Parcours :

Leon Còrdas, tota paraula es una abelha / toute parole est une abeille

 

Léon Cordes (1913-1987), issu d’une famille originaire de Minerve (34) où il passe son enfance, écrit ses premiers textes en occitan à l'âge de 15 ans.  Agriculteur et écrivain, il est également le cofondateur de plusieurs revues occitanes importantes de l’après-­guerre : L’Ase Negre et Occitania. Son parcours militant est pour le moins atypique puisqu’il sera à la fois membre du Félibrige et de l’Institut d’Études Occitanes (I.E.O.) durant une période d’importantes dissensions entre les  deux  plus  grandes  organisations  occitanes  du  siècle.  Il  est  également  l’auteur  de nombreuses pièces de théâtre dont la plus connue, Menèrba 1210, a pour thème le siège de Minerve entrepris durant la Croisade contre les Albigeois et sera jouée pour près de 10.000 personnes entre 1983 et  1985.


Si, quantitativement parlant, la poésie de Léon Cordes demeure moins abondante que son théâtre, elle est un élément pleinement constituant de son œuvre. En effet, on y retrouve de nombreuses similitudes tant au niveau des thèmes abordés que des manières de les traiter.

 

 « Quand coneiras que la paraula...»

Quand coneiràs que la paraula Quand la parole te conviendra
te conven e que son messatge et que son message
a retardat d’una beluga aura, le temps d'une lueur, retardé
la nuèit crentosa al ras del jorn  la nuit craintive au bord du jour
- Tota paraula es una abelha - toute parole est une abeille
Que porta sa carga d’amor - lportant son chargement d'amour -

 

Leon CÒRDAS, Aquarèla, dans Òbra poëtica. [Béziers] : Centre International de Documentation Occitane, 1997.


Son premier recueil, Aquarèla, publié en 1946, s’inscrit pleinement dans l’écriture occitane de son temps, très influencée par la poésie de l’Espagnol Federico Garcia Lorca. On y retrouve, comme dans celle de son illustre contemporain Max Rouquette, la thématique prégnante du travail de la terre, non pas simplement au sens de matière agricole mais comme élément constitutif du pays natal et des racines de l’auteur. Ainsi le Minervois est dépeint dans ce recueil dans toute l’entièreté de son paysage et notamment sa faune et sa flore, figures incontournables du message et de l’écriture poétique de Léon Cordes.

Au-delà des thématiques abordées, c’est également la façon de les traiter qui rend la poésie de Cordes si particulière. Le titre Aquarèla semble donner la meilleure clef d’entrée dans le recueil : c’est en effet presque à la manière d’un peintre que Cordes écrit ses poèmes, par la suggestion des couleurs, des paysages et des scènes de vie saisies dans leur immédiateté, toujours dans le souci de ne pas s'appesantir sur le sujet décrit. La modestie de l’écriture devient ainsi l’un des traits emblématique du recueil. On les retrouve d’ailleurs dans ses autres recueils poétiques comme celui publié en 1964, Branca tòrta.

La notion de musicalité et de mélodie du texte est également très prégnante dans la poésie de Léon Cordes. En effet, de nombreux poèmes de l’auteur se rapprochent de compositions musicales. Reprenant la structure de chansons, nombre d’entre eux sont constitués d’un refrain ou de vers qui, repris en écho avec parfois quelques variations, rythment le poème. On retiendra par exemple sa Cançon de l’espera qui revendique cette musicalité jusque dans son titre.
 

Descobrir l'òbra / Découvrir l'œuvre

 

"Photo Georges Souche, extraite du portfolio fòto-poesia "Arbres" (éditions Cardabelle)" 

« Olius al vent » / « Oliviers au vent »

Olius al vent Oliviers au vent
cantar de l’ama chansons de l'âme
anar del temps. course du temps.
   
Felhum d’argent Feuillage d'argent
qu’al jorn ardent ployant
plega sa rama, sous l'ardeur du jour,
frut ametlenc fruit en amande
patz e vivent  paix et nourriture
per l’an que ven.              pour l'an qui vient.
                    
Olius al vent.  Oliviers au vent
destin de l’ama destin de l'âme
cantar del temps chanson du temps.

 

Leon CÒRDAS, Aquarèla, dans Òbra poëtica. [Béziers] : Centre International de Documentation Occitane, 1997.

 

La poesia de Leon Còrdas per Joan-Maria Petit

 

« L'essencial de çò que Còrdas aviá a dire es dich clarament dins sos poèmas, plan melhor qu'endacòm mai. (...)

La geopoëtica, la geolinguistica de Còrdas son pas dins los libres mai dins son pais de Menerbés entre gras e magre, crus e cuèch, vinhas e ròcs, aureta e vent fòl, pensada salvatja e dire liric. Lo non conformisme que s'es prestat a Còrdas es pas que l'imatge confòrme de practicas encara plan vivas aquí, sus un talh que començava ja a s'estequir mai que se descobrissiá a cada sanglòt de l'istoria nòstra.

Còrdas a viscut mai que mai amb los seus. Los a totjorn agachats dins los uèlhs e s'es vist agachat per eles, tre la debuta, jos los fuòcs improvisats d'escenas de fortuna. »

 

« L'essentiel de ce que Cordes avait à dire est dit clairement dans ses poèmes, bien mieux qu'ailleurs. (...)

La géopoétique, la géolinguistique de Cordes ne sont pas dans les livres, mais dans son pays de Minervois entre gras et maigre, cru et cuit, brise et tempête, vignes et rocs, pensée sauvage et dire lyrique. Le non-conformisme que l'on a prêté à Cordes n'est que l'image conforme de pratiques encore bien vivantes en ce lieu, des pratiques qui commençaient certes à s'émousser mais que l'on pouvait voir resurgir comme par réflexe à chaque soubresaut de notre histoire.

Cordes a vécu intensément avec les siens. Il les a toujours regardés dans les yeux et il s'est vu dévisagé par eux, dès ses débuts d'écrivain, sous les feux improvisés de scènes de fortune. »

 

Jean-Marie Petit, Préface, dans Òbra poëtica. [Béziers] : Centre International de Documentation Occitane, 1997.

La votz del poèma / La voix du poème

 

Olius al vent.. Poème lu par Muriel Batbie-Castell.