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Corso ou cavalcade du Carnaval de Béziers (vers 1900)
Cette série de 21 photographies de la cavalcade ou « corso » carnavalesque à Béziers provient d’une collection privée acquise par le CIRDOC en 2011. On ne connaît pas la date exacte, ni le contexte, ni l’auteur de ce reportage photographique, que l’on peut dater de la toute fin du XIXe siècle ou du début du XXe siècle. Il est cependant probable qu’il s’agisse du grand « corso » organisé par le Comité des fêtes de Béziers « sous le patronage des autorités civiles et militaires » en février 1900 tel qu’on le trouve décrit dans la presse régionale de l’époque.

Du carnaval fête populaire au carnaval-spectacle officiel : transformations de la fête biterroise dans les années 1880-1900

Ce reportage photographique constitue un document sur la transformation des pratiques festives carnavalesques dans les villes occitanes au cours du dernier tiers du XIXe siècle, Béziers adoptant, comme Montpellier, Aix-en-Provence, Marseille, et de nombreuses autres villes dans la période, le modèle du carnaval-spectacle, fruit d’une organisation et d’un encadrement officiels, tel qu’il se constitue à Nice à partir de 1873 et qui reste le modèle du genre.

Béziers avait ses rituels carnavalesques plus ou moins immémoriaux qui reprenaient, dans un cycle calendaire autour du Mardi gras et du mercredi des Cendres, tous les grands canons des carnavals populaires languedociens : spontanéité et dimension polémique de la fête organisée autour de rituels, travestissements et masques, inversion des sexes, des rôles, des pouvoirs, non-séparation des participants entre spectateurs et acteurs, usage de la langue populaire, etc.
La presse locale fait état du déclin des pratiques de carnaval, fête populaire de rue, dans la société biterroise comme dans les autres villes de la région au cours du derniers tiers du XIXe siècle. Le 22 février 1887, le Messager du Midi rend compte ainsi du carnaval à Béziers : « Cette année, le carnaval est à Béziers moins brillant que jamais. Peu d’animation sur nos promenades et dans nos rues, c’est à peine si on voit ça et là quelques petites masques. En revanche, il y a eu dans notre ville de brillantes soirées particulières, et une grande animation dans les bals masqués » et, plus loin, en parlant du dimanche gras, autrefois jour-fort du carnaval biterrois : « Sur les allées Paul-Riquet, vers huit heures, profitant d’une soirée clémente, quelques masques ont essayé de rallumer la gaieté biterroise ; mais l’allumette n’a pas pris. Le carnaval est mort. On a bien d’autres soucis en tête. »
Le même chroniqueur fait état par ailleurs de mesures de police prises dans la région contre les traditions de « jets de haricots, d’oranges ou autres projectiles », notamment le mercredi des Cendres où il condamne un « usage que nous ne qualifions pas, qui consiste à jeter sur les passants des matières plus ou moins propres. »
Cette chronique résume à sa façon les deux forces qui conduisent les pratiques festives carnavalesques au déclin dans ce dernier tiers du XIXe siècle : une évolution vers une société de loisirs bourgeois (seuls les grands bals privés et publics subsistent comme marqueur de la fête et attirent la faveur de la presse locale) et une prise en main du temps et des pratiques carnavalesques par les autorités publiques (ici par des mesures de police mais également par le contrôle de l’organisation même des festivités via les comités des fêtes).

Le reportage du carnaval de Béziers vers 1900 tel qu’on peut l’appréhender sur ces photos tranche ainsi radicalement avec les pratiques carnavalesques comme fête populaire ritualisée et polémique. On aperçoit sur les photos la nette séparation entre un public devenu spectateur passif d’un spectacle ordonné célébrant désormais le progrès technique, industriel et commercial (chars de la bicyclette, du progrès agricole, de l’épicerie, de l’éolienne), l’armée (cinq chars ou groupes militaires dans le corso). Même la musique est désormais organisée autour des sociétés de musique qui défilent avec leur bannière.
C'est dans les zones rurales que les pratiques carnavalesques populaires vont se maintenir et se réactualiser à partir des années 1970, retrouvant leur force créative et leur sens politique par le développement de mouvements contestataires retrouvant tout l’intérêt d’un temps de liberté, d’inversion des rôles et des pouvoirs, souvent indissociable d’une volonté de redignification de la langue et des pratiques culturelles populaires.
À Béziers, un siècle après la mort du carnaval populaire, c’est autour du mouvement occitan et des écoles associatives Calandretas que renaît au tout début des années 1980 un carnaval désormais dit « occitan » qui cherche à réactualiser les rôles et fonctions du carnaval originel, dont le temps-fort est le jugement - en occitan et par la jeunesse - du roi Carnaval, conçu comme une mise en procès de l’histoire et de l’actualité pour solliciter un avenir meilleur.

Détail des photographies :

Sur les 21 photographies de la série (selon la numérotation, il semblerait qu’un cliché ait disparu), 20 sont prises depuis l’étage d’un immeuble de l’actuel boulevard Frédéric-Mistral. Une seule photographie, non numérotée, est prise depuis un autre emplacement, au bas de la « Passejada », c’est-à-dire les allées Paul-Riquet.

Identifiant des documents originaux : CIRDOC - Iconotèca : IC-PA/2-1.34_Bez

Liste des photographies :
1 - char de la bicyclette
2 - « char de l’épicerie »
3 - charrette fleurie
4 - Sa Majesté Carnaval
5 - char fleuri
6 - manquante
7 - scène militaire
8 - cavalcade militaire
9 - “char de l’industrie agricole”
10 - “char des mirlitons”
11 - société musicale
12 - société musicale : la Chorale biterroise
13 - scène militaire
14 - char fleuri
15 - société musicale : fanfare et « le poulpe de Boujan »
16 - scène militaire
17 - éolienne « Charité »
18 - char
19 - société musicale
20 - scène militaire « Honneur et Patrie »
21 - Bacchus
sans numéro - société musicale