors : quels bénéfices pour les Provençaux du XVe siècle ces deux grands princes ont-ils apportés ? Et pourquoi, dans la mémoire populaire, l’Angevin est-il resté le “ bon roi René ”? C’est sur cette thématique avec ces deux personnages atypiques et indissociables, que nous proposons une promenade entre Languedoc et Provence.

A Béziers

Au cours d’une conférence et d’un moment musical, on découvrira les différentes facettes du personnage complexe que fut René d’Anjou, auquel nous ajouterons un titre à ses nombreuses titulatures (duc d’Anjou, comte de Provence, roi de Jérusalem, roi
de Sicile, voire roi d’Aragon) : celui de prince des arts en Provence.
Le roi René est curieux de tout. Il porte de l’intérêt à tous les arts
et apporte sa contribution aux lettres françaises avec ses trois ouvrages : le Livre des Tournois, celui du Coeur d’Amour Epris et le Mortifiement de Vaine Plaisance. Ces oeuvres attestent cette relation qui lui était chère entre l’écrit et le dessin, rapport qu’illustrera si bien Barthélemy Van Eyck. René a une conception de la munificence bien partagée par ses homologues du XVe siècle, en particulier en Italie : un prince doit être cultivé, généreux et le faire savoir.
Comme l’écrit Françoise Robin, “ un prince comme René fait vivre
une bonne centaine d’artistes, ce qui est loin d’être négligable. ” Car la fête angevine donne à voir et à être vu. La musique est de toutes les festivités et l’Angevin entretient des instrumentalistes de toutes sortes : harpistes, luthiers, flûtistes, et pour l’extérieur, joueurs de trompettes, de cymbales, de tambourins. Il faut noter que l’entourage des princes donne aux notables le goût des grandes oeuvres, menant la Provence au faîte de son rayonnement culturel.

A Tarascon

Yannick Frizet, docteur en histoire de l’art médiéval de l’Université d’Aix-Marseille, nous entraînera dans le jeu du chat et de la souris auquel se sont livrés le roi René et Louis XI. La Provence est une terre convoitée, non seulement par le roi de France, mais surveillée par le duc de Savoie puisqu’elle est terre d’Empire, par la maison de Milan, par les Catalans qui ont gardé certainement rancoeur de l’alliance matrimoniale qui les a dépossédés de la Provence. La maison de Barcelone y présidait depuis 1113 en dépit de la grande guerre méridionale (1080-1194). Plus d’actualité, les Aragonais sont en guerre contre le roi René à Naples.
Ainsi, au-delà des territoires, il y a la Méditerranée. Marseille est un enjeu majeur pour le commerce. L’oncle et le neveu l’ont bien compris, chacun à sa manière. Louis XI, calculateur, stratège dans ses alliances et leurs ruptures a pour objectif de jouer dans la cour des grands et veut rattacher à la couronne toute la bordure méditerranéenne, du Roussillon à la Provence. L’enjeu est de taille car les Aragonais dominent la Méditerranée occidentale avec les Baléares, la Sardaigne, Naples et la Sicile.
René d’Anjou a pour objectif de développer le port de Marseille pour rivaliser avec Gênes et les ports français méditerranéens. Ce port est la pierre angulaire du développement de la Provence. Il doit faire face aux dangers déjà cités mais aussi aux Barbaresques d’Afrique du Nord. Dans cet espace aux multiples enjeux qu’est la Méditerranée occidentale en ce XVe siècle, René est un prince encore chevaleresque, attaché à la valeur de la parole donnée, contrairement à Louis XI. Il est reconnu par ses pairs comme tel mais cette qualité ne va pas toujours avec la politique et René le prodigue manque de moyens. Il convient également de s’interroger sur le sort des Provençaux dans cette mouvance. Yannick Frizet apportera un éclairage inédit sur la vie du littoral provençal à la seconde partie du XVe siècle, tant sur le plan économique avec la réactivation du commece en Méditerranée, que sur le plan sécuritaire face à la piraterie dont furent victimes villes et villages. Il montrera également comment les pouvoirs urbains, avec leurs moyens propres, ont su gérer ce fléau de façon plus efficace que les rois-comtes de Provence et leurs hauts dignitaires.

Au château

Après la salle des festins et la visite de l’église Sainte-Marthe, Aldo Bastié, conservateur du Château de Tarascon, construit de 1400 à 1435, nous fera découvrir son histoire. Cette forteresse possède une double fonction militaire et résidentielle. Elle symbolise la puissance des ducs d’Anjou, princes de sang. Elle fut construite par Louis II et Louis III pour maintenir leur autorité sur le couloir méridional du fleuve, proche d’Arles d’Avignon et de Marseille. Elle est une base de leurs ambitions en Méditerranée. Les aménagements de confort ainsi que les jardins sont l’oeuvre de René (1409-1480), grand amateur d’art et du bien vivre. A la mort de Charles du Maine, frère et successeur de René, le château devient propriété du roi de France, Louis XI. Le château de Tarascon est un chef d’oeuvre du Patrimoine Européen. Il est classé aux Monuments Historiques Français depuis 1840.

Maguy Chapot-Blanquet, Vice-présidente Histoire et cultures en Languedoc
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Le Journal de Panazô / Monique Lavaud-Sarazy
Lavaud-Sarazy, Monique
Mémoire de Master 2 (Université Paul-Valéry - Montpellier III) soutenu le 25 septembre 2014 par Monique Lavaud-Sarazy.

Résumé

Le Journal de Panazô est un journal populaire publié à Limoges de 1957 à 1961, presque entièrement rédigé en dialecte limousin. A travers l'étude de son contenu et la biographie de son auteur André Dexet (1921-1997) dit Panazô, ce mémoire analyse l'impact de cette publication sur la socialisation de la langue occitane. Témoin et observateur attentif de la ruralité limousine, le journal a aussi favorisé une prise de conscience linguistique et culturelle en faveur de l'occitan.

Table des matières

Introduccion

1- La genesi dau Journal de Panazô

2- Sociologia dau monde rurau

3- La formidabla popularitat d'un contaire lemosin de talent

4- Panazô defendaire de sa linga

Conclusion, annexes 

 


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HCL : Histoire et cultures en Languedoc
CIRDOC- Institut occitan de cultura

L'association Histoire et Cultures en Languedoc a pour vocation de développer l'action de mémoire auprès de tous les publics et de permettre la diffusion de la connaissance historique du Languedoc et des cultures méditerranéennes.

Par le biais de ses Rencontres internationales du patrimoine historique, l'association Histoire et Cultures en Languedoc produit et réunit un ensemble d'actes relatifs à l'histoire régionale et pouvant nourrir la connaissance de la langue et de la culture occitanes.

Depuis le partenariat signé en 2014 entre le CIRDOC - Institut occitan de cultura et l'association Histoire et cultures en Languedoc, la diffusion des actes des Rencontres internationales du patrimoine historique est assurée sur Occitanica, le portail de la langue et de la culture occitanes.

Consulter les actes des colloques d’Histoire et cultures en Languedoc disponibles sur Occitanica

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« Décoloniser la province » : rapport de Michel Rocard (1966)

Par son titre choc dans un France encore divisée et marquée par les conflits de la décolonisation, particulièrement en Algérie, « Décoloniser la province », le Rapport Général proposé par le Comité d’Initiative aux délibérations des colloques sur la vie régionale en France présenté par le jeune Michel Rocard (sous le pseudonyme de Georges Servet), a marqué les mémoires et demeure comme un jalon important de l’irruption de la question régionale qui marqua la France des années 1960-1970. La question est particulièrement vive en Occitanie autour de grands mouvements sociaux qui mobilisent les populations, les médias et les acteurs du mouvement occitan en plein développement  : grève des mineurs de Decazeville en 1961-1962, lutte des paysans du Larzac contre l’extension du camp militaire de 1971 à 1981, crise et manifestations viticoles en Languedoc tout au long de la décennie 1970 et au-delà, mouvement des mineurs de Ladrecht de 1979 à 1981, entre autres.

La Rencontre socialiste de Grenoble : refonder la gauche socialiste autour de nouvelles idées et doctrines

La Rencontre socialiste de Grenoble a lieu les 30 avril et 1er mai 1966 à l’appel de nombreuses personnalités politiques, syndicales, clubs, mouvements de jeunesse, etc. de la gauche des années 1960. Elle s’inscrit dans un mouvement de refondation de la gauche française face à la faiblesse et au discrédit de la SFIO au sortir de la IVe République, mouvement qui aboutit au Congrès d’unification des socialistes à Epinay en 1971. Avec 500 participants et une grande couverture médiatique, la Rencontre de Grenoble fut un événement politique important des années 1960.
Animés par la volonté de construire un « socialisme moderne », notamment au cœur du projet du nouveau Parti socialiste unifié (PSU fondé en 1960) coorganisateur de la Rencontre de Grenoble, les participants souhaitent élaborer un projet politique de gouvernement prenant acte des évolutions économiques et sociales des années 1960-1970, et capable de susciter l’adhésion de la jeunesse qui se détourne des partis de gauche traditionnels. Cette période est marquée par l’irruption de nouveaux sujets voire de véritables ruptures dans les doctrines traditionnelles de la gauche française. Avec le Rapport présenté par Michel Rocard, le problème du sous-développement régional français est mis en lumière et permet l’intégration des analyses et propositions des mouvements régionalistes, en particulier celles du Comité occitan d’étude et d’action (COEA, créé en 1962) de Robert Lafont, à la pensée et aux propositions d’une partie de la gauche française.

Dès l’ouverture de la Rencontre, le maire de Grenoble Hubert Dubedout évoque la question régionale comme un sujet fort et toujours mal appréhendé par la gauche française, de tradition étatiste et centralisatrice  : « Il y a dans ces textes un grand vide en ce qui concerne la vie régionale, étant bien entendu que je ne me réfère pas à la parodie de vie régionale que nous connaissons actuellement. Vous faites l'étude des structures d'un État socialiste et vous risquez de tomber dans le piège de l'État centralisateur... » Le colloque qui doit avoir lieu sur la vie régionale autour du rapport de Michel Rocard sera l’occasion d’intégrer pleinement les enjeux et problèmes régionaux.

Le concept de colonialisme intérieur

Si le rapport ne fait pas mention explicite au « colonialisme intérieur » comme concept d’analyse et de propositions politiques face au sous-développement régional, son titre volontiers provocateur dans la France des années 1960, y compris devant un auditoire de personnalités de la gauche française, montre qu’il est inspiré de ce qui se passe, se pense et se dit depuis de début des années 1960 en Occitanie.
La première mention médiatique du concept de colonialisme intérieur est liée à la grève des mineurs de Decazeville, qui donne l’occasion à Serge Mallet - qui fait partie des participants à la Rencontre de Grenoble - d’écrire un article publié dans France Observateur sous le titre : « La révolte des colonisés de l’intérieur » (11 janvier 1962). Au même moment, des écrivains et intellectuels issus du mouvement occitan (autour de Robert Lafont et de l’Institut d’estudis occitans) vont nourrir le concept en le transformer en analyse économique, sociale et politique étayée d’études de plus en plus chiffrées et argumentées. Dès 1962 ils se sont regroupés autour d’une organisation, qui se définit comme un club politique plus d’un parti, le Comité occitan d’étude et d’action. Robert Lafont en est le Secrétaire général et le principal animateur.
Le Rapport fait une référence explicite au mouvement de Decazeville : « Que l'on y prenne garde cependant : les affrontements sociaux changent aujourd'hui de nature. Les mineurs de Decazeville en grève défendaient moins l'avenir de la mine que celui de leur région. Ils ont été mieux soutenus par les paysans aveyronnais que par leurs frères mineurs du Nord. Petit à petit, c'est l'inégalité géographique de développement qui devient l'injustice la plus criante. » En lien avec ce passage, on trouve la seule mention du Rapport sur les revendications linguistiques (reconnaissance officielle et enseignement des langues dites régionales), prouvant qu’il n’est pas une émanation directe des mouvements régionalistes.

Quoi qu’il en soit, au même moment le COEA affiche clairement sa proximité idéologique particulière avec le PSU au sein des différentes composantes de la gauche, en particulier à compter de 1966 lorsque celles-ci tendent à se recomposer autour de François Mitterrand dans une optique de rassemblement avec la SFIO (qui sera opérée à Epinay en 1971, le PSU restant d’ailleurs en dehors de l’unification des composantes socialistes). Côté mouvement régionaliste, la rupture est également consommée en 1966-1967 avec un certain nombre de mouvement, dont le COEA, qui conduit à une candidature autonome des « minorités nationales » à l’élection présidentielle de 1974, représentée par le Secrétaire général du COEA, Robert Lafont. Invalidé par le conseil constitutionnel, il soutiendra la candidature écologiste de René Dumont et non celle du candidat du Parti socialiste, François Mitterrand.

Une émanation indirecte des idées et revendications du Comité occitan d’études et d’action (COEA)

Malgré son titre, on ne trouvera pas dans le Rapport « Décoloniser la province » la réalité des enjeux et propositions du COEA et des autres mouvements régionalistes. Il s’agit d’un rapport d’étude et de mise en lumière du sous-développement économique régional français. Sans que l’on puisse en être certain, il est fort possible que le rapport d’orientation présenté par Robert Lafont à l’Assemblée générale du COEA au printemps 1967 soit en partie une réponse, critique, au rapport de Michel Rocard : « Dans le domaine de l’analyse du colonialisme intérieur : notre intervention théorique a consisté dès le départ à substituer à la notion amorphe, peu distincte, diversement interprétée, du sous-développement régional, une notion infiniment plus dynamique et qui nous engage à une étude structurale, fonctionnaliste, du dépérissement de nos régions : le colonialisme intérieur. Sur ce point, il y a eu succès ; le terme s’est répandu, il a été repris avec vigueur dans la presse et ailleurs. Nous nous sommes pourtant bien aperçus que ce succès même risquait d’être un affadissement… Ceux qui adopteront en France notre terminologie, risquent de confondre sous-emploi, exode rural, retard d’industrialisation et colonisation. En parlant de décolonisation, ils ne viseront qu’une revitalisation économique et finalement une action anodine, qui ne résoudra aucune question de fond. »  (Bulletin d’information du COEA, 20 juillet 1967).

Pour autant, par l’importance politique de la Rencontre de Grenoble, le Rapport de Michel Rocard et plus largement l’irruption dans le champ de la gauche socialiste française d’une nouvelle approche de la question régionale, ont incontestablement joué un rôle dans la diffusion et le succès des analyse et propositions portées par Robert Lafont et le COEA autour du colonialisme intérieur. Quelques mois après la Rencontre socialiste de Grenoble, les éditions Gallimard publient dans une collection à grand tirage, les deux essais de Robert Lafont sur le colonialisme intérieur : La Révolution régionaliste (Paris : Gallimard, 1967), Sur la France (Paris : Gallimard, 1968).

La gauche socialiste et le colonialisme intérieur de 1971 à 1981

Pour ce qui est de l’adhésion de la gauche française aux analyses et propositions du mouvement régionaliste, si la rupture est consommée entre le COEA et le Parti Socialiste au début de la décennie 1970, la question revient dans la seconde moitié de la décennie alors que la candidature invalidée de Robert Lafont a débouché sur la naissance d’un mouvement socialiste occitan autonome, Volèm viure al país, qui fait sans doute craindre la perte d’une partie d’un électorat dans un bastion du socialisme, le Languedoc méditerranéen. Dans le cadre de la campagne présidentielle de 1981, le Parti socialiste et le candidat Mitterrand multiplieront les signes d’adhésion aux revendications régionalistes : programme « La France au pluriel » (Parti socialiste, 1981), discours de François Mitterand à Lorient le 14 mars 1981 et proposition 56 des 110 propositions pour la France. 

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